De l’humour svp!

Par Dominique Lamy | 19 février 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Bien que l’investissement soit basé sur une démarche sérieuse et que l’industrie financière s’appuie sur un certain conformisme, le conseiller devrait-il utiliser l’humour pour expliquer des concepts financiers à ses clients?

Fabien Major, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective bien connu notamment pour sa présence active sur Twitter, est d’avis que les conseillers peuvent utiliser l’humour pour expliquer certains concepts financiers à leurs clients respectifs. À la condition évidemment d’en faire – comme lui – déjà usage au quotidien et d’y aller avec parcimonie. Tout est dans le doigté, semble-t-il. « Les gens sont déjà craintifs et réticents lorsqu’il s’agit de questions d’argent. Il faut trouver le bon dosage afin de ne pas passer pour un clown et éviter de donner l’image d’un conseiller qui ne prend pas la situation financière du client au sérieux », explique-t-il, soulignant que les allégories et autres mises en situation humoristiques rendent les exemples plus « visuels » et plus facilement compréhensibles.

Et si l’humour s’avérait plus utile pour établir une relation avec son client que pour expliquer un concept même? C’est une théorie à laquelle adhère aussi M. Major. « Les pointes d’humour permettent de détendre l’atmosphère, de montrer à vos clients que vous êtes également un être sociable avec qui ils auront des échanges agréables et à qui ils seront à l’aise de se confier » affirme-t-il.

Denis Poitras, MBA, conseiller en sécurité financière et représentant en épargne collective, se remémore quant à lui une présentation d’affaires qu’il avait basée sur la situation financière d’un client fictif, « Bozo Clone », allusion à peine dissimulée au bien connu Bozo le clown. « Ce nom m’avait semblé approprié pour briser l’idée préconçue qu’avaient les participants à l’égard de la planification financière », souligne-t-il. La présentation se voulait tout de même sérieuse. « Je cherchais un moyen de créer une atmosphère permettant de faire tomber les réticences des participants et ainsi de construire une perception favorable au processus », conclut-il.

Quoi qu’il en soit, l’humour peut s’avérer un couteau à double tranchant. « Il faut bien cerner le client avant d’emprunter cette avenue », de dire Philippe Ventura, CFA, président et conseiller en sécurité financière chez Chevalier, Meunier et Associés. Selon lui, l’humour peut rendre une situation trop familière très rapidement. « Cette approche peut même rebuter certains clients. L’humour subtil démontre cependant la capacité du conseiller à offrir plus que de conclure une simple vente », ajoute-t-il.

Maud Salomon, conseillère en sécurité financière et représentante en épargne collective chez Mica Capital inc. et à l’origine de l’initiative Reee.ca, opte d’ailleurs pour un bref exemple : « Dans mon bureau, j’ai fait encadrer, avec l’accord de l’auteur, une caricature de Glasbergen ». Sur l’image, on voit un conseiller recevoir à ses bureaux un nouveau client. Ce dernier explique qu’il prend sa retraite le vendredi qui suit et qu’il ne possède encore aucune épargne. Il annonce ensuite au professionnel, estomaqué : « Voilà votre chance de devenir une légende! »

« Très fréquemment, les clients la regardent avec un petit sourire, poursuit-elle. Le client ouvre la discussion à partir de cette caricature et bifurque ensuite sur sa situation financière personnelle. »

À la façon du « barbier riche »

Utilisé judicieusement, l’humour est un atout dont dispose le conseiller pour établir une relation avec son client et l’amener à mieux comprendre certains concepts financiers.

Avec un jeu de mots bien choisi ou par l’entremise d’un calembour bien ficelé, l’expert financier peut arriver plus facilement à expliquer à ses clients qu’il faut investir avec diligence et sans égard aux manchettes, par exemple. Il est en effet parfois ardu pour eux de séparer le bon grain de l’ivraie : ils doivent comprendre qu’un texte dithyrambique portant sur le titre boursier ABC ne se veut évidemment pas une recommandation d’achat en bonne et due forme, malgré les conseils éclairés qui y sont parfois prodigués.

Le bon sens appliqué à la planification financière ne date d’ailleurs pas d’hier; le roman à succès de David Chilton intitulé Un barbier riche dose habilement saine logique et humour, aidant ainsi à convaincre des millions de personnes que la planification financière se veut un jeu d’enfant.

Bref, la gestion des finances personnelles n’a pas à être nécessairement d’un ennui mortel. Au contraire! « Je veux que mes clients aient du plaisir à voir leur conseiller. Mais pour plusieurs, cette visite équivaut encore à aller chez le dentiste ! » conclut Philippe Ventura.

Dominique Lamy