Ajustez vos lunettes, chers régulateurs!

Par Guillaume Poulin-Goyer | 20 juin 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Homme avec lunettes qui regarde son ordinateur de trop près.
Photo : Ion Chiosea / 123RF

Les autorités réglementaires du Canada devraient valoriser l’ensemble du travail de conseil fait par les professionnels en services financiers plutôt que de se concentrer à outrance sur le rendement du portefeuille des clients ou les frais que paient ces derniers.

C’est ce qu’estiment certains membres de l’industrie financière, dont des patrons de firmes de courtage, réunis à l’occasion d’un panel lors de la conférence Inside ETFs Canada, à Montréal, mardi.

L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) encadre principalement la partie « investissement » du client, mentionne Richard Rousseau, vice-président exécutif, chef du service de la gestion de patrimoine, Groupe gestion privée à Raymond James.

« L’OCRCVM ne va pas nécessairement réglementer la planification financière ni la partie qui touche l’assurance. Il n’a pas une vision holistique de toutes les dimensions du travail que nous effectuons avec notre client parce que la réglementation est fragmentée et il y a beaucoup de régulateurs impliqués », note-t-il.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est un meilleur exemple de régulateur qui considère davantage ce que les courtiers et leurs représentants font avec leurs clients dans son ensemble, ajoute-t-il.

Les épargnants ont bien souvent besoin d’un plan financier qui va au-delà des services de répartition d’actif et de rééquilibrage fournis par un robot-conseiller, d’après Dave Kelly, vice-président principal et chef de la gestion patrimoine à TD.

Un conseiller peut aider un client à gérer ses dettes, planifier ses entrées et sorties d’argent et s’assurer que ses polices d’assurance couvrent adéquatement ses besoins, fait-il valoir. « [Le plan financier et être certain que le client n’est pas sous-assuré] est plus important que de faire 3 ou 4 % de rendement avec son portefeuille. »

L’atteinte des objectifs du client prime donc sur le rendement de son portefeuille, croit-il. C’est pourquoi les autorités de réglementation devraient aussi considérer cette partie du travail du professionnel en services financiers.

COUP DE POUCE AUX CLIENTS FORTUNÉS

En donnant naissance à la phase deux du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2), les régulateurs ont accru la transparence quant à la rémunération du conseiller et, par le fait même, ont favorisé les clients fortunés, selon Chris Enright, président et directeur général d’Aligned Capital Partners.

« Je ne crois pas que le but des régulateurs était d’amener les clients plus riches à s’en tirer à meilleur coût. Cependant, c’est ce qui arrivé. Les clients les mieux nantis des conseillers ayant les plus gros blocs d’affaires [ont eu une baisse de leur tarification] », dit-il.

La transparence a donné du pouvoir de négociation à ces épargnants. Si un client ayant 5 M$ d’actif à investir doit payer un honoraire de 1 % à sa firme de courtage, cela revient à une facture de 50 000 $. Étant donné la difficulté de ces cabinets à démontrer qu’elles livrent une valeur ajoutée équivalente à ce montant, ces clients ont ultimement payé moins cher, ce qui a forcé les conseillers à travailler plus fort pour obtenir le même revenu de production brut.

« Des conseillers sont en train d’aiguiser leur crayon. Ils doivent devenir plus efficients. S’ils avaient un bloc d’affaire de 100 M$ d’actif sous gestion, ils doivent le faire passer à 150 M$ pour générer le même revenu », note Chris Enright.

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Guillaume Poulin-Goyer

Guillaume Poulin-Goyer est rédacteur en chef adjoint pour Finance et Investissement et Conseiller.ca.