La formule pour retenir les travailleurs plus âgés : moins d’heures et de stress

Par La Presse Canadienne | 1 janvier 1970 | Dernière mise à jour le 26 septembre 2023
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Photo : Andor Bujdoso / 123RF

Une majorité de Canadiens qui approchent de leur retraite se montrent enclins à prolonger leur vie professionnelle si on leur offre une réduction des heures de travail et du niveau de stress.

De nouvelles données de Statistique Canada publiées mardi indiquent en effet que certaines mesures pourraient favoriser la rétention des travailleurs plus expérimentés sur le marché de l’emploi.

Environ 55 % des personnes de 55 à 80 ans, toujours en poste ou ayant pris partiellement leur retraite, ont déclaré qu’elles continueraient à travailler plus longtemps si elles devenaient employées à temps partiel.

Un peu moins de la moitié de ces répondants ont indiqué qu’ils demeureraient à l’emploi s’ils pouvaient passer moins de temps au boulot sans que cela affecte leur pension.

Un niveau de stress moindre ou des tâches moins exigeantes physiquement ont aussi été nommés comme un incitatif pour repousser la retraite chez 43 % des répondants. Arrivent ensuite faire un travail plus intéressant (37,6 %), les augmentations salariales (34,2 %) et une meilleure santé (29,3 %).

Ces données sont tirées de l’Enquête sur la population active menée en juin dernier pour laquelle des questions supplémentaires ont été posées pour les répondants âgés de 55 à 80 ans.

C’est la première fois que l’agence fédérale récolte ce type de données.

L’étude révèle par ailleurs des distinctions entre les provinces. Les Québécois ont accordé un peu plus d’importance au travail à temps partiel comme facteur pour rester à l’emploi par rapport aux Ontariens (59,6 % contre 56 %), a mentionné Vincent Hardy, chercheur principal au centre de l’information sur le marché du travail chez Statistique Canada.

« En Ontario, les caractéristiques de l’emploi lui-même semblaient être un facteur un peu plus important », a-t-il affirmé en entrevue. La hausse salariale était notamment davantage perçue comme un incitatif intéressant en Ontario qu’au Québec.

L’enquête présente également un portrait sur les facteurs amenant au départ à la retraite. Être prêts financièrement et des problèmes de santé arrivent en tête des considérations déterminantes.

Les données montrent aussi que près de 22 % des Canadiens âgés de 55 à 59 ans disent avoir pris complètement ou partiellement leur retraite. Ils sont deux fois plus nombreux chez les 60 à 64 ans (44,9 %), et environ quatre fois plus chez les 65 à 69 ans (80,5 %).

DU PROGRÈS ENCORE NÉCESSAIRE

Les résultats de l’agence fédérale concordent avec d’autres études sur la question de la rétention des travailleurs expérimentés, comme celles du Conseil du patronat du Québec (CPQ) ou de la professeure à l’école des sciences de l’administration à la TÉLUQ, Diane-Gabrielle Tremblay.

« Ça confirme des choses que j’avais observées, entre autres que dans certains cas les employeurs ne font peut-être pas toujours ce qu’il faut pour retenir les travailleurs d’expérience surtout dans le contexte de rareté de main-d’œuvre », a déclaré la chercheure.

Elle souligne que dans son enquête menée en 2022, en collaboration avec l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, 19 % des travailleurs expérimentés interrogés ont dit qu’ils auraient aimé prolonger leur carrière si leur employeur leur avait donné la possibilité.

« C’est plus facile de retenir à l’heure actuelle sur le marché du travail des gens qui sont encore là. Une fois qu’ils sont partis, ce sont des efforts beaucoup plus importants pour les ramener », soutient Mme Tremblay.

Un changement de culture s’opère chez les employeurs québécois pour mettre en place des politiques spécifiques visant les travailleurs de 55 ans et plus. Mais des progrès restent à faire, reconnaît Denis Hamel, vice-président aux politiques de développement de la main-d’œuvre au CPQ.

« Très, très souvent, les employeurs nous ont signifié ne pas être au courant sur la manière de gérer les ressources humaines de façon à favoriser la rétention des travailleurs d’expérience », dit-il.

Si offrir du temps partiel ou des horaires atypiques ne peut s’appliquer dans tous les secteurs d’activité, une multitude d’autres avenues sont possibles pour favoriser leur maintien en poste.

Diane-Gabrielle Tremblay et Denis Hamel citent notamment un allègement ou une modification des tâches pour qu’ils transfèrent leurs connaissances en devenant mentors, superviseurs ou formateurs afin de valoriser leur expérience.

Les gouvernements devraient aussi revoir la fiscalité chez ces groupes d’employés, ajoute M. Hamel. « Quand on interroge les travailleurs expérimentés, ils ont l’impression que travailler passer 60 ans, c’est presque donner sa paie au gouvernement étant donné que souvent les pensions sont coupées », évoque-t-il.

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les travailleurs d’expérience de 55 ans et plus représentent un apport précieux pour les entreprises, fait valoir Diane-Gabrielle Tremblay.

« Ils ont ce grand avantage d’être déjà formés. Et on leur reconnaît un certain nombre de qualités particulières, notamment la loyauté, leur engagement, leurs relations avec la clientèle, la qualité du service et du travail », conclut-elle.

La Presse Canadienne