Le PL 141 fait aussi des satisfaits

Par Céline Gobert | 19 janvier 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Devant la Commission des finances publiques, l’AMF a estimé que le projet de loi 141 lui permettrait de « remplir encore plus efficacement » sa mission, notamment celle de protection du public, sans qu’il y ait de « désaveu » du modèle d’autoréglementation.

De la perspective de l’Autorité, l’intégration des chambres (le mot « abolition » n’est plus prononcé) mettra fin à un modèle de réglementation à trois acteurs pour tout centraliser en un seul organisme, ce qui, estime l’AMF, fera éviter des « chevauchements », de la « confusion exacerbée par la campagne de publicité de la CSF » ainsi que des « dédoublements ».

Réunir les trois organismes en un seul permettra, selon l’AMF, de mieux assister le consommateur, qui disposera ainsi d’un « interlocuteur unique », mais aussi d’uniformiser les mécanismes d’assistance et d’éviter les « renvois d’ascenseur » entre les différents organismes.

De plus, les délais souvent très longs pour traiter les demandes du Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF) seraient réduits, selon l’Autorité. Les échanges d’informations entre les différents organismes, inhérents au fonctionnement actuel, ralentissent le processus, a-t-elle expliqué en cette commission parlementaire. Terminés également les témoignages multiples des consommateurs, qui doivent présentement s’expliquer devant plusieurs instances.

L’intégration des Chambres permettra également de « consolider les actions de sensibilisation envers les consommateurs » et, encore une fois, de ne pas s’éparpiller, estime l’Autorité.

En matière de distribution des assurances sur internet, l’AMF assure qu’elle prendra son temps pour bien élaborer « des règlements spécifiques » la concernant. Elle dit qu’elle n’hésitera pas à prendre le temps nécessaire (le PL 141 prévoit une durée d’un an) pour aller solliciter le consommateur sur leurs besoins dans un tel contexte. Elle mettra ainsi en place des articles d’évaluation ainsi que d’informations sur les produits pour que le consommateur, dit-elle, soit dans la « même situation que s’il avait obtenu ces informations d’un représentant ».

Interrogée sur l’importance que le FMI donne une bonne note au Québec, l’AMF a réitéré sa confiance sur le fait que le Québec puisse se comparer avantageusement à ses homologues fédéraux et que le FMI ne dénote pas de carences majeures dans l’environnement législatif québécois.

Sur l’encadrement de Desjardins, l’AMF a indiqué qu’il s’agissait de l’un de ses défis que de « s’assurer qu’une telle institution, qui est une coopérative, ait l’agilité et la capacité de se redresser » de façon aussi convaincante que les institutions systémiques canadiennes « afin que la situation ne se détériore pas ». L’impact sur l’économie serait majeur.

Enfin, à la question « Êtes-vous en mode intégration ? », notamment en ce qui concerne l’intégration des gens dans les locaux de l’Autorité, l’AMF a répondu être en « mode réflexion ». « Il n’y a pas d’approche qui a été faite auprès des chambres. » Il y aura une administration provisoire pendant un temps qui permettra aux chambres d’exister « le temps de finir ce qu’elles ont commencé. » La réalité de l’intégration est qu’il faudra prendre en compte tous les éléments d’intégration comme les locaux, les baux, ainsi que les personnes, qui seront traitées avec « beaucoup de respect. »

Enfin, l’AMF renseigne que toutes les décisions du Comité de discipline devront être délibérées avant l’intégration afin d’éviter que le dossier soit repris de zéro et le processus du début.

LE BARREAU DU QUÉBEC

De manière générale, le Barreau du Québec s’est dit « satisfait » des modifications apportées, notamment en ce qui a trait à la révision globale de la Loi sur les assurances et de la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne ainsi que des modifications à la Loi sur l’assurance-dépôts. Il n’a pas parlé spécifiquement de l’intégration des Chambres, qu’il avait précédemment critiquée.

Néanmoins, il a proposé certaines modifications pour bonifier le projet de loi.

Par exemple, en matière de vente de produits d’assurance en ligne, le Barreau du Québec estime qu’afin de mieux protéger les consommateurs qui achètent des polices d’assurance en ligne, le client devrait pouvoir communiquer en tout temps avec une personne physique dûment autorisée par l’AMF afin de le conseiller dans ses choix.

