Assurances en ligne : surtout pas sans conseiller!

Par La rédaction | 1 Décembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les assurances en ligne sont des produits trop techniques pour être laissés à des consommateurs livrés à eux-mêmes et l’aide d’un conseiller demeure plus que jamais nécessaire, conclut une étude d’Option consommateurs publiée aujourd’hui.

Intitulé Protection des consommateurs et distribution de produits d’assurance en ligne. Des enjeux inconciliables?, ce document de 120 pages admet d’emblée qu’« Internet est omniprésent dans nos vies » et qu’« en matière d’assurance comme dans bien d’autres domaines, il s’agit d’un outil pratique qui permet aux consommateurs d’obtenir de l’information, voire de comparer les produits entre eux ».

Son auteure, Me Annik Bélanger-Krams, indique toutefois que l’éventualité que le gouvernement provincial autorise prochainement la distribution d’assurance sur le Net sans l’assujettir à l’obligation qu’il y ait un représentant ouvrirait des perspectives inquiétantes pour les Québécois.

« RISQUE D’ASYMÉTRIE INFORMATIONNELLE »

« Les produits d’assurance sont complexes. De plus, comme ils sont souvent vendus à des profanes par des experts, il y a un réel risque d’asymétrie informationnelle entre les parties. Cela est d’autant plus vrai qu’une proportion importante des Québécois éprouvent de graves difficultés de lecture ou ont une faible littératie financière. Or, un consommateur mal informé pourrait souscrire une assurance dont il n’a pas besoin, qu’il a déjà ou qui n’est simplement pas adaptée à sa situation. Pire, il pourrait opter pour une couverture insuffisante », met en garde l’avocate.

Dans le cadre de sa recherche, celle-ci s’est intéressée aux juridictions encadrant la distribution de produits d’assurance en ligne (DPAL) dans plusieurs pays, notamment en France, au Royaume-Uni et dans l’Union européenne. Elle a également contacté des organismes publics pour savoir quels types de problèmes les clients rencontraient lors de leurs transactions sur le Web. Enfin, elle a scruté divers sites d’assurance en Grande-Bretagne afin de savoir quelle information leur avait été transmise par les compagnies émettrices.

Résultat, les consommateurs européens sont mieux protégés que leurs homologues québécois et ces derniers ont des obligations plus grandes qu’eux en matière de divulgation d’information, affirme Me Bélanger-Krams, qui propose une série de modifications législatives et de mesures préventives destinées à mieux protéger le public de la Belle Province.

VALABLE SEULEMENT POUR CERTAINS PRODUITS

Recommandant « une très grande prudence », l’avocate estime qu’il pourrait être envisageable d’ouvrir la porte à la DPAL sans l’intervention d’un représentant, mais à plusieurs conditions et seulement dans le cas de certains produits d’assurance automobile.

Ces conditions? Les législations en matière d’assurance doivent être adaptées afin de bien protéger les consommateurs dans un contexte de distribution en ligne, l’ensemble des orientations de l’Autorité des marchés financiers doivent être suivies et le législateur doit s’inspirer de « toutes les protections prévues dans les directives européennes et des protections en matière de divulgations inscrites dans les lois britanniques et françaises ».

Selon Option consommateurs, la vente en ligne des produits d’assurance autres que ceux de l’assurance auto « comporte trop de risques pour être permise sans l’intervention d’un représentant ». En effet, ces produits « extrêmement complexes » sont de plus en plus souvent vendus à la carte. En outre, « le refus d’une réclamation peut avoir un effet catastrophique sur le patrimoine du client ». Dans ces conditions, Option consommateurs juge que la « souscription hybride » (achat en ligne avec l’aide d’un conseiller) est à privilégier pour ce type de produits.

UNE BONNE ANALYSE, SELON LA ChAD

« L’étude met en lumière les risques associés à la vente de produits d’assurance par Internet. Il faut éviter que les Québécois se retrouvent sans protection, sous-assurés ou avec un produit inutile ou inadéquat », se félicite la Chambre de l’assurance de dommages, qui a pris connaissance du rapport avant sa publication.

