Desjardins et Manuvie surveillent de près l’élection américaine

Par La rédaction | 7 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Premier client de nos exportateurs, notre voisin du Sud pèse lourd dans les économies canadiennes et québécoises. L’élection du 8 novembre pourrait donc avoir un impact bien concret chez nous.

La frontière, justement, pourrait devenir moins poreuse après l’élection. Les deux candidats soutiennent qu’ils reverront plusieurs accords commerciaux internationaux, dont l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), rappelle Desjardins dans un point de vue économique publié la semaine dernière. Les propos d’Hillary Clinton inquiètent un peu moins puisque Bill Clinton et Barack Obama ont tous deux tenu ce même discours dans le passé, en période électorale, sans trop d’impact.

Mais Donald Trump, lui, va beaucoup plus loin, rejetant la logique même du libre-échange. Il présente la révision de ces ententes comme une occasion de favoriser davantage les États-Unis, au détriment de ses partenaires commerciaux. Il entend exiger une renégociation de l’ALÉNA immédiatement après son élection, et prétend qu’un refus du Canada et/ou du Mexique amènerait les États-Unis à sortir du traité.

SE TIRER DANS LE PIED

Desjardins souligne que cet élan protectionniste, qui se manifeste aussi fortement à l’égard de la Chine, serait en fait dommageable pour l’économie américaine. Il provoquerait une augmentation des prix à la production et à la consommation. Le Canada, le Mexique et la Chine, les trois principales destinations des exportations américaines, pourraient imposer des mesures de représailles. Reste que la possibilité d’une renégociation de l’ALÉNA à l’issue incertaine représente un risque majeur pour le Canada.

PAS DE RELANCE EN VUE

Sur le plan économique, Desjardins juge que les principales propositions des deux candidats feront assez peu pour relancer la croissance. Et ce, bien que Donald Trump soutiennent que les réductions d’impôt et de taxes et les faramineux investissements en infrastructure qu’il promet pourraient la faire grimper à 3,5 %, voire 4 %.

Les intentions d’Hillary Clinton sont trop modestes pour peser sur la conjoncture actuelle, alors que celles de Donald Trump sont jugées peu crédibles à court terme et risquées à moyen terme.

AUGMENTER OU BAISSER LES IMPÔTS?

Les analystes de Desjardins admettent que les propositions d’Hillary Clinton pourraient limiter les inégalités de revenus, mais en raison d’une augmentation de l’imposition des ménages les plus riches, et non d’un soutien aux ménages moins favorisés. Quant à Trump, ses mesures fiscales sont si radicales qu’elles risquent plutôt d’aggraver l’écart déjà existant. Elles favoriseraient davantage les ménages les plus fortunés.

DÉFICITS EN VUE

Sur le plan des finances publiques, Desjardins n’a de bons points à distribuer ni à l’une ni à l’autre, bien qu’il réserve le bonnet d’âne pour Trump.

Selon l’institution québécoise, les propositions de Clinton mèneront à une hausse des déficits et de la dette semblable à celle attendue.

Toutefois, les politiques de Trump pourraient entraîner une détérioration des finances publiques américaines beaucoup plus prononcée. Elles privent l’État de moyens en réduisant fortement taxes et impôts et en augmentant les dépenses. La hausse de revenus nécessaire à l’équilibre des finances publiques, dans un tel contexte dépensier, proviendra selon Trump de la très forte augmentation de la croissance du PIB. Or, celle-ci est loin de faire l’unanimité parmi les analystes.

SI L’ÉLÉPHANT SE PORTE MAL…

D’éventuelles difficultés économiques ou d’équilibre des finances publiques aux États-Unis pourraient donc avoir un impact sur l’économie canadienne, dont le secteur exportateur ralentit chaque fois que les Américains achètent moins.

Le premier ministre Pierre Elliott Trudeau l’avait bien dit : vivre aux côtés des États-Unis, c’est un peu comme dormir avec un éléphant, « nous ressentons chacun de ses soubresauts et de ses grognements ».

RESTER CALME

Mais pas de panique, conseille Kevin Headland, stratège principal des placements d’Investissements Manuvie, dans une récente vidéo.

Il rappelle que les marchés financiers réagissent généralement positivement l’année suivant une élection américaine, avec une hausse moyenne de 9 % de l’indice S&P 500. Il note qu’historiquement, les rendements du marché boursier sont meilleurs sous un président démocrate qu’un président républicain. D’ailleurs, dans le passé, lorsqu’une administration républicaine cédait la Maison-Blanche à un président démocrate, le marché a toujours monté, mais l’inverse n’est pas vrai.

TURBULENCES À COURT TERME

Cela dit, Kevin Headland est confiant que la volatilité des marchés ne se fasse sentir qu’à très court terme, même en cas de victoire de Donald Trump. Le plus grand risque, selon lui, est une liquidation massive d’actions instinctive en cas de victoire du candidat républicain plutôt qu’une correction fondamentale du marché.

Cela pourrait présenter une occasion d’investir à bas prix dans des entreprises de qualité. Mais la fenêtre sera de courte durée. La décision-surprise des Britanniques de voter en faveur du Brexit a entraîné une chute de 6 % du FTSE 100, mais ce dernier a rapidement repris 10 % par rapport à avant le vote.

PAS LE SEUL MAÎTRE À BORD

De plus, bien que le président joue un rôle crucial aux États-Unis, il est loin de pouvoir manœuvrer librement. Comme on l’a vu tout au long des deux mandats de Barack Obama, il peut être bien difficile de faire passer ses lois lorsque le Congrès s’y oppose farouchement. La composition du Congrès, et notamment du Sénat, jouera donc un rôle clé dans l’instauration ou non des politiques prônées par le nouveau président.

Les indicateurs qui auront le plus fort impact sur les marchés boursiers en 2017 seront la croissance des revenus des entreprises et un meilleur environnement économique. Quant au Canada, tout ce qui aura des conséquences positives sur l’économie américaine en aura aussi sur l’économie et les actions canadiennes.

Le message de M. Headland est donc de ne pas se précipiter pour faire des changements draconiens, d’attendre et d’évaluer la direction que prendront les politiques du gouvernement américain. À long terme, il est vain de s’inquiéter des résultats électoraux, à condition d’avoir une répartition d’actifs équilibrée et un horizon de placement à long terme.

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