Paradis fiscaux : Québec pourrait en faire plus

Par La rédaction | 26 septembre 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo : grafner / 123rf

Même si Ottawa conserve la main haute sur les affaires étrangères, le Québec dispose d’une certaine marge de manœuvre et pourrait combattre davantage l’évasion fiscale, rapporte Le Devoir dans son édition de mardi.

Rendant compte d’un débat avec les candidats des quatre principaux partis en lice pour les élections qu’il avait organisé lundi conjointement avec le collectif Échec aux paradis fiscaux, le quotidien montréalais souligne que tous « ont exprimé d’un commun accord la pertinence de lutter contre les paradis fiscaux ».

Animée par le directeur du Devoir, Brian Myles, cette table ronde a permis à Nicolas Marceau (Parti québécois), Marwah Rizqy (Parti libéral du Québec), Simon Tremblay-Pepin (Québec solidaire) et Pierre Fitzgibbon (Coalition Avenir Québec) de présenter leurs projets pour tenter de contrer ce phénomène qui prive les gouvernements fédéral et provinciaux de plusieurs milliards de dollars de recettes fiscales – dans le cas du Québec, ce montant atteindrait près de 700 millions annuellement, selon le ministère des Finances.

« UN CANCRE EN MATIÈRE DE PARADIS FISCAUX »

Affirmant qu’« Ottawa est un cancre sur la question des paradis fiscaux », l’experte en fiscalité et professeure à l’Université de Sherbrooke Marwah Rizqy, qui représente le PLQ dans la circonscription de Saint-Laurent, a par exemple estimé que le gouvernement provincial n’avait « pas besoin d’attendre ni Ottawa ni l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] pour agir et pour faire preuve de leadership ».

« Le Québec, en général, est très respecté. On est capables de s’affirmer, indépendamment de ce qu’Ottawa veut faire », a renchéri Pierre Fitzgibbon, un novice en politique qui se présente au nom de la CAQ à Terrebonne.

Le Devoir relève que les discussions ont beaucoup porté sur les moyens dont Québec devrait se doter pour aller de l’avant sur cette question, et notamment sur les façons dont la province pourrait rapatrier les montants dus par les multinationales du secteur numérique, en particulier Facebook et Google. Et si l’on en croit Nicolas Marceau et Simon Tremblay-Pepin, il existerait des possibilités d’y parvenir puisque rien n’empêcherait le Québec de se retirer de certaines conventions fiscales internationales.

LE BILAN EN DEMI-TEINTE DU QUÉBEC

Le débat a également porté sur la manière dont la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) investissait une partie de ses fonds (environ 27 milliards de dollars) dans des compagnies pratiquant l’évasion fiscale à plus ou moins grande échelle. À ce sujet, Nicolas Marceau a déclaré que le Parti québécois entendait modifier la loi pour que l’institution « se désengage des paradis fiscaux ». Et il a été en partie été appuyé par Pierre Fitzgibbon, qui a reconnu que cet enjeu recouvrait également une « pression sociale ».

Le Devoir rappelle par ailleurs que le ministère des Finances du Québec a dévoilé en novembre 2017 un plan d’action destiné à combattre les paradis fiscaux, en l’occurrence un document de 260 pages issu des travaux d’une commission parlementaire au sein de laquelle l’ensemble des partis étaient tombés d’accord quant au diagnostic et aux solutions à mettre en œuvre. À l’époque, le ministre des Finances Carlos Leitão avait cependant indiqué que certaines propositions retenues par les parlementaires n’étaient pas réalisables, car elles ne dépendaient pas du seul gouvernement québécois, qui devait aussi compter avec l’Agence du revenu du Canada, notamment en ce qui concerne l’échange de renseignements avec les autorités fiscales de pays tiers.

Dans une lettre collective adressée au gouvernement et publiée au mois de juillet dans plusieurs médias québécois, Échec aux paradis fiscaux avait d’ailleurs félicité le Québec d’avoir adopté certaines mesures pour contrer l’évasion fiscale. Mais le collectif avait du même souffle déploré le fait que la Belle Province préférait « s’en remettre à sa collaboration avec le gouvernement fédéral plutôt que d’imposer directement les profits détournés dans les paradis fiscaux, au nom de la compétitivité fiscale québécoise ».

Plus de 50 G$ de la CDPQ sont gérés depuis l’étranger

Trois des 14 hauts dirigeants de la Caisse de dépôt et placement, responsables de la gestion de plus de 50 G$ d’actifs sur les 308 G$ qu’elle détient, habitent hors du Québec, ce qui constitue « une première dans l’histoire de l’institution », rapporte QMI.

Selon l’agence de presse de Québecor Média, ce phénomène aurait débuté en avril 2017, quand Stéphane Etroy, qui travaille à partir du bureau londonien de la Caisse, a été nommé chef des placements privés et membre du comité de direction de l’institution. Puis, en août de la même année, Anita George, basée au bureau de la CDPQ à New Delhi (Inde), a été promue au poste de première vice-présidente aux marchés en croissance. Enfin, en juin dernier, Emmanuel Jaclot a été recruté au Royaume-Uni pour superviser les investissements de la Caisse dans les infrastructures.

En réponse au constat de QMI que la CDPQ n’a jamais eu autant de hauts dirigeants à l’extérieur du Québec, Maxime Chagnon, porte-parole de l’institution, se veut rassurant. « Les raisons de cette situation sont évidentes : on veut saisir des occasions de croissance au bénéfice des Québécois. On s’installe là où c’est le plus stratégique de le faire. »

La rédaction