De la série de recommandations émises par Option consommateurs, trois ont particulièrement retenu l’attention de la ChAD :

√ Adopter un modèle de souscription hybride. Les consommateurs pourraient alors fournir l’information en ligne et le représentant certifié s’assurerait que le produit soit adapté à leurs besoins. Celui-ci communiquerait avec son client, lui évitant ainsi de se retrouver en situation de sous-assurance ou de surassurance.

√ Alléger le fardeau de divulgation pour le consommateur. Aujourd’hui, celui-ci doit déclarer toutes les circonstances de nature à influencer l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter. Autrement dit, le fardeau repose sur ses épaules et, s’il omet de transmettre toute l’information pertinente à l’assureur, il s’expose à perdre sa protection ou à une réduction de l’indemnisation au moment d’une réclamation. Pour ouvrir la voie de façon sécuritaire à la DPAL, Option propose d’inverser le fardeau, ce qui réduirait le risque de voir les contrats d’assurance annulés ou les indemnités réduites.

√ Encadrer les sites de comparaison. Plusieurs de ces sites mettent davantage l’accent sur le prix que sur les éléments du contrat. Or, même si le coût est évidemment une donnée importante, la nature des protections incluses au contrat doit primer. Dans ces conditions, il est primordial que les portails qui fournissent ce genre d’informations soient bien encadrés. De même, leurs liens d’affaires et leur mode de financement doivent être mieux indiqués.

« Il est important que le législateur québécois s’inspire de l’ensemble des recommandations d’Option consommateurs. L’encadrement de la vente d’assurance en ligne doit être assez souple pour tenir compte de l’évolution des nouvelles technologies, mais la protection du public doit demeurer la priorité », conclut la ChAD.

LA CSF EST ÉGALEMENT SATISFAITE DU RAPPORT

De son côté, la Chambre de la sécurité financière, qui a elle aussi eu la primeur du rapport, dit « accueillir favorablement » les conclusions d’Option consommateurs, qui « corroborent ses préoccupations » et « confirment que la vente de produits d’assurance en ligne sans l’intermédiaire d’un professionnel comporte trop de risque pour les consommateurs ».

« Au moment où le ministre des Finances du Québec s’apprête à réviser l’ensemble des lois du secteur financier, l’étude vient apporter un éclairage important qui doit être pris en compte afin que la protection du public demeure une priorité », insiste la CSF.

« Les produits d’assurance ne sont pas des produits de consommation courante. En matière de distribution d’assurance en ligne, il est essentiel que les consommateurs aient accès aux conseils de professionnels formés et encadrés par un organisme indépendant qui veille à la formation continue, la déontologie et la discipline des représentants qui distribuent des produits et services financiers », rappelle Marie Elaine Farley, présidente et chef de la direction de la CSF, dans un communiqué.

« Les professionnels ont l’obligation de s’assurer que le produit proposé convienne au client et qu’il soit dans son meilleur intérêt. Ce sont eux qui possèdent les connaissances nécessaires pour en saisir toutes les subtilités. Transférer cette responsabilité aux consommateurs peut être lourd de conséquences », conclut la dirigeante.

Les Québécois sont trop souvent mal outillés

Même si le domaine des assurances concerne la plupart des Québécois, il s’agit d’un domaine complexe, souvent mal compris par les clients, affirme Option consommateurs.

Selon une étude de la Chambre de l’assurance de dommages citée dans le rapport, cette complexité est ressentie par 72 % des souscripteurs de polices, qui disent mal comprendre en quoi consiste exactement leur couverture. Ainsi, 22 % des Québécois croient être protégés par leur assurance habitation en cas de tremblement de terre… alors que seuls 4 % d’entre eux ont souscrit un avenant pour couvrir ce risque.

DIFFICULTÉS DE LECTURE

Un autre sondage, également repris par Option, montre par ailleurs que 48 % des consommateurs ne comprennent pas bien tous les éléments de leur contrat d’assurance habitation et ne connaissent pas l’ensemble des inclusions et des exclusions qu’il comporte.

De plus, tous les Québécois n’ont pas les mêmes habiletés et « une portion importante d’entre eux éprouve des difficultés de lecture », relève le rapport. « Bien que ce problème soit présent dans tous les canaux de distribution, il risque davantage de poser problème dans un contexte de distribution de produits d’assurance en ligne, puisque le consommateur y est seul », souligne le document.

La rédaction