Salaires : une croissance plus rapide en Ontario qu’au Québec

Par La Presse Canadienne | 4 octobre 2023 | Dernière mise à jour le 11 octobre 2023
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En pleine flambée du coût de la vie, les salaires des Québécois augmentent plus lentement que ceux des Ontariens depuis quelques mois, dans un contexte d’incertitude économique.

La moyenne mobile d’augmentation salariale entre mai et août est de 3,5 % au Québec. Le rythme est de 4,9 % en Ontario, selon des données fournies par l’économiste en chef du Mouvement Desjardins, Jimmy Jean.

Ce chiffre évoque le refroidissement du marché de l’emploi tandis que la création d’emploi « stagne » au Québec depuis le début de l’année et que le nombre de postes vacants diminue, explique l’économiste en entrevue, mercredi, en marge d’une présentation sur les prévisions économiques du Mouvement Desjardins.

L’Ontario subit également une accalmie du marché de l’emploi, mais la tendance est moins prononcée qu’au Québec. « La vigueur économique est beaucoup plus déprimée au Québec qu’en Ontario », avance Jimmy Jean.

Le revenu médian est un élément important dans l’objectif du gouvernement Legault de diminuer l’écart de richesse avec l’Ontario.

La décélération récente de la croissance des salaires est une tendance cyclique, nuance l’économiste en chef. « Je m’attends à ce que l’on connaisse un certain ralentissement en Ontario à ce niveau-là. »

Malgré tout, d’importants défis compliquent l’objectif du premier ministre François Legault. « Il ne faut pas nier que le pouvoir d’attractivité des individus de haut talent à l’étranger est beaucoup plus fort en Ontario qu’il l’est au Québec. »

Le Québec a des grappes industrielles qui attirent des professionnels hautement rémunérés, mais il demeure difficile de concurrencer l’Ontario qui accueille le siège social de nombreuses grandes sociétés canadiennes. « C’est le pôle des sièges sociaux au Canada, avec des emplois très rémunérateurs. »

« Il va falloir redoubler d’ardeur pour être capable de concurrencer l’Ontario en termes de création de richesse et aussi d’attraction de talents à haut revenu. »

DES TAUX QUI FONT MAL

L’effet de la hausse des taux d’intérêt ne fait que commencer, notamment parce qu’il reste des ménages qui n’ont pas encore renouvelé leur terme, souligne Jimmy Jean. « On est à peine entré dans la zone d’effet maximal. Au début du mois, ça a fait 18 mois depuis la première hausse de taux. On sait que c’est 18 à 24 mois, la zone d’effet maximal. Le gros de l’effet est encore devant nous. »

L’économie canadienne a connu un quatrième trimestre 2022 et un deuxième trimestre 2023 négatif. Comme il ne s’agit pas de deux baisses consécutives, la définition technique d’une récession n’est pas rencontrée, « mais deux des trois derniers trimestres sont négatifs ».

Jimmy Jean anticipe que l’économie canadienne sera en récession au cours de la première moitié de l’année.

L’augmentation des taux gruge considérablement le budget des propriétaires qui renouvellent le terme de leur prêt hypothécaire, ajoute l’économiste.

Un ménage qui renouvellerait pour la première fois en janvier 2026 un terme de cinq ans à taux fixe verra son paiement mensuel augmenter de 29 %, selon les prévisions de l’équipe d’économistes du Mouvement Desjardins.

L’effet sera encore plus grand pour les premiers acheteurs qui avaient un taux variable et qui n’auraient pas augmenté leur paiement. S’ils renouvelaient « au moment où on se parle », leur paiement augmenterait de 35 %.

« Avec le taux directeur qu’on prévoit, on parlerait de 40 % en 2025-2026. Or, si on appliquait le scénario que les marchés anticipent en ce moment, c’est-à-dire presque pas de baisses du taux directeur, on parlerait de 60 % d’augmentation du paiement. (…) C’est extrêmement pénalisant d’un point de vue économique. »

Jimmy Jean prévoit que le taux directeur de la Banque du Canada va demeurer stable jusqu’à une première baisse de taux en avril. « À la fin 2024, on devrait être à 3,5 % de taux d’intérêt (le taux directeur est à 5 % depuis le 12 juillet). »

L’économiste croit qu’il est possible que les banques canadiennes abaissent leur taux en anticipation vers la fin de l’année ou au début de l’année 2024. « Le potentiel d’augmentation supplémentaire, selon nous, est relativement limité. On est à un sommet de 15 ans pour les taux réels. »

« Ça ne sera pas un répit énorme, prévient-il. Normalement, les taux montent en escalier et descendent en ascenseur. Là, ils vont baisser en escalier, malheureusement, parce qu’on ne pense pas que l’inflation va revenir à la cible de 2 % avant 2025. »

La Presse Canadienne