Glastnost à l’AMF

Par Yves Bonneau | 1 juin 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
6 minutes de lecture

Depuis presque deux ans, Louis Morisset occupe la plus haute fonction de l’organisme de réglementation du Québec. Premier PDG véritablement issu du secteur des valeurs mobilières, il dit s’inscrire dans la continuité de ses prédécesseurs, mais son discours s’articule davantage autour des axes d’ouverture et de dialogue. Petit tour du propriétaire.

Au cours des 22 derniers mois, beaucoup de choses se sont passées à l’Autorité des marchés financiers, selon Louis Morisset.

En effet, à son arrivée en poste, le gouvernement venait de confier à l’AMF trois nouveaux mandats, dont l’imposante prise en charge de l’analyse des contrats publics. Louis Morisset avoue aussi avoir mis énormément d’efforts, avec son équipe de direction, pour concrétiser le modèle de régulateur intégré que ses prédécesseurs et lui avaient entrepris. L’AMF étant née de la fusion de cinq organismes de réglementation, il aura donc fallu un peu plus de dix ans pour atteindre le fameux objectif. « C’est fondamental pour nous cette pleine intégration, de sorte que les gens d’un secteur d’activité à un autre collaborent à l’échange d’informations pour offrir une prestation conséquente, renforcée par la cohésion interne », annonce-t-il avec fierté.

Pour ceux qui croyaient que les équipes de l’AMF étaient maintenant ensevelies de requêtes liées à son mandat d’inspection des travaux publics, Louis Morisset est catégorique : « Absolument pas, il y a eu embauche et cette équipe est autonome. Cela n’entrave en rien les activités traditionnelles de surveillance et de réglementation des marchés et des intermédiaires. »

De plus, le patron de l’AMF dit avoir travaillé assidûment à faire rayonner l’organisme de réglementation sur le plan national, au sein des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et sur le plan international. À ce chapitre, M. Morisset a récemment été choisi par ses pairs des autres provinces pour présider les ACVM, alors que son collègue Patrick Déry a aussi été élu par ses confrères pour présider le Conseil canadien des responsables de la réglementation d’assurance (CCRRA). Pour lui, il s’agit de manifestations tangibles de l’influence que l’Autorité possède au sein du monde réglementaire. L’AMF s’alimente également à l’expertise des trois associations internationales dont elle fait partie, soit l’OICV, l’IAIS et l’IADI.

En contrepartie, le projet de commission des valeurs nationale mis en branle par le ministre Oliver ne semble pas inquiéter le PDG de l’AMF. Il n’entrevoit pas de menaces pour les assises et le leadership des ACVM en général ou de l’AMF en particulier.

Sur la délicate question du Fonds d’indemnisation, Louis Morisset ne voit pas de contradiction dans le modèle conseiller-payeur. Il rappelle que le Fonds est une création de la Loi sur la distribution des produits et services financiers et que cette loi n’a jamais été révisée depuis sa promulgation en 1998, mais que l’on peut saisir la possibilité d’y apporter des amendements puisqu’elle est en cours de refonte par le gouvernement. Il dit aussi qu’il ne s’est jamais interrogé sur le modèle choisi par le législateur.

Il trouve néanmoins que le fait pour l’ensemble des conseillers de capitaliser le FISF est un bon moyen pour les intermédiaires de se rappeler leur devoir de fiduciaire et leurs responsabilités envers leurs clients.

À propos du Modèle de relation client-conseiller – Phase 2 (MRCC 2) et des inquiétudes des conseillers indépendants par rapport aux possibles distortions de divulgation qui semblent déjà émerger entre les grandes institutions de dépôt et les petits cabinets, M. Morisset ne perçoit aucune disposition dans la nouvelle réglementation qui avantage les grands groupes financiers au détriment des plus petits joueurs. Il demande de lui donner des exemples mais, jusqu’à preuve du contraire, tous les intervenants sont sur le même pied selon lui. Il souligne par contre que si jamais il y avait des cas qui démontraient un déséquilibre, l’AMF réviserait ses positions et modifierait la réglementation en conséquence.

Pour ce qui est de l’épineux dossier des concours de vente et autres incitatifs dans le secteur de l’assurance, un sujet porté à l’attention de l’AMF dès 2006 par le RICIFQ, Louis Morisset ignore que l’AMF a mené des consultations sur la question et que la réponse de M. St-Gelais à la direction du RICIFQ à l’époque a été de dire qu’il s’agissait de pratiques commerciales du secteur de l’assurance qui n’étaient pas du ressort de l’AMF. M. Morisset avance que l’industrie doit se policer elle-même et que l’on doit faire confiance aux gens. Même lorsqu’on lui a rappelé que le secteur des fonds de placement avait aboli ce genre de pratiques commerciales depuis vingt ans, après le rapport Stromberg, qui soulignait les dangers de conflits d’intérêts au détriment du client, le patron de l’AMF est demeuré sur ses positions.

La surabondance de titres et désignations utilisés dans l’industrie au Québec pour décrire les conseillers donne des maux de tête à plusieurs, a été décriée par des associations de consommateurs dans le passé, et critiquée par de nombreux conseillers qui préféreraient d’emblée une nomenclature plus simple et plus représentative du véritable statut du conseiller. Sur ce point, M. Morisset s’en remet également à la volonté de l’industrie de faire les bons choix et de clarifier le paysage. « Est-ce que c’est une priorité ? La réponse est non. Dans l’intérêt du consommateur, c’est quelque chose qui doit nous préoccuper. Selon ma philosophie, l’industrie elle-même doit trouver des solutions à ces enjeux, autrement le régulateur va agir d’une manière qui pourrait être peut-être plus problématique que les solutions que l’industrie pourrait proposer. »

De toute évidence, M. Morisset a pris ses marques et continue sa prise en main de la grosse machine qu’est l’AMF. Il a cependant insisté plusieurs fois sur deux points : l’ouverture et le dialogue.

Vous avez des questions ou des exemples de difficultés réglementaires qui, à terme, nuisent au consommateur ? Je vous invite à nous soumettre vos observations. Nous nous ferons un devoir de les porter à l’attention de M. Morisset.


• Ce texte est paru dans l’édition de juin 2015 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


Yves Bonneau, rédacteur en chef yves.bonneau@objectifconseiller.rogers.com

À LIRE | L’entrevue intégrale d’Yves Bonneau avec Louis Morisset

Yves Bonneau