Approcher les générations Y et Z

Par Bernard Viau | 11 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
8 minutes de lecture
Micro à l'avant-plan avec auditorium rempli d'élèves à l'arrière-plan.
Photo : weerapat / 123RF

L’avenir appartient à la génération Z, ces jeunes nés entre 2001 et aujourd’hui. Qu’ont-ils en commun? Les plus vieux d’entre eux possèdent presque tous un cellulaire, ils ont presque tous un compte Facebook, Instagram et Snapchat et vivent aussi, presque tous, des inquiétudes à propos de leur avenir financier. C’est aussi le cas des Y. Ils sont plus vieux, mais ils sont, comme les Z, les laissés-pour-compte de la pratique des conseillers. C’est un terrain fertile pour votre prospection.

Leur donner votre carte de visite dans un salon de l’emploi ne vous apportera rien. C’est pour eux une pratique d’une époque révolue. Avez-vous déjà songé plutôt à donner des conférences sur la gestion du budget dans les cégeps où ils étudient présentement? Bâtissez-vous une réputation auprès de ces jeunes et vous pourrez entrer en contact avec eux sur les réseaux sociaux, la meilleure façon de les joindre.

Si vous êtes mal à l’aise à l’idée de parler en public, vous trouverez ici toutes les étapes pour donner une conférence dont ils se souviendront. Tout d’abord, étudiez votre marché. Ces jeunes ont déjà eu (ou subi) plusieurs présentations en littératie financière lorsqu’ils étaient à l’école secondaire. Vous devrez innover.

En 2015, l’AMF a publié sa Stratégie québécoise en éducation financière. Les jeunes sont notamment ciblés afin qu’ils développent une plus grande vigilance financière, entre autres lors de leurs transactions quotidiennes. En collaboration avec plusieurs organismes gouvernementaux, cette stratégie a aidé à mettre sur pied le Programme d’éducation financière au secondaire.

Qu’ont appris exactement les élèves? Plusieurs choses, dont : comment organiser son budget, commencer à investir, épargner, emprunter, etc. De nombreux autres sujets connexes ont aussi été couverts, telles la protection des consommateurs et la publicité trompeuse.

Apportez-leur un contact avec la réalité tiré de votre expérience pratique. Raconter des histoires vécues est un moyen plus adapté, plus vivant et plus intéressant de passer un message. Si vous voulez prospecter parmi les moins de 30 ans, il faut les rejoindre avec le cœur et les inspirer. Surtout, vous devrez moderniser votre approche en utilisant les technologies, dont ils sont friands.

EN PRATIQUE

Vous aurez d’abord besoin d’un point de contact dans le milieu de l’éducation. Joignez la direction des cégeps et cherchez un professeur qui enseigne dans le domaine financier. Il pourra vous aider à organiser l’événement. Les mois de novembre, décembre, mars et avril sont les plus appropriés du calendrier scolaire, car après des débuts de session plus théoriques, les enseignants sont alors plus intéressés à ce genre de présentation. Prévoyez entre 45 et 60 minutes dans une salle de cours avec une trentaine de jeunes, ou dans un auditorium avec une centaine de personnes.

Plutôt que le style conférencier, vous devrez adopter un style souple, du genre conversationnel, plus accessible et attrayant. Parlez des situations que vous avez rencontrées avec vos clients. Bâtissez votre présentation en utilisant la méthode AIDA : capter l’Attention, susciter l’Intérêt, les aider à prendre une Décision (en marketing, le D veut plutôt dire « provoquer le désir », mais nous l’avons modifié pour les besoins de la cause) et les guider vers une Action concrète. Planifiez de 10 à 12 minutes pour chacune des étapes de votre présentation.

Pour capter leur Attention, parlez aux jeunes des réalités que beaucoup d’adultes vivent et que plusieurs jeunes connaîtront : les bas salaires, les difficultés financières, la faillite, l’endettement, la précarité d’emploi, les horaires instables et le cortège des problèmes émotifs que tout cela entraîne. Utilisez un langage visuel, des exemples tirés de votre pratique et des analogies. La crainte est un puissant moyen de capter l’attention et la publicité l’a bien compris.

Utilisez des statistiques pour montrer l’ampleur des problèmes. Si cela peut paraître déprimant, se ramasser sans le sou et avec un emploi précaire l’est encore plus. Mieux vaut en parler avant.

Pour susciter leur Intérêt, donnez-leur concrètement le moyen d’éviter cet avenir. Ce sont des choses que tout conseiller sait, mais ces jeunes, pas toujours. Premier point : être en contrôle de son budget. Posez-leur, en rafale, les questions suivantes : combien ont-ils d’argent comptant sur eux en ce moment, combien ont-ils dépensé dans les sept derniers jours, combien de fois ont-ils utilisé leur carte de débit ou de crédit dans la dernière semaine, quelle était leur dernière transaction bancaire?

Peu d’entre eux pourront répondre même si ces questions sont très concrètes et pratiques. Si l’objectif est la sécurité financière, connaître ses avoirs et ses dépenses de fond en comble est un moyen d’y parvenir.

Pour faire son budget, chacun a sa méthode. La mienne est simple. Je conserve chaque jour toutes mes factures. Le soir, je les entre dans un chiffrier sur mon ordinateur portable pour avoir une vue d’ensemble de mes dépenses. Il faut le faire pendant un mois minimum, mais idéalement trois, car certaines dépenses sont trimestrielles. Je répète l’exercice à peu près aux sept ans.

