Dossier : Assurance de personnes – Se protéger contre la non-assurabilité

Par Steven Lamb | 25 août 2010 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Convaincus qu’il s’agit tout bêtement de vente sous pression, des clients se privent parfois des bénéfices au menu de leur police. Le fait est que les avantages de certains avenants méritent sérieusement que l’on s’y attarde car, des années plus tard, ils peuvent éviter de graves soucis.

Justement, la garantie d’assurabilité est un des avenants les plus précieux. « Si vous désirez augmenter votre assurance vie, l’assureur effectue une nouvelle tarification. Et la plupart du temps, c’est à l’âge atteint que l’assuré prend cette décision », explique Matthew Younder, directeur des services d’assurance chez Richardson GMP.

Prenons l’exemple d’un client qui souscrit une police à l’âge de 50 ans. S’il estime nécessaire d’augmenter le montant de sa couverture 10 ans plus tard, sa demande fait l’objet d’une nouvelle tarification, alors qu’il a 60 ans.

« Deux éléments jouent contre lui : il est plus âgé, donc le montant de la prime est plus élevé, et son assurabilité peut être compromise par certains facteurs inexistants 10 ans plus tôt, note M. Younder. »

Heureusement, il existe une garantie d’assurabilité grâce à laquelle le proposant peut accroître sa couverture dans un délai précis; habituellement une période de 10 ans; sans nouvelle évaluation médicale.

Bien entendu, le client ne saurait demander cette option simplement par précaution supplémentaire. « Ce genre d’options exige de déclarer à l’assureur pourquoi on pourrait avoir ultérieurement besoin d’augmenter le montant de la couverture, explique-t-il. Il est impératif d’établir la tarification financière en fonction de l’éventualité d’un risque inexistant à l’heure actuelle. »

Ainsi, il pourrait s’agir d’un entrepreneur capable de prouver de bonne foi que la valeur de son entreprise sera supérieure dix ans après la souscription du contrat original.

Toutefois, cette flexibilité se paie. M. Younder signale que le prix de la police est généralement supérieur de 2 %, mais que le jeu en vaut largement la chandelle dans de nombreux cas.

Pour illustrer son propos, M. Younder donne l’exemple de deux jeunes associés qui se lancent dans la publication d’un magazine destiné, comme par hasard, aux conseillers. Leur convention d’actionnaires exige, entre autres, que chacun souscrive une assurance vie d’un million de dollars autorisant l’associé survivant à racheter la part des héritiers, le cas échéant.

Les deux associés ont la conviction que leur entreprise prendra de l’expansion au cours des 10 prochaines années et que sa valeur triplera. Ils sont en mesure d’en faire la démonstration à l’assureur et souscrivent l’avenant de garantie d’assurabilité. Au cours des neuf années suivantes, le profil médical des deux hommes d’affaires, dont l’un est journaliste et l’autre représentant, se détériore. Ils travaillent 16 heures par jour, gagnent une vingtaine de kilos et se mettent à fumer.

Grâce à la garantie d’assurabilité, ils ont la possibilité d’accroître le montant de leur assurance durant la période de 10 ans couverte par l’avenant, sans évaluation médicale.

« C’est le genre de produit dont l’intérêt et l’utilité ne font aucun doute pour personne, mais les entreprises qui démarrent sont tellement à court de liquidités que leurs dirigeants estiment ne pas pouvoir assumer le coût supplémentaire de cet avenant dans l’immédiat », explique M. Younder.

Selon la formule de tarification appliquée, l’avenant peut représenter un pourcentage du prix de l’assurance; peut-être 2 % ou 5 %. « En fait, vous achetez le droit de souscrire une assurance plus élevée à une date ultérieure », pousuit-il.

Les entreprises familiales dont la direction est transmise à la génération montante y ont souvent recours, ajoute-t-il.

C’est également une option attrayante lorsque des parents souscrivent une assurance pour leurs enfants : la tarification qui s’applique à l’adolescent moyen est dérisoire en comparaison du prix de l’assurance pour les parents.

À l’âge de 15 ou 20 ans, tout permet de croire que le proposant est en bonne santé et même s’il maltraite son organisme, il est probable qu’il présente toujours un risque standard, déclare M. Younder.

