Des banques centrales tentées par les cryptomonnaies?

Par La rédaction | 17 mai 2018 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Alors que les grandes banques centrales n’ont cessé de lancer des mises en garde au sujet des cryptomonnaies au cours des derniers mois, certaines d’entre elles pourraient être tentées d’émettre leurs propres monnaies virtuelles, rapporte Bilan.

Dans une analyse publiée lundi, l’édition web du magazine économique de Suisse romande décortique une récente étude de Morgan Stanley qui voit en effet trois avantages à une telle éventualité.

Intitulé Why a Country May Be Interested in Digital Currency, ce document d’une dizaine de pages relève notamment que « plusieurs banques centrales débattent activement du fait de mettre en place une version digitale des pièces et billets ». Au final, ses auteurs estiment également que « la technologie pourrait aider à mieux suivre les flux de monnaies nationaux et internationaux, mais aussi permettre de mieux gérer les taux de changes ».

Plusieurs arguments économiques militent en effet en faveur de l’instauration de cryptomonnaies nationales, souligne Bilan, qui les a regroupés en trois points.

1) RÉDUIRE LES COÛTS DE PRODUCTION DES MONNAIES

Rappelant que fabriquer de la monnaie « n’est pas gratuit » et que la création d’un billet d’un dollar américain revient par exemple à l’équivalent d’environ 0,06 cent, le site suisse précise que les coûts varient d’un pays à l’autre. Dans ces conditions, ajoute-t-il, « digitaliser la création monétaire avec une cryptomonnaie permettrait de les baisser largement », ce qui pourrait inciter les banques centrales à se lancer dans l’aventure.

Une hypothèse d’autant plus crédible que les institutions financières y seraient « probablement favorables », puisque ce sont elles qui entretiennent notamment le réseau de distributeurs automatiques de billets ou encore qui assurent la sécurité des convoyages de fonds destinés à les alimenter. « Gérer le cash est un pur centre de coûts pour les banques, alors qu’à l’inverse, elles touchent des commissions sur les transactions électroniques, avec des cartes bancaires par exemple », note Bilan.

Certaines banques centrales encouragent d’ailleurs déjà les consommateurs à se détourner de l’argent liquide. C’est en particulier le cas en Suède, dont la banque nationale, la Riksbank, a fortement réduit le nombre de distributeurs de billets à travers le pays, ce qui oblige désormais les Suédois souhaitant se procurer du cash à se rendre dans des agences bancaires spécifiques. Parallèlement, la Riksbank a annoncé son intention d’introduire à plus ou moins brève échéance une « e-couronne ».

2) RENDRE PLUS FACILE LE COMMERCE INTERNATIONAL

Alors que l’écrasante majorité des transactions internationales sont effectuées en dollars (40 %) ou en euros (35 %), Morgan Stanley observe que plusieurs projets de systèmes internationaux de paiement non traditionnels sont aujourd’hui à l’étude, basés sur les technologies des chaînes de blocs (blockchain) et des cryptomonnaies. Par conséquent, les États qui représentent une part importante du commerce international ou ceux qui ont besoin d’acquérir beaucoup de dollars ou d’euros pour commercer seraient les premiers intéressés à émettre des monnaies virtuelles, ce qu’a d’ailleurs déjà fait le Venezuela et ce qu’apprêterait à faire l’Iran.

3) MIEUX MAÎTRISER LA MONNAIE ET LES TAUX DE CHANGE

Plus de 80 % des monnaies de la planète ne sont pas basées sur un taux de change flottant (c’est-à-dire qui fluctue en fonction de l’offre et de la demande pour la devise concernée), relève également Morgan Stanley. Cette dernière estime que, dans ce contexte, une monnaie virtuelle pourrait permettre une meilleure traçabilité des transactions internationales sur le marché des changes, qui représente un volume de quelque 5 000 milliards de dollars par jour.

Certains pays, en particulier la Chine, ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et s’intéressent sérieusement à cette option, note la banque américaine, qui précise que la banque centrale de l’empire du Milieu envisagerait d’utiliser la blockchain et de lancer une version électronique du yuan.

La rédaction