Réforme fiscale fédérale : la pression monte

Par La rédaction | 26 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Elnur / 123RF

Le chantier fiscal du gouvernement fédéral continue de susciter les critiques. Après les provinces, la Chambre de commerce du Canada est à son tour montée au créneau en fin de semaine pour en dénoncer certains aspects.

À l’occasion de son congrès annuel à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, plusieurs de ses membres ont même réclamé des excuses au ministre des Finances pour son projet de réforme qui, selon eux, dépeindrait négativement les entrepreneurs, rapporte La Presse canadienne.

Des applaudissements ont ainsi retenti lorsque Bill Morneau s’est vu demander s’il accepterait l’ouverture d’une commission royale pour se pencher sur ses propositions. Le ministre a répondu que son gouvernement travaillait sur cette réforme depuis plus de deux ans et qu’il n’y avait donc là aucun secret, ajoutant qu’il se montrerait néanmoins sensible aux préoccupations exprimées dans le cadre de la consultation en cours.

RISQUE DE FUITE DES CAPITAUX?

En l’état actuel, le projet de loi prévoit notamment qu’un chef d’entreprise ne pourra plus fractionner ses revenus entre les membres de sa famille pour économiser de l’impôt. De même, le gouvernement veut éviter l’usage des « portefeuilles d’investissements passifs » des entreprises en tant qu’instruments d’épargne personnelle pour la retraite, soumis à des règles d’imposition plus avantageuses que le revenu des particuliers. Enfin, il souhaite s’opposer à la conversion de revenus réguliers en gains en capitaux, moins imposés.

Les détracteurs de la réforme, dont plusieurs dirigeants d’entreprises, des médecins, des planificateurs financiers et même des députés libéraux, prétendent que mettre la hache dans ces allégements fiscaux les empêchera d’épargner en prévision de temps difficiles. Afin de protester contre les propositions du gouvernement Trudeau, un « important homme d’affaires canadien » aurait d’ailleurs déjà discrètement transféré ses capitaux sous des cieux plus cléments à ses yeux, indique La Presse canadienne.

L’individu en question aurait déjà déplacé « des milliards de dollars » à l’extérieur du pays depuis que le Parti libéral a annoncé son projet de changements à certaines règles fiscales.

LES GRANDES FORTUNES S’INQUIÈTENT

Le projet de réforme libéral inquiète aussi un plus petit groupe, plus discret : celui des gens d’affaires aisés, indique La Presse canadienne. Le Business Council of Canada, un organisme représentant les plus grandes entreprises au pays et dirigée par John Manley, ex-ministre des Finances de Jean Chrétien, s’alarme du resserrement des règles entourant les portefeuilles d’investissements passifs et le transfert des entreprises familiales, ainsi que de la rhétorique gouvernementale qui donnerait, selon l’organisme, une mauvaise image des Canadiens dont les revenus sont plus élevés.

Outre les patrons et les gens d’affaires, le projet de Bill Morneau indispose également les responsables politiques de certaines provinces. Vendredi, des dirigeants provinciaux, tant libéraux que néodémocrates ou conservateurs, ont manifesté leur mécontentement face aux nouvelles règles fiscales souhaitées par Ottawa.

Le premier ministre manitobain, Brian Pallister, s’est ainsi prononcé à Winnipeg contre les propositions du ministre des Finances fédéral, accompagné de plusieurs dirigeants d’entreprises. De son côté, le premier ministre néo-écossais, Stephen McNeil, a fait part de ses inquiétudes quant à l’impact des propositions libérales sur le recrutement de médecins dans sa province. Il s’est dit préoccupé par la capacité des petites entreprises à constituer des coussins financiers en vue d’une éventuelle récession. Enfin, à l’autre bout du pays, la ministre des Finances de la Colombie-Britannique, Carole James, a pour sa part reproché à Ottawa de ne pas avoir mené assez de consultations avant de formuler ses propositions.

« QUI CRÉE DES EMPLOIS AU CANADA? »

Pour sa défense, le gouvernement fédéral fait valoir que le régime fiscal incite les Canadiens bien nantis à se constituer en société pour payer moins d’impôt et que cela crée un déséquilibre par rapport à la grande majorité des contribuables d’un océan à l’autre. Toutefois, cette explication n’a jusqu’à présent pas suffi à apaiser les craintes des opposants au projet de réforme, souligne La Presse canadienne. « Posez-vous cette question : à qui faites-vous confiance pour créer des emplois au Canada? Est-ce que ce sont les petites entreprises ou le gouvernement fédéral qui taxe ces petites entreprises ? » a lancé Brian Pallister il y a quelques jours.

« Plusieurs personnes, dont plusieurs dirigeants de petites entreprises, m’ont dit que ça n’élimine pas des échappatoires fiscales. En fait, ça provoque des conséquences imprévues pour les dirigeants de ces entreprises », a pour sa part critiqué la ministre Carole James.

Vendredi, avant de s’entretenir avec le premier ministre néo-écossais, Bill Morneau a réagi à cette avalanche de critiques en déplorant une « désinformation assez évidente » quant aux impacts de son projet de réforme. À noter que la période de consultations sur le chantier fiscal prendra fin le 2 octobre.

La rédaction