Et vous? À quand remonte l’élaboration de votre dernier budget? Il faut montrer l’exemple si l’on veut être écouté des jeunes. À refaire l’exercice, vous prendrez conscience de vos comportements.

Deuxième point : épargner. Chaque fois qu’on reçoit de l’argent, on suggère d’économiser 10 % pour se payer soi-même. Vous connaissez sûrement cette devise financière. Épargner lorsqu’on a 18 ans n’est pas une chose facile.

Ma fille a 19 ans, elle est issue de la génération Y (personnes nées entre 1980 et 2000). Je lui ai demandé son avis. Autour d’elle, presque tous ses amis se sentent pris à la gorge avec leurs finances. Ils n’ont pas d’argent pour aller au cinéma ou au restaurant, il ne leur reste parfois que 10 cents dans leur compte bancaire à la fin du mois et ils n’ont aucun fonds d’urgence. Les jeunes n’épargnent pas toujours et sont souvent encore à la remorque de leurs parents.

PASSER À L’ACTION

C’est maintenant le moment de proposer une Décision. J’ai l’habitude, à cette étape de la conférence, de leur expliquer la différence entre quelqu’un qui attend l’aide du ciel et quelqu’un qui agit. Personnellement, je le fais en racontant une histoire inspirée d’un de mes clients entrepreneur[1]. La décision que vous voulez suggérer et qui s’imposera alors à leur esprit est qu’ils doivent prendre leur avenir financier en main sans attendre le soutien de leurs parents ou du gouvernement, l’héritage d’une vieille tante ou le billet gagnant à la loterie.

Terminez votre conférence en proposant une Action concrète. Faites-leur un cadeau, quelque chose pour qu’ils se rappellent de vous. De mon côté, je leur explique que j’ai un assistant virtuel qui peut répondre à leurs questions directement et en quelques secondes. En pratique, il les dirige vers des liens de téléchargement que j’ai placés sur un serveur public. Ils peuvent y retrouver un résumé de ma conférence, un chiffrier Excel programmé pour les aider à faire leur budget et une dizaine de liens vers des pages web pertinentes. Donnez-leur votre numéro de téléphone et dites-leur de vous envoyer un message texte s’ils ont des questions. Et voilà!

Si vous voulez vous inspirer de ma méthode, à moins que vous vous y connaissiez bien en informatique, vous allez avoir besoin d’aide pour cette dernière partie plus technique. Quelques semaines avant votre conférence, vous pouvez contacter la direction d’un cégep pour trouver le nom d’un professeur en programmation. Demandez-lui de vous recommander deux de ses meilleurs étudiants pour que vous puissiez les engager.

Demandez-leur de vous préparer une page Facebook avec un look d’affaires, un robot conversationnel (chatbot) pour répondre à vos messages textes et un espace d’entreposage pour vos « cadeaux » sur un serveur public (Dropbox, Pastebin ou Google Drive). Le coût de cette dépense, que j’estime à moins de 700 $ pour le salaire des étudiants et les frais d’entreposage, sera déductible d’impôt, entrez-la dans vos registres.

FAITES-LE POUR LES BONNES RAISONS

Dernier point important : demandez-vous quelle est votre motivation personnelle à donner cette conférence. Vous trouver des clients? Mauvaise réponse! Votre but doit être plus « noble » que la signature d’un contrat. Je fais ici référence à une nouvelle tendance que l’on retrouve au sein de plusieurs entreprises mondiales, appelée le capitalisme conscient et dont on a discuté au Forum économique mondial. Selon ce courant, les entreprises devraient avoir un but qui va au-delà de la recherche du profit et avoir le souci des parties prenantes autres que les actionnaires. Le leadership et la culture d’entreprise devraient refléter ce modèle d’affaires.

Une étude publiée dans la revue Harvard Business Review a démontré que les entreprises qui pratiquent le capitalisme conscient ont obtenu des résultats dix fois meilleurs que les autres. Dans notre profession, les conseillers qui cherchent véritablement à améliorer la vie de leurs clients dépassent de loin ceux qui sont uniquement centrés sur les chiffres de production, les quotas et les ventes du trimestre.

L’esprit de votre conférence doit donc être d’aider concrètement ces jeunes à éviter la mauvaise gestion financière. Pensez à vous engager émotivement pour vos clients. Parlez-leur comme à vos propres enfants. Ces jeunes veulent utiliser leurs talents pour gagner de l’argent, bien sûr, mais aussi pour faire une réelle différence dans le monde. Aidez-les à le faire en leur montrant comment atteindre la sécurité financière.

Bernard Viau est conseiller à la retraite.


[1] Un après-midi de janvier, j’entre au dépanneur près de chez moi. Les rues sont très sales à cause de la neige et un employé lave le plancher. Je m’excuse de marcher dessus avec mes bottes. Il me répond de ne pas m’en faire, que c’est son travail de nettoyer. Le lendemain, c’est le propriétaire du dépanneur qui lave le plancher, un de mes clients. Lorsque je m’excuse encore d’y marcher avec mes bottes, il me répond : « Ne t’en fais surtout pas. Si mon plancher reste propre, c’est que je n’ai pas de clients au dépanneur. Je suis donc content s’il est sale souvent. » Morale de l’histoire : cet entrepreneur ne fait pas seulement son travail; il est responsable de son succès, comme de son insuccès, en planifiant ses décisions. Chacun des jeunes qui vous écoutent doit prendre son avenir financier en main. C’est votre objectif.

Bernard Viau