Comprendre la gestion « cœur-satellite »

Par Dean DiSpalatro | 17 octobre 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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La gestion « cœur-satellite » (core-satellite), c’est un peu l’union des contraires en matière de stratégie d’investissement : d’un côté, on use de prudence avec des placements indiciels ou de base; de l’autre, on jongle avec des placements satellites, lesquels comptent pour 10 à 20 % du portefeuille, pour engranger des rendements exceptionnels.

Si le panier de placements satellites est généralement plus risqué que celui des placements de base, tout n’est pas permis, explique Chris McHaney, gestionnaire de portefeuille, BMO Gestion mondiale d’actifs. « Un risque plus élevé est acceptable du côté des placements satellites si le niveau de risque global du portefeuille correspond à la tolérance de l’investisseur. »

Il suggère d’utiliser le panier satellite pour des placements tactiques thématiques à court terme. Par exemple, si vous croyez que le secteur immobilier surpassera le marché au cours des deux prochaines années, utilisez une partie ou la totalité du panier pour obtenir des positions dans ce secteur. Lorsque l’exposition n’a plus sa raison d’être, la répartition est remaniée.

Le gestionnaire de portefeuille définit d’emblée l’objectif de placement et de prix. Par exemple, le marché immobilier des banlieues de Chicago ne s’est pas redressé au même rythme que d’autres, mais ce n’est qu’une question de temps. La sous-évaluation des titres en fait une possibilité de placement lucratif; l’écart définit également l’objectif de vente au moment de la hausse des cours.

« Soit vous réduisez les actifs lorsque vous approchez de l’évaluation visée, soit vous attendez d’atteindre votre objectif pour tout vendre, ajoute-t-il. Le choix dépend de vos autres stratégies. Si vous n’avez aucune autre possibilité en vue, ou s’il n’y a rien d’autre dans le panier, réduisez les actifs. Dans le cas contraire, vendez l’ensemble de la position existante et passez à autre chose. »

Idéalement, plusieurs stratégies devraient coexister. « Si vous n’en avez qu’une, elle ne devrait pas présenter un risque élevé », précise M. McHaney.

Le cœur devrait être « structuré autour d’investissements à long terme, ajoute-t-il. Revoyez votre stratégie chaque année pour vous assurer qu’elle tient la route et faites des changements en fonction des grands mouvements du marché. Sinon, n’y touchez pas. »

Pour le client en phase d’accumulation, avec un horizon temporel de dix ans, le cœur sera habituellement constitué de 60 % d’actions et de 40 % d’obligations. « Du côté des actions, un bon nombre de titres américains devraient accompagner les positions canadiennes. Les clients devraient également penser à l’Europe et l’Asie, en orientant le portefeuille d’un côté ou de l’autre, selon les perspectives à long terme », explique M. McHaney.

Pour la portion obligataire, les clients qui ont une tolérance plus élevée au risque devraient rechercher une exposition aux obligations de sociétés et aux obligations à rendement élevé. Orientez les portefeuilles de ceux qui ont moins de tolérance de façon à réduire la durée, ajoute-t-il.

Générer du rendement

La gestion du risque est particulièrement importante si le panier de produits satellites comprend des placements privés, explique Garnet Anderson, vice-président et gestionnaire de portefeuille à Tacita Capital.

Il évite les transactions à société unique et évalue les offres en les comparant à un point de référence établi. « Par exemple, vous voulez acheter un lot d’actions de vingt sociétés américaines à petite capitalisation. Même s’il s’agit de capital privé, vous pouvez utiliser un indice tel que le Russell 2000 comme point de comparaison. Si vous n’achetez qu’une seule société, cet indice n’est d’aucune utilité. »

M. Anderson ajoute qu’il faut de cinq à dix ans pour dégager des rendements.

Autre problème : investir dans le capital privé peut supposer des appels de fonds. « Le client doit être en mesure de financer ces appels, explique-t-il. L’argent viendra probablement du cœur du portefeuille; ce dernier devrait donc comprendre plus de liquidités. »

Les stratégies de base de M. Anderson requièrent de la patience. Selon le profil du client, il privilégie des stratégies à faible volatilité, orientées sur la valeur, axées sur les titres de petite capitalisation ou le momentum pour déterminer la répartition d’actions. « Ces stratégies mettent du temps à porter leurs fruits et les clients doivent composer avec des performances moins qu’idéales pendant quelques années. S’ils sont impatients, ils auront du mal à faire confiance à la stratégie. »

Il aime également les titres des secteurs des infrastructures et des services publics, ainsi que les sociétés de placement immobilier. « Ces titres sont plus volatils que les obligations, mais moins que les actions », explique-t-il.

