COP 28 : quelles sont les attentes des institutions financières canadiennes ?

Par Carole Le Hirez | 5 Décembre 2023 | Dernière mise à jour le 4 Décembre 2023
4 minutes de lecture
Photo : elen1 / 123RF

La 28e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 28), qui réunit quelque 70 000 délégués aux Émirats Arabes Unis jusqu’au 12 décembre, établira le premier bilan mondial des engagements pris par les États dans le cadre de l’accord de Paris.

Alors que la COP 27, tenue en Égypte, s’était concentrée sur la planification des initiatives, le premier bilan mondial doit dresser un inventaire des émissions de gaz à effet de serre par source, des efforts déployés par les pays pour les réduire et des financements déployés pour atteindre les objectifs fixés.

Pour rappel, l’accord de Paris, signé en 2015, vise à limiter le réchauffement planétaire à 2°C et à intensifier les efforts pour ne pas dépasser 1,5°C. Pour que l’augmentation des températures moyennes ne dépasse pas 1,5 °C, les émissions de GES devraient être réduites de 43 % d’ici 2030, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

FINANCEMENT ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Parmi les enjeux sur la table de la COP 28, la question du financement de la lutte contre le changement climatique dans les pays les plus pauvres. La dernière COP s’est terminée avec l’accord des pays sur la création d’un fonds historique pour les pertes et les dommages pour aider les pays vulnérables durement touchés par les catastrophes climatiques.

Des avancées sont également attendues sur le sujet de la transition énergétique. En vue d’atteindre les objectifs fixés, les nations auront besoin d’un financement estimé à 2,4 billions de dollars par an d’ici 2030.  Les institutions financières ont un rôle à jouer dans l’accélération du flux mondial de financement pour aider les entreprises et les industries à fortes émissions à devenir plus respectueuses de l’environnement, estiment les observateurs.

DES OBJECTIFS À ATTEINDRE

Au Canada, l’Association des banquiers canadiens vise une économie à zéro émission nette d’ici 2050. Ses membres attendent des discussions autour du premier bilan mondial qu’elles clarifient plusieurs points. « On s’attend à plusieurs annonces de politiques clarifiant la manière dont le Canada atteindra ses objectifs à l’avenir alors qu’un récent audit des efforts de réduction des émissions au Canada a révélé qu’ils ne permettront pas d’atteindre l’objectif fixé pour 2030 », indique Nalini Feuilloley, Chef, Investissement Responsable, sur le site internet de BMO.

Dans son plus récent Emissions Gap Report 2023, le Programme des Nations unies pour l’environnement évalue que le Canada a un écart de 27 % à combler en raison du poids dans l’économie canadienne du secteur pétrolier et gazier, qui est responsable de 28 % des émissions de GES.

La spécialiste de BMO souhaite aussi que les participants à la COP 28 mettent en place un processus pour comprendre pourquoi l’objectif initial de 100 milliards de dollars par année fixé en 2009 pour appuyer les pays en développement dans leurs luttes contre les changements climatiques n’a jamais été atteint. L’institution financière veut savoir comment le nouvel objectif devrait refléter les besoins de financement réels des pays en développement, chiffrés en milliers de milliards de dollars.

Le Mouvement Desjardins dit surveiller « l’instauration et adoption de nouveaux standards harmonisés de divulgation ESG, notamment climatiques, avec la norme ISSB, qui est progressivement adoptée par les régulateurs », mentionne le porte-parole Jean-Benoît Turcotti.  « Avec le bureau de l’ISSB à Montréal, nous pouvons penser que les entreprises du Québec et du Canada seront particulièrement interpellées par cette norme », ajoute-t-il.

RENDRE LA FINANCE CLIMATIQUE ABORDABLE

Un des défis majeurs sera de rendre la finance climatique « abordable, disponible et accessible » aux pays en développement, estime CPA Canada, qui participe pour la première fois à une COP. L’ordre professionnel considère que cet objectif implique non seulement d’augmenter les fonds, mais également d’assurer des financements stratégiques et une répartition équitable avec les pays en voie de développement.

CPA Canada souligne que « des données transparentes et crédibles seront nécessaires pour une réaffectation efficace des capitaux et pour attirer de nouveaux investissements ». Les premières normes, IFRS S1 et S2, récemment publiées par le Conseil des Normes de Durabilité Internationales (ISSB), qui visent à fournir une base mondiale complète d’informations sur la durabilité et le climat pour les marchés financiers, pourraient y contribuer, estime CPA Canada.

DÉPLACER L’OBJECTIF ?

Le contexte actuel marqué par différents conflits géopolitiques fait craindre à plusieurs experts que la cible de limiter à 1,5°C le réchauffement planétaire au cours des prochaines années soit repoussée, voire abandonnée.

Déplacer cet objectif, entraînerait des retours en arrière et des tergiversations de la part des décideurs politiques, craint Hortense Bioy, responsable mondiale de la recherche sur le développement durable chez Morningstar. « Cela pourrait amener le secteur privé à retarder la mise en œuvre des changements nécessaires, en particulier les entreprises très polluantes », a-t-elle déclaré.

« Nous sommes en retard sur presque tous les indicateurs, et il sera incroyablement difficile d’augmenter les investissements à l’échelle nécessaire », estime Chris Dodwell, responsable des politiques et du plaidoyer chez Impax Asset Management et ancien négociateur britannique.

Pendant ce temps, les investisseurs souhaitent voir les entreprises dans lesquelles ils investissent passer des engagements à l’action, estime François Faelli, responsable du développement durable mondial chez Bain. « Il existe un écart entre l’engagement et la réalisation. Cela doit changer », dit-il.

Abonnez-vous à nos infolettres

Carole LeHirez

Carole Le Hirez

Carole Le Hirez est journaliste pour Finance et Investissement et Conseiller.ca. Auparavant, elle a notamment écrit pour Les Affaires.