Cryptomonnaies : des Québécois risquent de tout perdre

Par La rédaction | 5 février 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Bitcoin entouré de cadenas.
Photo : nkdrop / 123RF

À la suite de la mort de son PDG, la plateforme d’échange de monnaies virtuelles canadienne QuadrigaCX ne parvient plus à accéder aux dizaines de millions de dollars investis par ses clients, parmi lesquels figurent plusieurs Québécois, rapporte Radio-Canada.

La chaîne publique d’information indique que la compagnie en a fait l’annonce le 31 janvier dans un affidavit présenté devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Dans ce document, la veuve du fondateur et ex-PDG de QuadrigaCX, Gerald W. Cotten, déclare notamment que celui-ci est soudainement décédé le 9 décembre dernier des suites de la maladie de Crohn. Et elle assure que lui seul connaissait la clé de chiffrement permettant d’accéder aux 190 millions investis dans la société.

Radio-Canada rappelle que QuadrigaCX est une plateforme qui permet aux investisseurs d’acheter des cryptomonnaies en déposant des fonds dans un compte virtuel. Celle-ci détient donc à la fois des monnaies électroniques et de l’argent liquide appartenant à ses clients. Or, pour protéger ces avoirs des convoitises de cyberpirates en attendant de les utiliser pour effectuer des transactions, Gerald W. Cotten les avait déposés dans un « portefeuille froid », c’est-à-dire « un support hors ligne chiffré », le plus souvent un appareil électronique, précise la chaîne publique.

115 000 CLIENTS RISQUENT DE NE PLUS REVOIR LEUR ARGENT

Le problème, souligne Radio-Canada, c’est qu’un tel système est ultra sécurisé et qu’il est quasiment impossible d’y accéder sans connaître le bon mot de passe… que Gerald W. Cotten aurait donc emporté dans la tombe, si l’on en croit sa veuve. Résultat, les quelque 115 000 clients de QuadrigaCX pourraient bien ne jamais retrouver leur mise, dont « des dizaines de petits investisseurs québécois », note La Presse.

« Il y a beaucoup de Québécois qui sont dans le trouble à cause de cette histoire. Si tu voulais faire une transaction en dollars canadiens pour acheter ou vendre des cryptomonnaies, QuadrigaCX, c’était la place au Canada », explique au quotidien montréalais l’avocat Martin Nolet, spécialiste en fiscalité des cryptomonnaies au cabinet BCF avocats.

Le décès brutal de l’ex-patron de QuadrigaCX alors qu’il se trouvait en Inde dans le cadre d’œuvres caritatives et l’impossibilité de récupérer les fonds entreposés dans sa société ont suscité toutes sortes de rumeurs, rapporte Radio-Canada. Notamment celle que le PDG aurait mis en scène sa disparition dans un pays étranger afin de prendre la fuite avec l’argent. La chaîne d’information relève cependant que sa veuve a fourni un certificat attestant son décès, tandis qu’Affaires mondiales Canada a confirmé à CBC qu’un Canadien était en effet mort en Inde au début du mois de décembre, mais sans divulguer son nom à cause de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

« TOUT CELA MONTRE À QUEL POINT ON A BESOIN DE GOUVERNANCE »

La Presse relève que ces rumeurs sont aussi alimentées par le fait que la plateforme d’échange éprouvait « de sérieux problèmes de flux de trésorerie » depuis que la Banque CIBC avait intenté une action en justice contre QuadrigaCX devant la Cour supérieure de l’Ontario pour geler 24 millions de dollars que la compagnie détenait en vue de couvrir ses besoins de liquidités à court terme. « Depuis novembre, il y avait un mois de délai pour les transactions, mais on finissait par avoir l’argent », a indiqué à La Presse Kevin P., un chef d’entreprise dans le secteur du Web qui affirme avoir 175 000 $ bloqués chez QuadrigaCX.

« Il y a beaucoup de théories du complot, mais c’est vrai que ça n’a aucun sens qu’une personne qui détient un quart de milliard d’actifs sous gestion meure avec les clés », reconnaît Me Martin Nolet. « Cet événement marque à quel point on a besoin de gouvernance, de réglementation et de contrôle internes dans ce secteur d’activité. Actuellement, ce n’est pas du tout surveillé », note pour sa part Louis Roy, associé chez Raymond Chabot Grant Thornton et Catallaxy, une filiale spécialisée dans les cryptomonnaies.

La rédaction