De plus, les distributions en espèces des sociétés de placement immobilier sont réconfortantes. « Lorsque les clients savent qu’ils devront vendre des actions pour financer un éventuel achat, ils craignent que le marché chute au mauvais moment, explique M. Anderson. Les distributions, qui fluctuent beaucoup moins que les cours d’un jour à l’autre, sont plus sûres à cet égard. »

Explorer côté cœur

Devant un portefeuille dont les deux tiers sont placés selon des stratégies alternatives, vous pourriez croire que le client est un jeune multimillionnaire de trente ans.

Pas nécessairement, explique le conseiller en placement Craig Machel, de Gestion privée Macquarie. « C’est la répartition que je privilégie pour un client qui ne veut pas subir des pertes de plus de 5 %. Par exemple, mon client a un million à investir et le reste de son argent est immobilisé dans son entreprise. Il prend déjà beaucoup de risques dans sa vie professionnelle. Il veut donc une stratégie modérée pour investir son épargne. »

Selon lui, c’est une idée fausse de croire que les stratégies alternatives ne s’appliquent qu’aux investisseurs plus audacieux.

Au bout du compte, il modifie la stratégie « cœur-satellite » pour en faire un modèle à trois paniers, chacun contenant normalement un tiers du portefeuille. La stratégie peut être affinée pour être adaptée à divers niveaux de risque, mais elle répond surtout aux besoins des clients prudents dont les actifs de placement sont d’au moins 500 000 $.

Panier 1 : Les actions

Une exposition au marché des actions traditionnelles, axée sur le long terme, avec l’accent mis sur les actions de premier ordre générant des revenus.

M. Machel remarque que certains clients sont si frileux que même ces actions leur apparaissent trop risquées. « D’un point de vue financier, ces clients peuvent soutenir le risque, mais psychologiquement, c’est difficile. Ainsi, nous n’utilisons que les deuxième et troisième paniers. »

Panier 2 : Les titres immobiliers à rendement

Ce panier vise à générer des rendements fiables, explique M. Machel. Les rendements proviennent de deux sources

Des sociétés de placement hypothécaire et des immeubles à logements et des centres commerciaux comprenant des supermarchés

« Puisqu’il s’agit de stratégies de placement privé, on évite les fluctuations du marché », explique-t-il.

Panier 3 : Les actions améliorées et les actions à rendement

Ce troisième panier constitue le pivot de la stratégie de M. Machel si la corrélation est plus restreinte. Il tire parti de divers outils comme l’effet de levier, les dérivés et la vente à découvert.

« Ils peuvent servir dans la chasse aux rendements exceptionnels, une stratégie très risquée, mais, sous ma supervision, c’est en fait un outil de gestion du risque qui cadre bien dans une stratégie raisonnable. »

Son utilisation de la vente à découvert en est un bon exemple. Dans un premier panier, il met des titres de secteurs variés, dont les perspectives sont excellentes. Dans un autre, il met le contraire, soit des titres trop chers de sociétés mal gérées dont les perspectives sont mauvaises. « Nous adoptons une position d’acheteur dans le premier panier et une position de vendeur dans le deuxième. Lorsque le marché baisse, nos positions de vendeur amortissent la chute et ajoutent de la valeur », explique M. Machel.

Il remarque que ses clients profitent moins du marché haussier que s’il s’agissait d’une stratégie traditionnelle. « Puisque nous nous protégeons, nous passons en partie à côté du redressement. Mais ça nous va : nous savons que si les choses se gâtent, nous sommes en sécurité. »

Le SG U.S. Market Neutral Fund, offert au Canada par l’intermédiaire d’Arrow Capital Management, adopte cette stratégie. C’est une des offres préférées de M. Machel.

Ce fonds se concentre dans les actions américaines à petite et moyenne capitalisation. « Les analystes s’intéressent peu à ce secteur. Il y a donc place à l’amélioration côté information » affirme M. Machel.

Les secteurs les plus fréquents sont ceux des technologies, des soins de santé, de la défense et des infrastructures. Le fonds se spécialise dans l’achat et la vente à court terme, selon les annonces de revenus trimestriels. « Les gestionnaires du fonds prennent position relativement aux perspectives d’une entreprise donnée environ quatre à six semaines avant l’annonce. S’ils croient que le cours grimpera après celle-ci, ils adoptent une position d’acheteur. S’ils croient qu’il risque de chuter, ils adoptent une position de vendeur », explique-t-il.

Mais il y a autre chose à considérer. Par exemple, un petit fabricant de micropuces semble prometteur, mais le géant du secteur – Intel dans ce cas – envisage d’annoncer ses revenus juste avant lui. Un mauvais rapport d’Intel pourrait faire dérailler le rapport autrement positif du petit fabricant. Il faut donc en tenir compte avant d’adopter une position.

Les options aident à gérer le risque. Par exemple, SG achètera une option sur un fabricant de micropuces « pour protéger son capital au cas où l’annonce d’une société plus importante aurait des répercussions négatives sur l’ensemble du secteur », conclut M. Machel.


Dean DiSpalatro est rédacteur en chef du Groupe Advisor.

Dean DiSpalatro