Les marchés anticipent une fin de cycle économique

Par La rédaction | 15 octobre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : A. Singkham / 123RF

Avec un faible taux de chômage, une inflation conforme aux prévisions et un marché des actions longtemps orienté à la hausse, les indicateurs nord-américains montrent que le continent est entré dans la phase avancée de son cycle économique et, dans ces conditions, l’économie canadienne se trouve à la croisée des chemins, selon Deloitte.

Dans un rapport d’une vingtaine de pages que vient de publier le groupe des Services-conseils en économie du cabinet d’audit et de certification, Craig Alexander, économiste en chef chez Deloitte Canada, prévoit notamment que la croissance économique au pays « ralentira pour s’établir à un taux plus modéré et durable » que ce qu’il a été au cours des dernières années.

Au Canada, la croissance du produit intérieur brut réel devrait ainsi marquer le pas pour s’établir à 2 % cette année, et elle devrait ensuite diminuer encore un peu en 2019 avant de chuter carrément à 1,4 % d’ici à 2020. Selon l’économiste, « cette baisse reflétera la faiblesse des dépenses de consommation et l’incidence du ralentissement de l’économie mondiale ».

« RISQUE D’INTENSIFICATION DE LA GUERRE COMMERCIALE »

« Le risque qui pèse le plus lourdement sur le monde est une intensification de la guerre tarifaire à l’échelle mondiale. Le protectionnisme américain a entraîné une augmentation des droits sur de nombreux produits importés. Jusqu’à maintenant, les conséquences économiques sont limitées, mais elles pourraient s’accroître. Chaque série de tarifs américains donne lieu à une réaction équivalente des pays touchés et, si le cycle tarifaire se poursuit, il pourrait nuire à la croissance économique mondiale », explique Craig Alexander.

Selon lui, un autre risque important est lié à l’actuel rééquilibrage de la politique monétaire dans les pays industrialisés. « Tandis que la Réserve fédérale majorera progressivement les taux des fonds fédéraux en 2019, le rendement des obligations américaines augmentera, ce qui aura pour effet de hausser le rendement des obligations mondiales, puisque les opérations sur produits à revenu fixe ont tendance à refléter l’écart par rapport aux rendements américains. À mesure que d’autres banques centrales se joignent au cycle de resserrement, celles-ci devront être attentives aux risques et hausser les taux de manière progressive, non seulement pour maîtriser l’inflation, mais aussi pour limiter les répercussions des taux accrus sur l’expansion économique », détaille l’analyste.

Concrètement, le rapport constate que le rythme de la croissance économique est en train de ralentir au pays, puisque après une robuste croissance de 3 % de l’économie en 2017, Deloitte anticipe désormais une croissance de 2 % cette année, avant un nouveau ralentissement en 2019 et 2020. Dans le même temps, les dépenses de consommation s’essouffleront au cours des deux prochaines années, en raison notamment « du fort endettement des ménages, de la hausse des taux d’intérêt, du piétinement des marchés immobiliers et de la faible croissance du marché de l’emploi ».

« C’EST LA DERNIÈRE PHASE D’UN CYCLE ÉCONOMIQUE »

« Si la nouvelle entente de commerce nord-américaine est ratifiée, les risques à court terme seront atténués. Dans ce contexte, la Banque du Canada devrait hausser graduellement les taux d’intérêt », prévoit également Deloitte. Enfin, à l’échelle mondiale, l’économie devrait enregistrer une forte croissance de près de 4 % cette année, même si ce rythme devrait néanmoins s’essouffler pour s’établir à 3,2 % en 2020.

Les perspectives à l’horizon 2020 semblent toutefois « plus complexes », estime le cabinet d’audit et de certification. En effet, souligne Craig Alexander, « il est probable que la fin des mesures fiscales de relance et l’augmentation des taux d’intérêt aux États-Unis ralentiront considérablement la croissance économique américaine ». Et comme le Canada fait partie intégrante de l’économie nord-américaine, il devrait générer une croissance moins importante. « Le ralentissement du rythme de la croissance économique pourrait être considéré comme décevant, mais c’est ce à quoi ressemble la dernière phase d’un cycle économique lorsque les pressions inflationnistes sont évitées », note l’analyste.

« Tout indique que le cycle économique nord-américain tire à sa fin, du marché des capitaux haussier record aux États-Unis aux faibles taux de chômage, en passant par la hausse des taux des banques centrales, conclut Craig Alexander. Les négociations entourant l’accord de libre-échange entre les États-Unis, le Mexique et le Canada atténuent les risques pour l’économie canadienne et la croissance économique devrait perdurer. Cependant, les entreprises doivent tout de même se préparer à une hausse plus modeste de la demande à l’échelle nationale et à un ralentissement de l’économie américaine à moyen terme. »

LES MARCHÉS ANTICIPENT UNE FIN DE CYCLE

La récente chute de plusieurs places boursières marque-t-elle « le début de la fin » de la phase de croissance économique entamée en 2009, ce qui en fait déjà l’une des plus longues de l’histoire? Et doit-on se préparer à un retournement des marchés? s’interroge Le Temps.

Estimant que le cycle de croissance actuel pourrait bien ne pas fêter son dixième anniversaire, le quotidien économique suisse souligne en effet que « certains signaux pointent vers un retournement ». La raison? « La confiance des consommateurs américains atteint un sommet, alors que le chômage se trouve au plus bas. Et tandis que les indices américains, asiatiques et européens ont chuté [la semaine dernière], le timing du grand retournement fait débat ».

« SI LES ÉTATS-UNIS TOUSSENT… »

Questionné par le journal, Loïc Schmid, responsable des investissements de la firme helvétique 1875 Finance, juge que « le recul des marchés (…) a surtout été provoqué par le marché obligataire, où les rendements ont atteint 3,25 % sur les obligations d’État américaines à 10 ans et 3,4 % sur celles à 30 ans, ce qui a engendré des craintes sur les marges des entreprises ». Néanmoins, ajoute-t-il, la croissance globale demeure solide, même si des indices laissent supposer que le pic du cycle économique est proche.

Si l’on en croit Loïc Schmid, le retournement des marchés ne serait désormais qu’« une affaire de mois ». « Le pic de la croissance est derrière nous, elle effectue actuellement un plateau, avant de baisser », explique-t-il. Il précise cependant que si les États-Unis semblent avoir entamé la dernière phase de leur croissance, l’Europe, elle, se trouve plutôt en milieu de cycle. Toutefois, met en garde l’analyste, « si les États-Unis toussent, le reste de la planète sera tiré vers le bas ».

La rédaction