Garder le chalet dans la famille

Par Nathalie Savaria | 26 octobre 2023 | Dernière mise à jour le 24 octobre 2023
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Kevin Quach, gracieuseté

Le chalet est souvent un actif précieux que bien des propriétaires aimeraient transférer à leurs enfants. Toutefois, étant donné l’état du marché et l’évolution des prix dans le secteur de l’immobilier, ces derniers ont intérêt à bien considérer ce bien dans leur planification successorale s’ils veulent éviter les mauvaises surprises.

DES RÉPERCUSSIONS FISCALES ET FINANCIÈRES

Une réflexion s’impose quant au transfert de cet actif, car il peut entraîner des incidences financières et fiscales, soutient Kevin Quach, vice-président, Conseils en succession d’entreprise, Gestion de patrimoine TD.

« Lorsqu’on parle de garder un chalet dans la famille, il s’agit d’un transfert entre les personnes liées dans la famille, que ce soit une vente du vivant ou par testament ou décès », explique-t-il.

« Ce qu’il faut savoir, continue-t-il, c’est que, généralement, on doit procéder à une disposition à la juste valeur marchande, soit la valeur du chalet au moment du transfert ou de la vente, ce qui crée un impact fiscal, parce que la différence entre la valeur marchande et ce qu’on appelle le prix de base rajusté va être considérée comme un gain en capital. »

Autrement dit, « on ne peut pas faire une vente à rabais à la famille », prévient-il, puisque c’est la valeur marchande qui doit être prise en compte, peu importe le prix de vente réel.

Une vente au rabais pourrait même entraîner une double imposition, puisqu’un gain en capital pourrait être imposé au transfert du chalet, au prix du marché, aux parents, mais aussi aux enfants, quand ceux-ci vendront éventuellement l’actif, en fonction du prix d’acquisition.

« Avec la hausse des prix en immobilier, on peut s’imaginer que l’impôt sur le revenu peut être assez significatif. »

Le prix de base rajusté inclut le prix d’acquisition du chalet à l’origine ainsi que les coûts des rénovations qui ont été faites sur la propriété au fil des ans.

« C’est donc important de conserver les reçus parce qu’on va devoir les utiliser pour réduire l’impact fiscal », précise-t-il.

DES STRATÉGIES À CONSIDÉRER

Il existe diverses stratégies pour diminuer la charge fiscale et financière relative à la vente ou au transfert du chalet.

Une option intéressante, pour Kevin Quach, est de rédiger un billet à ordre.

« Cela donne la possibilité au vendeur d’encaisser le billet à ordre, soit à travers le temps, ou de le conserver et de mettre une clause dans le testament, indiquant que les enfants sont dispensés de le rembourser, ce qui est une belle façon d’éviter les mauvaises surprises. »

Le vendeur devra alors payer de l’impôt sur la valeur marchande du chalet, mais les enfants, eux, n’en paieront pas au moment du transfert.

Au Canada, il est possible aussi de désigner son chalet comme résidence principale aux fins de l’exemption fiscale, si on y habite personnellement durant l’année, par exemple les fins de semaine. Une personne qui a une maison familiale et un chalet peut également se prévaloir de l’exemption sur l’une ou l’autre des propriétés, en fonction du gain en capital accumulé au fil des ans.

« C’est un plan à préparer, souligne-t-il. Il y a des calculs à faire avec un comptable ou un fiscaliste pour réduire l’impact fiscal. »

Il est également possible d’éviter une incidence fiscale au décès, en roulant la propriété au conjoint survivant, ce qui permettra de reporter l’impôt successoral.

L’achat d’une police d’assurance vie permanente peut aussi aider les héritiers à gérer certaines répercussions financières et fiscales, grâce au versement d’une prestation au décès, laquelle n’est pas imposable.

Finalement, le transfert à une fiducie, du vivant (entre vifs) ou au décès (testamentaire), peut également être envisagé.

« Ce contrat donne plusieurs avantages et une flexibilité, comme une protection contre de potentiels créanciers ou dans le cas d’un divorce. Mais d’un autre côté, ça vient avec une certaine lourdeur administrative et des frais pour créer une fiducie et la maintenir. »

Chaque situation familiale étant différente, Kevin Quach recommande de consulter un professionnel pour mieux appréhender ses besoins réels et savoir comment y répondre.

UNE RÉFLEXION SUR LA RÉPARTITION DE L’ACTIF

Outre les volets fiscal et financier, lors de la planification successorale, il importe aussi de réfléchir à la répartition de l’actif entre les héritiers.

« Si on a plusieurs enfants, on peut laisser une part à chacun, ce qui n’est pas nécessairement pratique. On peut réaliser parfois que ça crée plus de frictions qu’autre chose », témoigne Kevin Quach.

Une solution simple peut être de vendre le chalet, à la suite du décès, dans la succession, et de faire le partage des gains réalisés ensuite.

Dans le cas où un des enfants souhaite conserver le chalet, une autre possibilité est d’accorder à ce dernier le droit de premier refus.

« C’est une clause qui oblige la succession à vendre à un enfant le chalet avant qu’on puisse le vendre à une tierce partie », précise l’expert.

Il s’agit potentiellement d’une option intéressante, « puisque ça permet à l’enfant de décider de financer le rachat des autres parts de la résidence ou de payer les parts à même son héritage ».

PLUS COMPLEXE POUR LES PROPRIÉTÉS AUX ÉTATS-UNIS

Kevin Quach met en garde les propriétaires d’un chalet ou d’un condo situé aux États-Unis.

« Détenir des biens immobiliers aux États-Unis peut nous exposer au régime américain d’imposition de succession. Il faut y penser dans notre planification successorale, sinon, ça peut donner lieu à des coûts supplémentaires au décès. Il faut parler à des spécialistes tant américains que canadiens qui s’y connaissent. »

PRÉVENIR LES CONFLITS POTENTIELS

Enfin, ce qui compte avant tout, c’est d’agir afin de préserver l’harmonie familiale, pour éviter que le chalet ne devienne une pomme de discorde.

« On le voit souvent avec nos clients, les émotions prennent vite le dessus, surtout lorsqu’il y a plusieurs personnes qui s’impliquent, ce qui complexifie la situation », constate Kevin Quach.

 « A priori, ajoute-t-il, il faut s’assurer que les membres de la famille veulent ou non de garder le chalet. S’il y a plusieurs enfants avec des familles, il est important de déterminer quelle famille aura le chalet pour les vacances de Noël et la semaine de relâche par exemple. »

Le propriétaire doit donc en discuter au préalable avec ses enfants et établir ensuite des règles de base pour résoudre des frictions potentielles entre eux concernant le partage des tâches et l’entretien de la propriété, de même que les responsabilités relatives à la détention d’un tel actif.

« Ce qui empêche nos clients de dormir lorsqu’on fait des planifications successorales, c’est de ne pas savoir comment leurs enfants vont gérer leurs biens après leur décès. D’où l’importance d’une bonne planification qui passe par un testament, mais, avant tout, par des conversations autour des risques possibles et de la façon dont ils devraient être gérés », conclut Kevin Quach.

Natalie Savaria

Nathalie Savaria

Nathalie Savaria a été rédactrice en chef de magazines dans le domaine de l’immobilier commercial. Elle est journaliste indépendante.