Acheter sa maison en bitcoins

Par La rédaction | 19 mars 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Une poignée de propriétaires ou de constructeurs québécois vendent désormais leurs maisons sur Internet en annonçant qu’ils acceptent d’être payés en cryptomonnaie.

Même si ce phénomène demeure pour l’instant « marginal » dans la province, il met mal à l’aise les professionnels de l’immobilier qui n’y sont pas préparés, note Radio-Canada, qui mentionne notamment le cas de Gary Gaul, patron d’une entreprise de construction et de rénovation dans l’ouest de l’île de Montréal.

Actif dans l’industrie du minage de bitcoins, l’entrepreneur propose ce mode de paiement original pour des habitations qu’il est en train de construire mais reconnaît qu’il a agi ainsi en partie pour se faire de la publicité auprès d’acheteurs potentiels. Pour l’instant, il n’a cependant reçu aucune offre en monnaie virtuelle.

LE PROBLÈME DE LA VOLATILITÉ

« Présentement, [je reçois] beaucoup de demandes. Je ne dirais pas que ce sont des gens qui sont prêts à acheter, mais ils me demandent comment ça va marcher avec le notaire, comment ça marcherait côté taxes… En fait, je n’ai pas toutes les réponses », explique le président de l’entreprise.

Il n’est pas le seul, observe Radio-Canada, puisque l’arrivée d’éventuelles transactions immobilières en bitcoins, par exemple, soulèverait une série de questions, notamment sur le plan financier. En effet, comment fixer le prix d’une propriété alors que celui-ci est susceptible de varier fortement, dans un sens ou dans l’autre, entre le moment de l’offre d’achat et celui où la vente est conclue?

Au Québec, les maisons à vendre contre des monnaies virtuelles sont quasiment toujours affichées par des particuliers car, pour l’instant, les agences immobilières de la province ne semblent pas prêtes à se lancer sur ce créneau. Au point que la société Sotheby’s International Realty a même instauré une politique pancanadienne interdisant à ses agents de participer à ce genre de transactions.

UN CASSE-TÊTE JURIDIQUE

« Il y a trop d’inconnues avec lesquelles nous ne sommes pas à l’aise, surtout pour nos vendeurs. Nous ne voulons pas les mettre dans une situation où il peut y avoir une erreur ou un problème au moment de la signature de l’acte de vente », explique à Radio-Canada Sasha Brosseau, vice-président du courtage au sein de la firme.

Outre le problème de volatilité, l’achat ou la vente d’une maison avec des cryptomonnaies représenterait un casse-tête sur le plan juridique. En effet, relève la chaîne d’information, les notaires n’ont pas le droit de déposer des bitcoins, par exemple, dans leurs comptes en fidéicommis. Dans ces conditions, il faudrait donc que la monnaie virtuelle soit transférée directement de l’acheteur au vendeur.

Interrogée par Radio-Canada, une professionnelle du secteur admet d’ailleurs qu’elle ne s’embarquerait pas dans cette aventure. « Il y a beaucoup, beaucoup de questionnements sur les plans déontologique et légal. À l’heure actuelle, je ne suis pas prête à accepter une transaction en bitcoins », indique Sevgi Kelci. Cette notaire, également auteure d’une thèse de doctorat consacrée aux cryptomonnaies, croit néanmoins que les transactions de ce type pourraient devenir plus fréquentes à l’avenir et que la profession de notaire devra donc s’y adapter une fois que le statut juridique des monnaies virtuelles aura été clarifié par les pouvoirs publics.

PAS DE RISQUES POUR L’INSTANT

C’est dans ce contexte que le Conseil de stabilité financière (FSB) a affirmé que les monnaies virtuelles ne constituaient pas aujourd’hui une menace pour le système financier mondial et qu’il n’était donc pas nécessaire pour l’instant de les réglementer. Dans une analyse publiée dimanche à l’occasion du G20 Finances, qui se tient jusqu’à mardi à Buenos Aires (Argentine), l’organisme ajoute cependant que la situation pourrait évoluer si ces outils prenaient davantage de place, rapporte l’Agence France-Presse.

« Le marché continue d’évoluer rapidement, et cette évaluation initiale pourrait changer si les cryptoactifs venaient à être plus largement utilisés ou interconnectés avec le cœur du système financier », précise le FSB. En effet, ceux-ci « soulèvent des questions concernant la protection des consommateurs et des investisseurs, mais aussi du fait de leur utilisation pour des activités illégales », telles que le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme international, met en garde le Conseil.

La rédaction