Est-ce la fin de l’argent comptant?

Par La rédaction | 6 avril 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : Warchi / istockphoto

La pandémie de COVID-19 a attisé les inquiétudes d’une partie des consommateurs, qui craignent que le coronavirus puisse être transmis par l’argent liquide, rapporte Finextra.

Sur la base d’un bulletin de la Banque des règlements internationaux (BRI) publié vendredi, l’agence de presse spécialisée dans les technologies financières indique que ce phénomène pourrait accélérer le passage aux paiements numériques. Intitulé Covid-19, cash, and the future of payments (COVID-19, l’argent liquide et l’avenir des paiements), ce court document insiste pourtant sur le fait que malgré les craintes du grand public, les preuves scientifiques suggèrent que le risque est faible par rapport à d’autres objets fréquemment touchés au moment de payer des achats, comme les terminaux de cartes de crédit, les claviers NIP ou même les téléphones.

Au début de la crise du coronavirus, rappelle Finextra, certaines directives ont mis en avant un avis de l’Organisation mondiale de la santé qui conseillait aux consommateurs d’éviter de manipuler des billets de banque et de passer plutôt aux paiements sans contact. Si l’OMS a ensuite nuancé son propos sur la question, cette position a entraîné une vague de mesures destinées à décourager l’utilisation d’argent liquide dans plusieurs pays. C’est notamment le cas au Royaume-Uni, où l’utilisation du cash a diminué de moitié en l’espace de seulement quelques jours.

LES BANQUES CENTRALES EN PREMIÈRE LIGNE

Aujourd’hui, certains observateurs redoutent néanmoins que ces inquiétudes au sujet de la sécurité de l’argent liquide finissent par devenir problématiques. Pour renforcer la confiance du public dans ce moyen de paiement, les grandes banques centrales communiquent désormais activement entre elles et toutes préconisent le maintien de l’acceptation de l’argent liquide par les commerces. Quitte, dans certains cas, à mettre en quarantaine, voire à stériliser des stocks de billets. En Allemagne, la Bundesbank a pour sa part informé la population que le risque de transmission du virus par l’argent était minime, tandis que la Banque du Canada a demandé aux détaillants de ne pas le refuser.

Indépendamment du fait que les inquiétudes concernant l’argent liquide soient justifiées ou non, la BRI estime que la crise actuelle pourrait cependant modifier les comportements des particuliers en matière de paiement. Le problème, souligne l’institution, c’est qu’une telle attitude risque fort d’avoir des répercussions négatives sur les personnes âgées et les personnes qui n’ont pas de compte bancaire, en plus de contraindre les banques centrales à défendre l’argent liquide. Le bon côté des choses, toutefois, ajoute la BRI, c’est que la pandémie pourrait aussi contribuer à stimuler le développement de monnaies numériques élaborées par les banques centrales.

Se demandant elle aussi si la pandémie de la COVID-19 « sonnera le glas de l’utilisation de l’argent comptant », La Presse estimait récemment que la question se pose en effet, notamment à la suite des informations provenant de l’OMS. Au passage, le quotidien montréalais relevait que le cash avait déjà « perdu son statut de roi dans plusieurs coins du monde » et que, un peu partout sur la planète, les transactions électroniques se multipliaient tandis que les paiements en espèces diminuaient. Au point que certains pays, comme la Finlande et la Suède, avaient d’ores et déjà presque éliminé l’argent comptant. Dans ce dernier, seules 13 % des transactions commerciales reposent aujourd’hui sur l’échange de monnaie physique, soulignait le journal, et nombre de commerçants refusent carrément d’être payés en liquide.

DES RISQUES POUR LA DÉMOCRATIE?

Toutefois, ajoutait La Presse, l’éventuelle disparition des paiements en espèces entraînerait de très nombreuses difficultés, en particulier pour les personnes qui ne possèdent pas de téléphone intelligent ou de connexion Internet, encore très nombreuses dans les pays émergents, par exemple. « Beaucoup craignent aussi que si l’argent comptant disparaît, les autorités puissent retracer plus facilement les faits et gestes de la population pour mieux la contrôler », ajoutait le quotidien. Et pour illustrer ce danger, celui-ci mettait en avant « le développement incroyable des applications de paiement électronique en Chine au cours des cinq dernières années ».

Malgré les risques qu’une telle option pourrait faire courir à la population en matière de libertés publiques, La Presse estimait que la traçabilité des transactions avait quand même « peut-être plus d’avantages que d’inconvénients dans les pays démocratiques ». En effet, argumentait-elle, « l’argent comptant a toujours facilité la tâche des trafiquants de toutes sortes et sa disparition favoriserait la lutte contre la criminalité et le terrorisme ». De toute façon, concluait-elle, « avec le développement du commerce électronique et des systèmes de paiement, le mouvement vers un monde sans monnaie physique paraît impossible à stopper ».

La rédaction