Des milliards en argent sale blanchis par des banques

Par La rédaction | 21 septembre 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Valise ouverte remplie de billets de banque.
Photo : stokkete / 123RF

Au moins 2 000 milliards de dollars américains issus de transactions suspectes ont transité par de grandes institutions financières entre 1999 et 2017, selon le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), rapporte l’Agence France-Presse.

Après les Panama Papers, voici venu le tour des « FinCEN Files » qui, cette fois, mettent en cause JPMorgan Chase, HSBC, Standard Chartered, Bank of New York Mellon et Deutsche Bank. Ces cinq prestigieux établissements bancaires sont en effet soupçonnés d’avoir continué à accueillir des capitaux provenant de criminels présumés, et ce, malgré les engagements qu’ils avaient pris auprès de la justice américaine de renforcer leurs contrôles après qu’ils ont été poursuivis ou condamnés pour leurs activités illégales.

« Les profits des guerres meurtrières contre la drogue, des fortunes détournées des pays en développement et des économies durement gagnées volées dans le cadre d’une pyramide de Ponzi ont tous pu entrer et sortir de ces institutions financières, en dépit des avertissements des propres employés des banques concernées », dénonce l’ICIJ dans le cadre de son investigation, menée par 108 médias internationaux de 88 pays, dont Radio-Canada et Le Monde.

DES FAILLES DANS LA RÉGLEMENTATION

L’enquête du consortium de journalistes, qui met en lumière les lourdes carences de la régulation du secteur bancaire international, repose sur quelque 2 100 « rapports d’activité suspecte » (suspicious activity reports) envoyés au Financial Crimes Enforcement Network (FinCen), la « police » du Département du Trésor américain, par des banques du monde entier. « Ces documents, compilés par les banques, partagés avec le gouvernement mais gardés hors de la vue du public, exposent le gouffre béant qui entoure les garanties bancaires et ils illustrent la facilité avec laquelle les criminels les ont exploitées », soutient Buzzfeed News en avant-propos de son enquête.

À l’issue de ses investigations, le média américain va jusqu’à affirmer que « les réseaux par lesquels l’argent sale transite dans le monde sont devenus des artères vitales au bon fonctionnement de l’économie mondiale ». À noter que les documents dévoilés concernent, entre autres, plus de 2 400 opérations douteuses liées à des sociétés ou à des institutions bancaires canadiennes.

Dans un texte mis en ligne dimanche, Radio-Canada traite notamment de HSBC, qui avait admis, en 2012, avoir « blanchi » près de 900 millions de dollars pour le compte de cartels de la drogue sud-américains. Le géant britannique avait alors échappé à des poursuites pénales mais avait dû, en contrepartie, payer une amende de 1,9 milliard de dollars tout en s’engageant à combattre activement le blanchiment. Or, les FinCEN Files montrent que la banque a bel et bien continué à traiter l’argent d’organisations criminelles notoires, notamment d’origine russe, y compris durant la période de probation de cinq ans à laquelle la justice américaine l’avait soumise.

LAXISME DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

Entre 2013 et 2014, HSBC a par ailleurs continué à transférer des fonds pour le compte de WCM, une société impliquée dans une fraude financière à grande échelle aux États-Unis fonctionnant sur le modèle d’une pyramide à la Ponzi, indique Le Monde. Or, cette arnaque a fait plusieurs dizaines de milliers de victimes au sein des communautés asiatique et latino-américaine de l’autre côté de la frontière, pour un préjudice financier total de près de 100 millions de dollars. Circonstance aggravante, ajoute le quotidien français, même si WCM était dans le collimateur des autorités de trois pays, dont le Canada, HSBC avait laissé ouvert le compte de la société après le gel de ses avoirs par la justice américaine, en mars 2014.

« En ne stoppant pas les transactions liées à la corruption, les institutions financières ont abandonné leur rôle de première ligne contre le blanchiment d’argent », estime sur Radio-Canada Paul Pelletier, ancien haut fonctionnaire du département américain de la Justice et procureur chargé des crimes financiers. Selon le dirigeant, les banques sont d’ailleurs parfaitement conscientes qu’elles « opèrent dans un système qui est, dans une large mesure, impuissant » à combattre la criminalité financière. « Je ne suis pas surpris que les criminels internationaux considèrent le Canada comme un endroit facile pour faire du blanchiment d’argent. Mais ce que je trouve vraiment choquant et inacceptable, c’est la complicité des banques », dénonce pour sa part Charlie Angus, député du Nouveau Parti démocratique et spécialiste en criminalité financière.

Dans un communiqué publié dimanche, la Deutsche Bank soutient que les révélations de l’ICIJ sont en réalité des informations « déjà bien connues » de ses régulateurs et indique avoir « consacré d’importantes ressources au renforcement de ses contrôles » et être « extrêmement attentive au respect de (ses) responsabilités et de (ses) obligations ». De son côté, HSBC déclare que les informations du consortium sont « antérieures » à la fin de son accord de réparation. Et elle affirme qu’elle « s’est engagée à revoir sa capacité à lutter contre la criminalité financière » et que « HSBC est une institution beaucoup plus sûre qu’elle ne l’était en 2012 ».

La rédaction