Avoir 16 ans… et des REER!

26 octobre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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• Ce texte est paru dans l’édition de mi-février 2005 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.


Vos clients ont des adolescents qui occupent un emploi à temps partiel? Avez-vous envisagé la possibilité de les faire cotiser à un REER? À première vue, l’idée peut sembler saugrenue, mais elle comporte plusieurs avantages, surtout pour vos clients entrepreneurs.

Planificateur financier à Outremont et à Mont-Royal, Alain Element conseille une clientèle en général plus instruite et plus fortunée que la moyenne. Malgré tout, il rencontre rarement des investisseurs dont les enfants détiennent déjà un REER. «C’est exceptionnel», observe ce professionnel au service de BMO Groupe financier. Quelques cas par année, tout au plus. Pourtant, il croit plus que jamais aux vertus d’un REER institué à un jeune âge. «Parce que nos régimes gouvernementaux s’essoufflent, dit-il. Ce qui va forcer les jeunes à se discipliner et à planifier davantage leur retraite.»

Un REER pour les enfants, vraiment? Cette possibilité, inhabituelle, avouons-le, est en apparence irréaliste, voire farfelue. Après tout, un adolescent qui tond la pelouse, fait griller des hamburgers à la chaîne ou met à jour le site Web du commerce de son père sera beaucoup plus enclin à engloutir ses premiers émoluments dans des baskets signés ou dans le dernier Xbox qu’à épargner en vue de sa très lointaine retraite.

APPRENDRE À ÉPARGNER

Pourtant, opter pour cet outil financier à un âge associé a priori aux plaisirs instantanés compte aussi son lot d’avantages immédiats. L’épargne pour la retraite constitue d’abord un excellent moyen de sensibiliser les jeunes à la valeur de l’argent, de leur inculquer des règles simples de gestion budgétaire qui assureront leur stabilité financière toute leur vie. Le REER peut ensuite inciter les jeunes cotisants à acquérir des connaissances sur les placements, les rendements, la Bourse et l’impôt ainsi qu’à réaliser un budget réaliste en cette époque de surendettement. Autant d’habiletés transférables, comme dirait le milieu de l’éducation.

Mais l’avantage suprême, ne l’oublions pas, « c’est la fructification du capital à l’abri de l’impôt » sur une plus longue échéance, précise Simon Beauchemin, conseiller en fiscalité à la Fédération des caisses Desjardins du Québec. Si on contribue à un REER à un si jeune âge, la différence dans les résultats finaux devient carrément exponentielle. Cependant, à quoi bon pour un jeune investir dans un REER s’il ne gagne pas assez d’argent pour devoir payer de l’impôt? Un raisonnement justifié, mais de courte vue, vous diront les spécialistes. «La déduction fiscale en soi peut être reportée dans les années où il aura de l’impôt à payer, explique le fiscaliste. Cette possibilité est illimitée dans le temps.» Le jour où l’étudiant, devenu ingénieur, touchera 100 000 $ par année, il se félicitera d’avoir accumulé des déductions fiscales, illustre Alain Element. «Pour qu’il puisse aller chercher de bons retours d’impôt et les réinvestir par après», dit-il. Et puis, avantages notables, un REER instauré tôt serait sans doute mieux garni le jour où son titulaire déciderait de se prévaloir du fameux Régime d’accès à la propriété ou encore du Régime d’encouragement à l’éducation permanente (voir l’encadré Un REEP, peut-être?).

Un REEP, peut-être?

Connaissez-vous le REEP? C’est en quelque sorte le RAP des études. Le Régime d’encouragement à l’éducation permanente permet à un étudiant à temps plein de retirer des sommes de son REER.

  • Plafond de 20 000 $ sur un maximum de 4 ans;
  • Maximum annuel de 10 000 $;
  • Remboursement sur 10 ans.

DÉCLARER SES REVENUS

Pour les conseillers, le REER procure une occasion en or de fidéliser la clientèle de demain. Le hic, c’est que peu de parents – voire de conseillers – savent que les enfants peuvent constituer leur propre REER, constate Jean-François Thuot. «L’erreur qui est souvent faite, c’est que les jeunes ne remplissent pas de déclarations de revenus», déplore le fiscaliste associé chez Raymond, Chabot, Grant, Thornton. Condition sine qua non pour accumuler des droits de cotisation, même s’ils n’ont pas d’impôt à payer. Tout comme pour les adultes, ces droits équivalent à 18 % du revenu gagné (avant déductions) au cours de l’année précédente.

