Cryptomonnaies : le mépris de la CVMO coûte des millions

Par James Langton | 4 juillet 2022 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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En mars dernier, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a avisé les entreprises de cryptomonnaies qu’un enregistrement serait dorénavant requis.

C’est dans ce contexte que le tribunal des marchés financiers de la CVMO a prononcé ses premières sanctions visant une entreprise de ce secteur d’activité. Une première organisation a ainsi été accusée de ne pas avoir demandé son enregistrement, et une deuxième entreprise a fait l’objet d’un règlement conclu avec le régulateur et approuvé par le tribunal.

Dans la première décision, le tribunal a ordonné une pénalité de 2 millions de dollars, des interdictions de marché et près de 100 000 $ de frais contre Mek Global, basée aux Seychelles, et Phoenixfin Pte. Aucune des deux organisations n’a participé à l’audience. La CVMO a ainsi constaté que ces entreprises avaient violé les lois sur les valeurs mobilières en exploitant la plateforme KuCoin et en négociant des contrats de cryptomonnaie et des contrats à terme sans être enregistrées. Le tribunal a relevé dans sa décision que KuCoin a émis des titres sans prospectus ni exemption.

Dans sa décision, le tribunal a estimé que les contrats cryptographiques et les contrats à terme de cryptomonnaies répondent à la définition des valeurs mobilières, car il s’agit de « contrats d’investissement ».

« Je conclus que tous les éléments du test permettant de déterminer si un produit est un contrat d’investissement ont été remplis. Les investisseurs ont versé de l’argent dans l’entreprise, ils s’attendaient à un profit et étaient complètement dépendants de KuCoin pour le succès de l’entreprise », a conclu le panel dans sa décision, ajoutant qu’il existe également de graves préoccupations en matière de protection des investisseurs liées à la négociation de ces produits.

« Il s’agit notamment de leurs risques inhérents, de leur complexité, de l’utilisation de la marge ou de l’effet de levier, et de la volatilité potentielle des actifs sous-jacents », souligne-t-il.

Par ailleurs, un panel a également approuvé une proposition de règlement avec la société Bybit Fintech basée aux Seychelles, qui a admis les mêmes violations, à savoir la négociation sans enregistrement et la distribution de titres sans prospectus ni exemption.

En réglant l’affaire, ByBit a accepté de retourner les 2,5 millions de dollars américains de revenus qu’elle a générés en Ontario où elle opérait illégalement depuis 2018. Elle a également accepté de payer 10 000 $ de frais, et de s’assurer d’opérer en toute conformité avec la loi ontarienne sur les valeurs mobilières, ou de cesser ses opérations.

Entre-temps, un engagement pris avec l’organisme de réglementation exige que ByBit fasse don au département d’ingénierie de l’Université de Waterloo de tous les revenus continus générés par ses comptes en Ontario.

Le panel a noté que, contrairement aux exploitants de la plateforme KuCoin, ByBit a pris des mesures pour résoudre l’affaire et a coopéré avec l’organisme de réglementation après que la CVMO a lancé son action coercitive.

Ce faisant, ByBit a fini par payer une somme plus importante que la pénalité imposée aux opérateurs de KuCoin qui n’ont pas coopéré, mais ByBit n’a pas été banni du marché.

Dans la décision rendue dans l’affaire KuCoin, il a été noté que le remboursement n’était pas possible en raison du manque de coopération des entreprises. Une situation qui a empêché les régulateurs de déterminer le montant des revenus que les entreprises ont généré grâce à leur activité non conforme.

« La pénalité administrative demandée empêchera KuCoin de récolter une manne, étant donné qu’il n’y a pas d’ordonnance de remboursement compensatoire », affirme le panel dans sa décision, qui a conclu qu’une pénalité de 2 millions de dollars était appropriée pour dissuader les sociétés liées à KuCoin et pour dissuader de manière générale les autres acteurs de l’industrie cryptographique d’opérer en ignorant les exigences des lois sur les valeurs mobilières.

La CVMO a quelques autres mesures d’application en cours contre d’autres plateformes d’échange de cryptomonnaies qui sont également accusées d’avoir violé la loi sur les valeurs mobilières et de ne pas avoir tenu compte de l’appel de l’organisme de réglementation à s’enregistrer.

« Les plateformes étrangères de négociation de cryptoactifs qui veulent exercer leurs activités en Ontario doivent respecter les règles ou faire face à des mesures d’application », martèle Jeff Kehoe, directeur de l’application de la CVMO, dans un communiqué.

« Les résultats annoncés aujourd’hui devraient servir d’indication claire que nous refusons de tolérer le non-respect de la loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario », ajoute-t-il.

La CVMO a déclaré qu’elle continuerait à prendre des mesures contre les plateformes d’échange de cryptomonnaies qui ne respectent pas les lois sur les valeurs mobilières, et qu’elle travaillait avec d’autres organismes internationaux de réglementation des valeurs mobilières pour partager des renseignements qui pourraient éclairer de futures mesures d’application.