Par ailleurs, le Barreau croit que certains produits d’assurance ne devraient pas être vendus en ligne et que l’AMF devrait avoir le pouvoir d’identifier les produits d’assurance qui ne pourront être souscrits en ligne sans l’intermédiaire d’une personne physique ou d’un cabinet, afin d’assurer la protection du consommateur.

Le Barreau du Québec s’est dit en outre préoccupé par l’ajout de la possibilité d’une assurance de frais funéraires dans la loi, « compte tenu de la particularité du domaine des services funéraires et de la vulnérabilité particulière des personnes qui souscriraient ce type d’assurance ».

En ce qui concerne le registre des assurances individuelles sur la vie (le projet de loi retire à l’AMF le pouvoir de le tenir), le Barreau considère que le registre des assurances individuelles sur la vie, qui n’existe pas actuellement, permettrait de centraliser l’information concernant notamment l’existence de polices d’assurance et serait d’une grande utilité pour les proches d’une personne décédée.

Enfin, le Barreau a critiqué la qualité de la rédaction du projet de loi, qui manque de clarté et de justesse linguistique selon lui, en plus de présenter des versions française et anglaise non similaires. Sur cette question, le ministre a ensuite assuré que les amendements nécessaires seraient apportés pour corriger tout cela.

Notons enfin que la Barreau a constaté que la « diversité » n’était pas définie par le projet de loi et qu’il n’était pas possible de savoir si ce terme englobait la parité entre les femmes et les hommes, la diversité culturelle ou les deux. Selon lui, les sociétés qui doivent obtenir un permis pour exercer leurs activités devraient être obligées d’avoir un conseil respectant la parité hommes-femmes, en s’inspirant de ce que prévoit le Code des professions pour les membres du public nommés par l’Office des professions pour les conseils d’administration des ordres professionnels.

L’ASSOCIATION CANADIENNE DES ASSURANCES DE PERSONNES

L’ACCAP a pour sa part souligné « la qualité du travail accompli ». Selon elle, peu de dispositions suscitent des questions. L’Association pense que le ministère des Finances a placé la protection des consommateurs au centre de ses préoccupations dans la préparation de ce projet de loi, tout en considérant que l’industrie doit avancer au rythme des changements technologiques pour bien servir les consommateurs et demeurer compétitive.

L’intégration des activités des Chambres offrira à l’AMF, selon elle, une vision globale des activités des cabinets et des représentants, permettant une amélioration de l’encadrement en termes, estime-t-elle, d’efficacité, d’agilité et de cohérence.

En ce qui concerne la distribution, elle a recommandé que les assureurs et leurs distributeurs incorporent dans leurs pratiques d’affaires la notion de « traitement équitable des clients » qui consiste notamment à développer et commercialiser des produits qui tiennent dûment compte des intérêts des clients, communiquer aux clients des informations claires avant, pendant et après la vente, réduire le risque de ventes qui ne répondent pas aux besoins des clients, veiller à ce que tout conseil donné soit de grande qualité, résoudre les plaintes et les différends des clients de manière équitable ainsi que de gérer les attentes raisonnables des clients.

L’ACCAP se réjouit que les règles qui régissent la pratique du conseiller certifié demeurent. Selon elle, les obligations déontologiques, la formation continue et les autres éléments encadrant la pratique seront maintenus et intégrés à l’Autorité.

L’intégration de la Chambre est aussi acceptée avec joie « puisque les mandats originellement confiés aux Chambres seront maintenus », assure-t-elle. À l’instar de l’AMF, l’Association pense que le PL 141 limite ainsi les dédoublements et optimise les ressources.

Enfin, sur la proposition d’abolir le guide de distribution, et d’imposer plutôt à l’assureur l’obligation de fournir au consommateur en temps opportun toute l’information nécessaire à une prise de décision éclairée, l’ACCAP juge que la protection du consommateur est maintenue et c’est sur la forme que le législateur est intervenu, tout en donnant à l’Autorité des marchés financiers le pouvoir réglementaire d’intervenir afin d’assurer le traitement équitable des consommateurs.

Céline Gobert