Ces avenants ont généralement une échéance (10 ans, par exemple). « L’assureur peut imposer des restrictions sur le moment où l’avenant peut être exercé et il limitera certainement le montant de la couverture supplémentaire que vous pouvez acquérir, précise-t-il. Les sociétés d’assurance s’efforcent d’éviter l’antisélection. Elles s’efforcent encore plus d’éviter les comptes avec risque aggravé du fait que tous les proposants se prévalent de l’avenant en cas de problème de santé. »

Quand un titulaire de police apprend qu’il est atteint d’un cancer, tout permet de croire qu’il utilisera la couverture maximum prévue dans la garantie d’assurabilité. C’est pourquoi il est vital pour le fournisseur de limiter le montant de cette couverture.

« Les souscripteurs sont étonnement strictes sur les critères d’admissibilité. Lorsque le proposant exerce l’option de l’avenant, l’assureur ne demande pas forcément de preuves sur l’état de santé, mais il exige des preuves sur la situation financière, affirme M. Younder. Il faut démontrer que la valeur de l’entreprise a augmenté. Il faut établir la nécessité sur le plan financier et pas seulement sur le plan médical. »

La garantie d’assurabilité n’est pas exclusive aux polices d’assurance vie. M. Younder est d’avis que cette option peut être encore plus utile dans le cas de polices couvrant le remplacement du revenu.

Prenons un consultant en TI avec un salaire annuel de 60 000 $ qui souscrit une assurance invalidité correspondant au montant de ses T4. Il est tout à fait réaliste de supposer que son revenu deviendra cinq à dix fois supérieur au cours de la décennie suivante.

« L’assurance vie est un produit très répandu, mais beaucoup moins de gens souscrivent une assurance invalidité. Dans le cas d’un assuré de 45 ans, une demande de prestation de décès est nettement moins probable qu’une demande de prestations d’invalidité, note-t-il. Il aurait donc tout à gagner à souscrire un avenant qui l’autorise à accroître sa couverture si son revenu augmente, sans attestation médicale. »

En ce qui concerne l’assurance invalidité, ces avenants ne sont pas particulièrement coûteux. Pour un jeune avocat gagnant 150 000 $ par an et souhaitant avoir la possibilité de doubler le montant de son revenu de remplacement mensuel (de 6 700 $ à 13 400 $), cela représente un supplément annuel de 68 $ sur le coût de sa police, selon M. Younder.

Pourtant, ces avenants sont souvent négligés. « Les gens font de drôles de raisonnements, conclut-il. Combien n’hésitent pas à acheter une maison plus vaste, forts de la conviction que leurs revenus augmenteront avec le temps et leur permettront d’assumer cette dette. En revanche, quand il s’agit d’assurance, ils se disent : c’est ce que je gagne en ce moment, je n’ai donc pas besoin d’assurer davantage. »

Se protéger contre la non-assurabilité

On pourrait croire qu’il existe à peu de choses près un produit d’assurance pour chaque besoin imaginable. Mais dans les faits, il est ardu d’obtenir pour ses clients une couverture intégrale. D’une part, aucun produit d’assurance offert en format « taille unique » ne convient véritablement à tous et pour tous les besoins. D’autres part, malgré la vaste gamme de produits sur le marché et l’innovation constante dont fait preuve cette industrie, les agencements de polices que le représentant peut composer n’offriront toujours que des solutions fragmentaires plutôt que complémentaires. Autrement dit, le client courra toujours un risque non-assuré.

Prenez le cas des assurances collectives qui constituent la seule protection d’assurance de personne dont jouissent bien des clients : il s’agit d’un bel exemple de couverture sommairement adaptée aux besoins du client et pour laquelle il est souvent difficile d’accoler un produit complémentaire sans qu’il n’y ait double protection ou, au contraire, une zone non-protégée. Qui plus est, l’assurance collective sera-t-elle suffisante aux besoins du client tout au long de sa vie ? Allan Bulloch, président d’IPG Insurance à Ottawa, en doute. Sans condamner ce type de couverture, il souligne que, « dans de nombreux cas, elle se révèle inadéquate. Les changements d’emploi sont devenus monnaie courante et beaucoup de gens ne répondent plus aux critères d’admissibilité du régime collectif de leur nouvel employeur. D’autres se croient correctement protégés par ce type de police et constatent à la retraite que leur couverture est insuffisante ».

