Les bas taux sont là pour rester

Par La rédaction | 16 Décembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
3 minutes de lecture
Stephen Poloz, gouverneur de la Banque du Canada.
Photo : G20 Argentina / Wikemedia creative commons

Dans son dernier discours de l’année, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a laissé entendre que les Canadiens feraient bien de s’habituer aux bas taux d’intérêt. Ceux-ci devraient continuer d’être la norme pour plusieurs années encore, peut-on lire dans Bloomberg.

« Il semble que l’économie mondiale continuera de connaître une lente croissance économique pour des raisons surtout structurelles » pendant encore plusieurs années, a soutenu le gouverneur. Ce dernier a notamment cité une faible productivité, ralentie par les tensions commerciales. Ces facteurs structurels auraient déjà été responsables de la lente croissance économique depuis la crise de 2008 et maintiendront les taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas. 

Si les taux restent bas, cela pourrait mener à une hausse de l’endettement public et des ménages. Cette situation rendrait alors les économies encore plus vulnérables à d’éventuels chocs.

GARE À L’INFLATION

Stephen Poloz a également prévenu contre le risque de se montrer trop complaisant envers l’inflation, au moment où certains proposent des solutions inflationnistes pour régler des problèmes structurels. Il a cité l’exemple de la période inflationniste des années 1970, alors que des niveaux d’endettement très élevés et une expansion monétaire excessive avaient fait flamber les prix. Selon lui, nous avons tout bonnement oublié les leçons de cette période. Entre 1973 et 1983, l’inflation avoisinait régulièrement les 10 %, atteignant 11 % en 1974 et 12,5 % en 1981. 

En 1980, elle dépassait même 13 % aux États-Unis. On peut se faire une assez bonne idée du défi que représentait la lutte contre l’inflation à cette époque en lisant l’essai sur le mandat du président Jimmy Carter, rédigé par son principal conseiller de politique intérieure de l’époque, Stuart E. Eizenstat. Comme l’inflation se conjuguait alors avec un ralentissement économique, deux dynamiques qui s’excluent généralement, cet épisode de l’histoire américaine présente des avertissements très utiles pour notre époque.

TROP CONFORTABLES

« Peut-être que la tendance récente pour l’inflation à se tenir sous la cible dans plusieurs pays a généré un degré de complaisance, analyse Stephen Poloz. Le risque d’une remontée surprise de l’inflation mondiale est faible, mais il semble que la combinaison d’endettement public et des ménages et des politiques populistes présente un potentiel inflationniste dans certains pays. »

Il a notamment critiqué la théorie monétaire moderne, selon laquelle les gouvernements devraient imprimer autant d’argent que nécessaire pour garder les économies en croissance, qu’il a qualifiée de « profit sans risque » (free lunch). Il a confirmé que la Banque du Canada continuerait pour sa part de cibler une inflation sous les 2 % pour la prochaine année. 

LES RISQUES TECHNOLOGIQUES

La Banque du Canada étudiera en 2020 l’impact de l’intelligence artificielle et de la numérisation sur la stabilité financière de l’économie. Elle s’intéressera aussi de près aux effets potentiels des devises virtuelles. La Banque du Canada se demande notamment si elle devrait elle-même émettre des devises numériques.

Elle s’interroge aussi sur les devises de paiement émergentes, comme la Libra de Facebook. De l’autre côté de l’Atlantique, les ministres des Finances de l’Union européenne ont récemment fait barrage contre les cryptomonnaies privées, façon Libra, citant des inquiétudes quant à la sécurité des données, la fiscalité et le risque de blanchiment d’argent. Le Canada leur emboîtera-t-il le pas?

La rédaction