La création d’emplois au Canada s’essouffle

Par La Presse Canadienne | 8 août 2023 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Le marché du travail canadien s’affaiblit, le taux de chômage ayant augmenté en juillet pour un troisième mois consécutif, ce qui semble signaler que l’économie ralentit enfin.

L’emploi a, pour sa part, peu changé le mois dernier, a indiqué vendredi Statistique Canada, un total de 6400 emplois ayant été perdus. Pendant ce temps, le taux de chômage a grimpé à 5,5 %, alors que l’économie peinait à créer suffisamment d’emplois pour suivre le rythme de la croissance démographique.

L’agence fédérale a indiqué que les pertes d’emplois le mois dernier avaient été menées par l’industrie de la construction, tandis que les plus grands gains d’emplois ont été réalisés dans les soins de santé et l’assistance sociale.

Le mois de mai a marqué un tournant sur le marché du travail, le taux de chômage ayant augmenté pour la première fois en neuf mois. Auparavant, le taux de chômage se maintenait à 5 %, juste au-dessus du creux historique de 4,9 % atteint l’été dernier.

Alors que la population du Canada continue de croître rapidement, la hausse du chômage indique que l’économie ne crée pas suffisamment d’emplois pour absorber une plus grande main-d’œuvre.

« Nous avons constaté une augmentation constante du nombre de personnes sans emploi au Canada, mais des personnes qui sont toujours sur le marché du travail », a expliqué James Orlando, directeur des études économiques à la Banque TD.

Le nombre de postes vacants a également diminué au pays, offrant un autre signe que le marché du travail s’assouplit.

James Orlando a indiqué que la forte croissance démographique aidait l’économie à rester à flot, alors que les nouveaux arrivants font croître la demande. Ainsi, les taux d’intérêt plus élevés ne mènent pas à des pertes d’emplois pures et simples, mais plutôt à une augmentation du taux de chômage, a-t-il précisé.

« Quand les gens viennent au Canada, même s’ils ne trouvent pas d’emploi immédiatement, ce sont des consommateurs, n’est-ce pas? Ils cherchent un logement, ils doivent acheter de la nourriture, ils doivent acheter des vêtements. Alors ils achètent des choses dans l’économie. Et c’est un choc pour la demande », a poursuivi James Orlando.

« Cela met un plancher sous l’économie à un moment où la plupart des gens auraient pensé qu’elle se contracterait. »

UN RALENTISSEMENT ÉCONOMIQUE QUI SE POURSUIVRA

Les taux d’intérêt élevés devraient faire grimper le chômage encore davantage à mesure que les coûts d’emprunt augmentent pour les entreprises et les consommateurs.

En augmentant le coût d’emprunt pour les consommateurs et les entreprises, la banque centrale espère que l’économie ralentira suffisamment pour ramener l’inflation à son objectif de 2 %.

La Banque du Canada a relevé son taux directeur à 5,0 % le mois dernier, le portant à son plus haut niveau depuis 2001. La banque centrale espère que ses hausses de taux dynamiques ralentiront suffisamment l’économie pour ramener l’inflation à son objectif de 2,0 %.

Selon James Orlando, les perspectives économiques suggèrent cependant que la Banque du Canada n’a pas besoin d’augmenter de nouveau les taux d’intérêt le mois prochain.

Les prévisions mises à jour de la TD suggèrent que l’économie continuera de ralentir et que le taux de chômage grimpera à 6,5 % au quatrième trimestre.

« Chaque jour qui passe, de plus en plus de personnes vont être touchées par la hausse du coût du logement, en particulier par la hausse des taux hypothécaires, et cela va donc forcer beaucoup de gens à ajuster leurs habitudes de dépenses », a prédit James Orlando.

L’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, convient également que les chances d’une hausse des taux en septembre diminuent.

« Le faible rapport sur l’emploi de juillet n’est que la dernière flèche dans le carquois des signes que l’économie perd de son élan. Parallèlement au récent résultat favorable de l’indice des prix à la consommation, nous pensons que les arguments en faveur (d’une pause) de la Banque du Canada sont maintenant très solides », a écrit Douglas Porter dans une note à ses clients.

Mais avec des pressions sous-jacentes sur les prix et une croissance des salaires toujours élevée, Douglas Porter estime que les taux pourraient devoir rester élevés pendant longtemps.

L’inflation en juin a reculé à 2,8 %, dans la fourchette cible de 1,0 % à 3,0 % de la Banque du Canada. Mais les mesures de base de l’inflation, qui éliminent l’effet des prix les plus volatils, montrent que les prix continuent d’augmenter rapidement et les nouvelles prévisions de la banque centrale ne visent désormais un retour à une inflation de 2,0 % que vers le milieu de 2025.

La banque centrale a également fait part de ses inquiétudes quant au rythme de croissance des salaires, notant que des gains salariaux rapides rendraient difficile le retour de l’inflation à l’objectif.

Mais James Orlando juge que la croissance des salaires est un « indicateur retardé », ce qui signifie que les travailleurs obtiennent des augmentations de salaire pour refléter la hausse rapide de l’inflation qui s’est déjà produite. Mais la baisse des postes vacants et la hausse du chômage suggèrent que la croissance élevée des salaires ne persistera pas.

« Ce sont les meilleurs indicateurs pour montrer que les salaires n’augmenteront pas à ce niveau de 5 % à l’avenir ou à perpétuité, et qu’ils vont s’atténuer en raison du fait que le marché du travail s’assouplit clairement », a expliqué James Orlando.

La Presse Canadienne