Table ronde − 5e partie
Profession en danger?

Par Ronald McKenzie | 21 octobre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
6 minutes de lecture

<<<<< Quatrième partie

Étant donné qu’ils sont de plus en plus l’objet de contraintes administratives, réglementaires et déontologiques, de nombreux conseillers indépendants peinent à rentabiliser leur pratique. Ceux qui y parviennent le font au prix d’efforts incessants. Pas surprenant que les jeunes conseillers soient attirés par les grandes institutions financières.

Dans cette dernière partie de notre table ronde, les participants partagent leur point de vue sur la rentabilité de leurs affaires, l’avenir de la profession et les façons de défendre leurs intérêts.

<<<<< Diaporama de la table ronde

La rentabilité de votre pratique vous préoccupe. En quoi les changements à votre rémunération affecteront-ils votre profession?

Guy Duhaime * : Si les autorités nous imposent la rémunération à honoraires, nous connaîtrons le même sort que ce qu’on observe en Angleterre : des milliers de conseillers abandonneront le métier et nos revenus diminueront de façon radicale. Je ne pense pas qu’il faille aller dans cette direction. J’aimerais qu’il reste au Québec une industrie rentable de petits entrepreneurs dans le secteur des services financiers.

Cependant, je crois que nos gouvernements s’alignent sur la disparition du conseil indépendant fourni par des petites firmes. Avec toutes ces demandes de transparence et de conformité, on sent qu’ils veulent confier les finances de nos clients à des mégaentreprises. Pour ma part, ma carrière est bien avancée, mais je trouve cela dommage pour la jeune génération.

Luc Larose : La rémunération à honoraires nous obligera probablement à apparier nos revenus avec nos services. Cela signifie que nous devrons alors laisser aller les petits clients. Si nous ne le faisons pas, nous disparaîtrons à très court terme.

La majorité d’entre nous avons eu une carrière avant celle-ci. Nous avons d’autres compétences, mais nous aimons les services financiers. Si toutefois on nous empêche d’exercer notre profession, nous n’accepterons pas de devenir des enfants pauvres. Nous nous tournerons vers une autre passion. Certes, nous perdrons peut-être au change, mais jamais autant que la masse des consommateurs.

Aujourd’hui, quand je sers des petits clients, je fais un choix social. La rentabilité passe après. J’aide des gens qui, autrement, n’auraient jamais les moyens d’obtenir ce niveau de service. Si je ne suis plus là, qui va les aider?

Flavio Vani : Prenons un exemple concret. Les conseillers qui ont un permis de fonds communs devraient se battre pour pouvoir vendre des fonds négociés en Bourse (FNB). Comme vous le savez, il faut avoir un permis de plein exercice pour distribuer ces produits. J’en ai déjà parlé à l’Autorité des marchés financiers, mais je crois que nous devrions lui forcer la main.

Pourquoi? Parce que la firme Vanguard [un important manufacturier de FNB] commercialise des FNB à petits frais qui seront gérés activement, comme des fonds communs! Supposons que je gère le portefeuille d’un client qui détient des fonds communs. Je pourrais le faire investir dans ces FNB moins chers et peut-être lui facturer des honoraires de 0,5 % ou de 1 %. Ça nous aiderait à améliorer nos activités et ça rendrait service aux clients. Il faudrait livrer une bataille là-dessus.

Autrement, je crois que le mode actuel de rémunération est encore le meilleur qui existe. Les conseillers qui débutent dans la profession ont besoin de fonds avec l’option DSC [à frais de rachat différés]. On a tous bâti notre clientèle avec ce type de produit. Si ce genre d’option disparaît, les jeunes hésiteront à entrer dans le métier, à moins qu’ils disposent d’un gros montant pour acheter une clientèle déjà établie.

Daniel Bissonnette : Cette relève est déjà rare, de sorte que la demande pour nos blocs d’affaires est en baisse de façon dramatique. Cette rareté est liée à la démographie (plus de vieux que de jeunes) et aux exigences réglementaires qui n’en finissent plus. C’est dommage qu’on en arrive là. Dommage pour nous, mais aussi pour les consommateurs du Québec qui sont nettement mieux servis ici que dans le reste du Canada.

Flavio Vani : Qui voudra acheter notre pratique si notre mode de rémunération est bouleversé? Avec les changements prévus, la valeur de ma business risque de reculer beaucoup. J’ai toujours pensé que ma fille prendrait la relève. Mais ce sera très difficile pour elle.

Michel Mailloux : En assurance de dommages, ça fait dix ans que l’industrie et les conseillers se sont pris en main. Ils n’ont pas de problèmes de relève. Le fait que nous ayons tardé à former un organisme de lobbying y est pour quelque chose. Les conseillers se retrouvent sans défense.

Flavio Vani : C’est que beaucoup d’entre eux croient encore que la Chambre de la sécurité financière est là pour défendre leurs intérêts. C’est faux. La mission de la Chambre est de faire appliquer la déontologie et de protéger les consommateurs.

Je suis président du Regroupement indépendant des conseillers de l’industrie financière du Québec (RICIFQ). Nous sommes le seul organisme de défense des professionnels des services financiers. Quand je demande aux conseillers de joindre les rangs du RICIFQ, j’ai l’impression de prêcher dans le désert. Le membership ne coûte que 150 $. Ce n’est pas cher pour qu’on voie à nos intérêts!

Nous sommes tous des hommes d’affaires. Si les nouvelles règles sur la rémunération nous font perdre 25 % de notre capital, pendant combien de temps pourrons-nous durer? Dans cinq ans, on ne sera plus là.

Moi, je m’implique. Pour ma fille qui veut prendre ma relève et pour ma retraite. Je ne veux pas perdre ce j’ai accompli pendant des années.

Nos participants

  • Daniel Bissonnette, chef de la conformité, Services financiers Planifax.
  • Guy Duhaime*, président, Groupe Financier Multi Courtage.
  • Luc Larose, MBA et planificateur financier, Lafond Services financiers.
  • Jean-Benoît Laurin, directeur adjoint, Agence Labelle, SFL Placements.
  • Marco Madon, président, Services Financiers Marco Madon.
  • Michel Mailloux, propriétaire, Mayhews & associés.
  • Flavio Vani, président, Assurance et Produits Financiers Vani.
  • Gaétan Veillette, B.A.A., Fellow Administrateur agréé et planificateur financier, Groupe Investors.
  • Robert Viau, conseiller en épargne collective, InfoPrimes.
* Guy Duhaime a dû s’absenter à la dernière minute. Cependant, il nous a fait parvenir un texte qui répondait aux questions soumises aux participants. Ses interventions sont extraites de ce document.


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