Facteurs ESG : un crime contre le rendement ?

Par La rédaction | 22 février 2024 | Dernière mise à jour le 21 février 2024
3 minutes de lecture
Une main verte avec la texture d'une feuille tient un germe. Arrière-plan avec un sol aride et sec. Blanchiment écologique et changement climatique
franco tognarini / iStock

Conseilleriez-vous à vos clients d’investir dans les actions d’une entreprise, en évitant absolument de regarder ses performances en matière de gouvernance, de cybersécurité, de risques sociaux, le potentiel trafic d’être humain, ou encore la pérennité de ses activités dans un contexte d’aléas climatiques de plus en plus violents ?

Probablement pas… C’est pourtant ce que souhaitent imposer trois membres de la Chambre des représentants du New Hampshire, qui ont déposé un projet de loi qui réclame « qu’aucun fonds ou investissement contrôlé par l’État ne soit investi auprès d’entreprises qui investissent des fonds du New Hampshire sur des comptes en tenant compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance ».

Ainsi, les actifs du New Hampshire ne devraient en aucun cas être investis en accordant la moindre importance aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Le fait qu’une entreprise ait dû payer de lourdes amendes pour pollution ou soitconfrontée à une grève imminente ne serait ainsi pas pris en compte, pointe Morningstar.

Et les auteurs du projet de loi ne veulent pas laisser de choix aux fonctionnaires de l’État : s’ils accordaient la moindre attention aux facteurs ESG, ils seraient poursuivis pour crime et risqueraient jusqu’à vingt ans d’emprisonnement.

Au-delà de l’étonnement que peut susciter un tel projet de loi, ce sont surtout les motivations de ces trois promoteurs qui doivent être analysées. L’argumentation repose sur la présomption que l’analyse ESG réduirait le rendement d’un portefeuille tout en augmentant les risques. Or, l’État a une obligation fiduciaire de maximiser ses rendements financiers et de minimiser ses risques.

Pourtant, la prise en compte des facteurs ESG est bien destinée à éviter les risques futurs. Et c’est bien là que les opinions divergent : sur quel horizon temporel devrait s’appuyer un gestionnaire d’actifs pour envisager le rendement ? Doit-il viser la rentabilité à court terme, ou viser un objectif de rentabilité à long terme ?

Les investisseurs qui se tournent vers un rendement à long terme peuvent s’appuyer sur les facteurs ESG pour minimiser les risques sur cette échelle de temps. Mais puisque les risques sont moindres, cela signifie-t-il que le rendement sera moindre lui aussi ? Peut-être… mais pas nécessairement. Et alors, les gestionnaires des actifs de l’État doivent-ils absolument maximiser le rendement en misant sur des titres spéculatifs…

La ruée sur les titres ESG peut également effrayer : si tous les investisseurs se précipitent sur les actions des entreprises ayant des scores ESG élevés, les prix de ces titres seront gonflés, donc plus chers à acquérir, entraînant un rendement moindre. Mais cela ne se vérifie pas dans la réalité. Une étude de Morningstar portant sur la décennie 2009 à 2019 montre que les actions ayant les meilleurs scores ESG sont moins chères que leurs concurrentes.

La question reste donc, l’analyse ESG réduit-elle réellement le rendement d’un portefeuille ou ne permet-elle pas justement d’en diminuer les risques ? Ces trois promoteurs devraient peut-être investiguer davantage avant d’imposer un tel projet de loi.

Abonnez-vous à nos infolettres

La rédaction