Prise de conscience des besoins

Dans cette optique, une bonne planification financière est le premier jalon qui permet de brosser le profil de risque du client en matière d’assurance de personne. La plupart des conseillers, pour bien connaître leur client, utilisent des grilles ou un questionnaire visant à cerner les risques et les besoins exprimés par ce dernier. Or, le besoin n’est souvent pas identifié par le client avant que la conversation n’aborde la question suivante : dans quelle mesure vos biens vous sont-ils indispensables ?

Pour entamer cette discussion, Peter Wouters, directeur marketing, produits d’assurance vie individuelle pour Empire Vie à Toronto, recommande aux conseillers de poser la question suivante : « Sans préciser le montant, dites-moi quel pourcentage de vos biens vous tient à cœur ? La plupart des gens répondent 90 % ou 100 %, soit presque tout à l’exclusion de quelques vieilleries qu’ils pourraient brader dans une vente de garage ou donner à l’Armée du Salut. » La valeur des biens auxquels le client tient est le premier indice permettant d’établir un plan financier qui cerne bien ses besoins et d’identifier le degré de protection qui lui convient.

Cette quantification par pourcentage amène naturellement le client à réfléchir à son mode de vie, à ce qui compte pour lui et qui fait tant partie de son quotidien qu’il ne s’est jamais arrêté à l’importance que cela revêt ou non à ses yeux. Ainsi, le client se mettra à réfléchir aux raisons pour lesquelles « il a choisi tel quartier – la proximité des écoles, des parcs, des amis, des centres de loisirs, des cinémas ou des hôpitaux, etc. Je passe alors à une autre étape et demande : vous avez investi beaucoup d’efforts pour choisir cette maison, voulez-vous y demeurer à tout prix ? Qu’est-ce qui pourrait vous obliger à la quitter ? Dans quelle mesure est-il important pour vous de rester dans cette maison ou, à tout le moins, dans ce quartier ? », poursuit M. Wouters.

Les principaux vecteurs de la conversation sont la valeur que le client accorde à ce qu’il possède et à quel prix il veut le conserver. Ces notions sont importantes car rares sont les clients qui ont véritablement quantifié le montant nécessaire à la vie future envisagée.

Une fois ce travail de prise de conscience fait, M. Wouters suggère de demander : « Ce 90 % ou 100 % de vos biens que vous souhaitez conserver, comprend-il les taxes exigées par les gouvernements ? »

C’est avec ces chiffres sous le nez que le client peut prendre la mesure véritable de ses besoins d’assurance et surtout de l’importance de tels produits. « Car en tant que conseiller, votre rival n’est pas le représentant d’à-côté, ni la banque, ni une autre société d’assurance avec un taux plus avantageux. Votre rival est un voyage sur la Côte d’Azur, un téléviseur à écran plat ou que sais-je encore. Voilà ce contre quoi vous devez lutter », rappelle M. Wouters, pointant du doigt la propension de vision à court terme qu’ont les clients. Dites-vous bien que souscrire une assurance est une activité éminemment moins passionnante que celle de dépenser ou d’investir… D’autant que « Revenu Canada ne s’inquiète pas non plus qu’on accorde des polices aussi inutiles et sans valeur que des assurances vie entière », ironise M. Wouters.

« Quand le client a réfléchi et défini ses priorités, je lui demande s’il est prêt à franchir l’étape suivante : y travailler et faire ses devoirs », ajoute M. Wouters. C’est là qu’entre en jeu la mise en pratique du plan financier, avec au terme de cette discussion d’une à deux heures le sens aigu chez le client de ce qui peut être préservé s’il respecte le plan de match, et de ce qui, malgré tous les produits sur le marché, constituera toujours une zone de risque.

Cet article est tiré de l’édition de septembre du magazine Conseiller. Consultez cet article au format PDF.

Steven Lamb