20e anniversaire du lundi noir : un souvenir au goût amer

Par Bryan Borzykowski | 22 octobre 2007 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
7 minutes de lecture

Il s’agit en effet d’un anniversaire que plusieurs d’entre nous aimeraient bien oublier. Il y a de cela 20 ans, les marchés financiers connaissaient leur pire correction dans le cadre d’une même journée depuis le krach d’octobre 1929.

Au cours de ce qu’on en viendra à appeler le «lundi noir», les marchés américains se sont tout bonnement effondrés, perdant 23 % de leur valeur. Quant au TSX, la correction atteignit 11 %. Les pertes se chiffrèrent en millions de dollars et plusieurs observateurs craignirent que l’Amérique du Nord ne sombre à nouveau dans une dépression.

«Mon père travaillait pour le compte du TSX en 1929, et je me souviens des histoires qu’il nous racontait à ce propos», souligne Fred Ketchen, directeur de la Banque Scotia et fort de 50 ans d’expérience dans le domaine des services financiers. «Les gens sautaient par la fenêtre et un grand nombre d’investisseurs se sont retrouvés sans le sous. Je me suis alors dit: mon Dieu, mais qu’est-ce qui arrive?»

Bien que le krach de 1987 n’ait pas eu un dénouement aussi funeste qu’en 1930, l’inquiétude allait tout de même bon train. «Ce n’était pas une époque particulièrement réjouissante», se souvient M. Ketchen. «En l’espace d’une semaine, nous avions perdu 23 %. La reprise a toutefois été plus rapide qu’en 1929. Les choses se sont éventuellement tassées.»

Thane Stenner, président de la firme Stenner Investment Partners, affiliée à GMP Client, se trouvait encore sur les bancs de l’école de commerce en 1987. Il en connaissait toutefois suffisamment à propos du monde de l’investissement pour réaliser les implications d’une telle dégringolade au niveau des marchés. Le fait que son professeur ait réagi comme s’il s’agissait de la fin du monde n’a en rien amélioré les choses. «Il s’est présenté en classe avec une expression dévastée», se souvient M. Stenner, interviewé à partir de son bureau de Vancouver. «Il a mis un terme au cours et nous a recommandé de communiquer avec les membres de notre famille, pour s’assurer que tout allait bien. Je ne comprenais absolument rien de ce qu’il disait.»

Il a tout de suite appelé son père, qui œuvrait dans le domaine des services financiers. Ce dernier lui a non seulement fait un résumé des événements, il lui a également donné un conseil judicieux. «Il m’a dit qu’il avait passé la journée à inciter ses clients à acheter autant d’actions que possible.»

Récupérer les actions dont s’étaient départies bon nombre d’investisseurs irrationnels s’est avéré une des plus importantes leçons du lundi noir. L’été dernier, lorsque le marché est devenu instable, M. Stenner s’est souvenu du précieux conseil de son père. «Pour chaque action, il y a un acheteur et un vendeur», dit-il. «Ainsi, pour chaque vente découlant d’un mouvement de panique, il y a une occasion potentielle.»

Exception faite de ces occasions d’achat, M. Ketchen a également réalisé à quel point les marchés mondiaux étaient interconnectés grâce au lundi noir. Lorsqu’il s’est présenté au bureau le matin du 19 octobre 1987 et qu’il a vu que les indices de tous les pays avaient perdu des plumes, il savait que quelque chose était sur le point de se produire en Amérique du Nord. Il ne savait tout simplement pas de quoi il s’agissait. «Nous avons compris que les marchés démontraient dorénavant un très haut taux de corrélation. Suite au krach, nous nous sommes mis à examiner avec beaucoup plus d’intérêt ce qui se passait à l’échelle mondiale.»

Ce ne fut malheureusement pas le cas de tous. Selon M. Ketchen, une fois que les gens «ont évité le pire et que les choses commencent à aller mieux, ils retombent très rapidement dans leurs vieilles habitudes», et ce même s’ils s’étaient montrés plus prudents au départ. À preuve, il suffit de se rappeler l’éclatement de la bulle technologique en 2000.

Quelque 20 ans plus tard, les marchés sont en bien meilleure santé et sont devenus beaucoup plus robustes qu’ils ne l’étaient. Ce qui n’empêche pas que les investisseurs doivent demeurer prudents. Car, à certains égards, les conditions actuelles ne sont pas tellement différentes de celles qui prévalaient en octobre 1987.

À l’époque, on craignait une flambée de l’inflation, le déficit budgétaire américain atteignait des proportions gigantesques et le Moyen-Orient était déchiré par la violence. Ça vous rappelle quelque chose? «Si vous prenez le temps d’y penser, ces sujets ne sont-ils pas encore d’actualité?», demande M. Ketchen.

Il y a toutefois une différence importante par rapport à 1987: les taux d’intérêt étaient alors très élevés. De nos jours, dans un contexte de taux d’intérêt à la baisse, il y a davantage à craindre du marché hypothécaire hors normes et du resserrement du crédit, ajoute M. Ketchen.

M. Thenner trace également certains parallèles entre les marchés financiers actuels et le lundi noir. Il souligne que l’effet de levier financier ainsi que le niveau d’endettement sont tous deux à la hausse, ce qui a contribué au krach. Par contre, il est moins enclin à comparer les deux époques en raison du fait que les taux d’intérêt de même que les coefficients de capitalisation des bénéfices sont tous deux inférieurs.

Quoi qu’il en soit, les conseillers avisés doivent s’assurer que le niveau de diversification du portefeuille de leurs clients est approprié et ils doivent les inciter à opter pour une stratégie de placement à long terme.

«Le synchronisme n’a rien à voir là-dedans», précise Brad Jardine, président de la firme CIC Financial Group, dont les bureaux se situent à Burlington. «Il est impossible de prévoir quand se produira le prochain krach. Il faut donc se montrer prudent.»

En 1987, M. Jardine en était à ses premières armes dans le domaine de l’assurance. Il n’a donc pas été affecté outre-mesure par le krach, ce qui ne l’empêche pas d’en parler régulièrement à ses clients. «Je fais comme si quelque chose du genre se produisait», dit-il. «Supposons qu’ils aient investi la veille du lundi noir. Je leur montre ce qu’il serait arrivé s’ils avaient maintenu leurs positions pendant les 20 années suivantes. S’ils s’étaient montrés patients, tout aurait été pour le mieux.»

Heureusement, il est peu probable que nous connaissions une dégringolade aussi importante que celle survenue lors du lundi noir. Il y a maintenant des mécanismes en place qui visent à nous prémunir contre de tels événements. «Les systèmes ont été remis en état de marche et de nouvelles réglementations ont été adoptées afin d’éviter qu’une correction de la sorte ne survienne à nouveau», affirme M. Ketchen.

Si nous connaissons un autre krach, souligne M. Stenner, il sera probablement de faible envergure. Au lieu de cela, nous serions plutôt témoins d’un recul graduel des cours boursiers. «Il y a maintenant un grand nombre de systèmes de protection visant à prévenir une correction massive à l’intérieur d’une même journée. Ces mécanismes pourraient toutefois faire se prolonger la correction un peu plus longtemps que prévu.»

En bout ligne, si vos clients veulent réduire autant que possible l’impact d’un krach éventuel, ils auraient avantage à suivre le conseil suivant de la part de M. Ketchen : «Ne soyez pas trop gourmands.»

Bryan Borzykowski