Desjardins verse-t-il assez de ristournes?

Par La rédaction | 15 août 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
5 minutes de lecture

Desjardins vient d’annoncer des excédents de 581 M$ pour son deuxième trimestre, en hausse de 36 % comparativement à ceux de la même période l’an dernier. Mais malgré ce bon résultat, la provision pour ristournes aux membres est de seulement 40 M$.

Ce montant très bas a fait réagir certains observateurs, en particulier le journaliste économique André Dubuc. Dans un article intitulé À quand la hausse des ristournes? paru vendredi dans La Presse, celui-ci écrit que « les réserves du Mouvement sont désormais à ce point élevées qu’elles minent la rentabilité de l’institution ».

Pour en arriver à cette conclusion, il se base sur une récente analyse réalisée conjointement par la firme Medici, spécialisée en gestion de portefeuille, et par l’analyste en investissement Aaron Lanni, selon laquelle les caisses populaires auraient prochainement la capacité de remettre jusqu’à un milliard par an à leurs membres.

« DESJARDINS GARDE TROP DE CAPITAUX DANS SES COFFRES »

Afin d’étayer son propos, André Dubuc cite également l’opinion de Michel Nadeau, ex-numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Dans une lettre ouverte qu’il avait publiée en mars dans La Presse, rappelle-t-il, l’actuel président de l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques soulevait déjà la question du faible taux de redistribution des excédents aux membres et à la collectivité, soulignant alors que « Desjardins a un ratio de réserves de plus de 60 % plus élevé que les banques ».

Si le montant d’un milliard de ristourne évoqué par l’étude de la firme Medici se confirmait, cela constituerait « un changement de cap spectaculaire », relève le journaliste. En effet, souligne-t-il, l’an dernier, la ristourne a touché un creux à 144 M$, alors qu’en 2007 elle atteignait près de 600 M$. Depuis une décennie, ajoute-t-il, les excédents ont notamment servi « à garnir les réserves pour nourrir la croissance interne de l’organisation et surtout satisfaire aux nouvelles normes réglementaires imposées à la suite de la crise financière ».

Selon le diagnostic de Medici, poursuit le journaliste, « Desjardins garde trop de capitaux dans ses coffres, au point que cela plombe sa rentabilité, calculée par le rendement des capitaux propres », un ratio financier qui, exprimé en pourcentage, sert à mesurer la rentabilité de l’avoir des membres. Or, celui de la coopérative est aujourd’hui tombé à 8 %, soit moitié moins que celui des autres banques, qui tourne autour de 14 % ou 15 %.

« LE MOUVEMENT PEUT ACCROÎTRE SA PRODUCTIVITÉ »

« Desjardins agit comme si le surplus de capital ne coûtait rien. Mais l’argent n’est jamais gratuit. Si le Mouvement conserve plus d’argent qu’il ne lui en faut pour croître, il devrait le distribuer aux membres », croit le président de Medici, Carl Simard, interrogé par La Presse.

D’après lui, explique le quotidien montréalais, si la coopérative respecte son objectif de fonds propres de 15 % et améliore de 5 % à 10 % sa productivité, elle sera en mesure d’accroître sa capacité de redistribution aux membres. « Avec un taux de croissance interne visé de 5 %, les ristournes pourraient raisonnablement atteindre un milliard, soit de 6 % à 7 % des revenus », soutient Carl Simard.

Interrogé par La Presse, Desjardins réfute néanmoins ce raisonnement, estimant notamment qu’en matière de gains de productivité la situation est complexe. Alors qu’André Dubuc note que « l’attrition crée une occasion du côté des dépenses puisque 4 000 employés partent à la retraite chaque année », le premier vice-président finances et chef de la direction financière, Réal Bellemare, rétorque que « si demain matin on prend la décision, comme d’autres institutions, de fermer 300 points de service, il va y avoir un ressac énorme ».

« L’ENVIRONNEMENT N’EST PAS PROPICE »

Rappelant que le Mouvement détient aujourd’hui le plus vaste réseau de distribution de produits financiers de la province avec plus de 1 000 points de service, le dirigeant pose la question suivante : « C’est bien beau de poser des gestes pour améliorer vite la productivité en vue de verser des ristournes plus grosses, mais ça va être quoi l’impact sur l’image de Desjardins? »

Par ailleurs, il se montre plus que sceptique quant à l’éventualité d’une ristourne d’un milliard, estimant qu’il faudrait pour cela « avoir un environnement propice », c’est-à-dire « une croissance régulière, un environnement réglementaire stable, où le gouvernement ne demande pas chaque année de nouveaux requis de capital, et un environnement de taux d’intérêt favorable », résume André Dubuc.

Des excédents en hausse de 36 % au T2

Desjardins a annoncé vendredi des excédents avant ristournes de 581 M$ pour son deuxième trimestre, en hausse de 36 % par rapport à ceux de la même période l’an dernier, rapporte La Presse canadienne.

Le Mouvement attribue en partie cette amélioration à la croissance de son réseau de caisses, à la performance de ses placements et à la diminution de provisions techniques dans le secteur de la gestion de patrimoine et de l’assurance de personnes. Le secteur des particuliers et des entreprises a contribué aux excédents à hauteur de 272 M$, tandis que celui du secteur de la gestion de patrimoine et de l’assurance de personnes a représenté 189 M$.

40 M$ DE RISTOURNES AUX MEMBRES

Les revenus d’exploitation de Desjardins ont par ailleurs gagné 11,4 % au cours du trimestre écoulé, pour s’établir à 3,9 G$. Le revenu net d’intérêts a quant à lui légèrement progressé par rapport à l’an dernier pour se chiffrer à 1,09 G$, tandis que les primes nettes des activités d’assurance ont bondi de 19,3 %, à 2,08 G$.

Enfin, l’actif total du Mouvement était de 272 G$ à la fin du dernier trimestre, soit une hausse de 13,6 G$ (+ 5,3 %) par rapport au 31 décembre 2016, tandis que la provision pour ristourne aux membres s’est élevée à 40M$, comparativement à 22M$ pour la même période il y a un an.

La rédaction