En outre, le REER du jeune peut être un élément important d’une stratégie de fractionnement du revenu. «Il est assez courant de voir des parents entrepreneurs qui versent un salaire raisonnable à leur enfant pour services rendus», affirme M. Thuot. En plus de diminuer le revenu imposable du parent, le salaire pourrait permettre à l’enfant de préparer sa retraite à l’abri de l’impôt. Mais il faut insister sur le terme «raisonnable». Les abus peuvent être tentants… En septembre 2004, un juge de la Cour canadienne de l’impôt a refusé à un psychologue à son compte le droit de déduire un salaire de 7 000 $, versé en une année à son fils de 14 ans, pour services informatiques. Ses revenus bruts totaux? À peine plus de 60 000 $!

À partir de l’âge de 17 ans, un étudiant détenteur d’un REER peut fournir un avantage fiscal à l’un ou l’autre de ses parents. «Vu que l’étudiant a des droits de scolarité et qu’il réside encore chez ses parents, il peut toujours prendre des REER afin de laisser ces droits de scolarité à son père, qui pourra les déduire de son revenu», explique M. Element.

UN REER OU UN REEE?

Toutefois, à un si jeune âge, le REER vaut-il mieux que le Régime enregistré d’épargne-études (REEE)? Il importe de rappeler la nature fort distincte de ces deux régimes, chacun ayant des visées différentes. Entre autres, le REEE ne procure aucune déduction fiscale au cotisant, contrairement au REER. Celui-ci peut en général prendre forme plus tard, à l’adolescence ou au moment où le jeune intègre le marché du travail, alors que le REEE devrait voir le jour «dès sa naissance», recommande M. Element. Primo, pour profiter au maximum de l’effet de l’accumulation des intérêts. Secundo, plus prosaïquement, pour pouvoir bénéficier de la subvention fédérale, accordée à certaines conditions (voir Les REEE décollent, page 22). Du strict point de vue du rendement financier, et non fiscal, le REEE se montre plus lucratif grâce à l’effet combiné de la durée et de la subvention, qui offre «un rendement immédiat», souligne M. Thuot. C’est pour ces raisons que les parents, entrepreneurs ou salariés, ont intérêt à instituer un REEE pour leur progéniture le plus tôt possible. «Si, pendant ses études, l’enfant n’a pas besoin de ces sommes-là, rien ne l’empêche de les consacrer à autre chose», enchaîne-t-il.

Une fois le REEE créé, le parent travailleur autonome ou propriétaire d’une entreprise pourra toujours juger utile de verser un salaire à son adolescent. Et à l’encourager à mettre un REER sur pied. «J’ai deux enfants, raconte M. Element. Quand mon plus vieux aura 13 ans et qu’il commencera à faire des petits boulots, je vais l’amener à penser à planifier sa retraite lui-même au lieu du gouvernement ou de son employeur.»

B.a.-ba du REEE

LE RÉGIME ENREGISTRÉ D’ÉPARGNE-ÉTUDES (REEE) consiste en un régime de placement à impôt différé qui permet aux parents d’épargner en prévision des études postsecondaires de leur enfant.

  • Les parents peuvent verser annuellement jusqu’à 4000 $ par enfant et cumuler au maximum 42 000 $ par enfant;
  • Contrairement à un REER, les cotisations faites à un REEE ne sont pas déductibles d’impôt;
  • Les revenus engendrés par un REEE ne sont pas imposables tant qu’ils ne sont pas retirés;
  • La Subvention canadienne pour l’épargne-études (SCEE) bonifie la première tranche de 2 000 $ versés chaque année jusqu’à l’âge de 17 ans (voir Les REEE décollent, page 22);
  • Il est possible de retirer en tout temps le capital du REEE sans payer d’impôt.Toutefois, la SCEE devra être remboursée si l’enfant ne fait pas d’études;
  • Les sommes retirées d’un REEE par l’étudiant doivent être ajoutées à son revenu imposable.

Sources: Agence du revenu du Canada, CIBC et Raymond, Chabot, Grant, Thornton


• Ce texte est paru dans l’édition de mi-février 2005 de Conseiller. Il est aussi disponible en format PDF. Vous pouvez également consulter l’ensemble du numéro sur notre site Web.