Elle se servait dans le compte d’un client décédé

Par La rédaction | 23 juin 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Une conseillère de Montréal a été reconnue coupable d’avoir effectué des opérations non autorisées dans le compte d’un client décédé pour s’approprier des fonds, a annoncé mardi l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

Denyse Giroux-Garneau, ex-représentante inscrite en valeurs mobilières depuis 1978 et employée depuis 2008 d’Industrielle Alliance Valeurs Mobilières (IAVM), a fait défaut d’aviser son employeur du décès d’un de ses clients et de mettre à jour le formulaire de compte de ce dernier, tout en effectuant des opérations non autorisées dans son compte quatre mois après son décès dans le but de s’approprier plusieurs milliers de dollars.

« PRATIQUE INCONVENANTE »

Plus précisément, la formation de l’OCRCVM juge que Denyse Giroux a eu « une pratique inconvenante » :

  • en effectuant deux opérations boursières non autorisées et liquidatives les 11 et 14 février 2014 sans avoir préalablement obtenu l’autorisation du liquidateur de la succession d’un client;
  • en s’appropriant sans droit, le 14 février 2014, par le biais d’un chèque signé en blanc par ce client de son vivant, une somme de 15 972,88 $;
  • en n’informant pas son employeur du décès de cette personne le 12 octobre 2013, en faisant défaut de mettre à jour le formulaire d’ouverture de son compte après sa disparition et en omettant de le modifier comme compte de succession.

LE CLIENT ÉTAIT SON CONJOINT

A priori, la situation paraît donc claire. Sauf que le client en question, J., notaire de son état avant d’être radié à la fin des années 1990, est aussi le conjoint de fait de Denyse Giroux depuis 2001. Le couple vivait sans histoire jusqu’au jour où J. a appris qu’il était atteint de la maladie de Parkinson. S’est ensuivie une période difficile pour lui et sa compagne, comme le relate la décision publiée par la formation d’instruction de l’OCRCVM.

« Pendant qu’ils sont ensemble, l’intimée doit s’occuper de J. Elle en prend un soin attentif. Elle l’accompagne et le soutient dans tous les défis liés à sa condition : consultations médicales, […] démarches visant à lui obtenir des revenus de subsistance auprès d’organismes de services sociaux du gouvernement, etc. »

« Sur le plan matériel, poursuit le document, elle assume la majeure partie des dépenses de logement, de mobilier, de téléphone, d’épicerie et d’entretien ménager du couple; elle paie certaines de ses dettes personnelles ».

AIDANTE NATURELLE DÉVOUÉE

Finalement, l’état de santé du malade s’est dégradé. En 2008, il a été admis dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée, où il est resté jusqu’à sa mort en 2013. Durant toute cette période, « l’intimée assiste J. […] et continue de se comporter comme le fait une conjointe », précise l’OCRCVM.

« Elle lui rend régulièrement visite, fait sa lessive, lui procure des vêtements et de la nourriture et s’assure qu’il ait d’autres nécessités de la vie à sa disposition. […] C’est elle qui l’habille, l’amène à des activités de détente et veille à ce qu’il puisse en profiter sans se blesser. La plupart du temps elle le fait à ses frais, car J. n’a pas vraiment les moyens de contribuer aux dépenses. »

L’OCRCVM observe par ailleurs que pendant qu’« elle agit comme aidante naturelle «, les membres de la famille de son conjoint « ne s’impliquent aucunement dans les soins ou l’accompagnement ».

DÉCLARATION MENSONGÈRE

C’est durant cette période que Denyse Giroux a commencé à utiliser des chèques que son conjoint (qui a touché un héritage en 2010) lui a signés en blanc pour l’aider à rembourser une partie des dépenses qu’elle a assumées pour lui. Un apport d’argent imprévu qui sera la source de tous ses problèmes, puisque J. a décidé de recourir à ses services pour effectuer des placements en devenant client d’IAVM.

Première faute relevée par les enquêteurs : bien que le client était le conjoint de fait de la représentante et qu’ils vivaient sous le même toit, ni l’un ni l’autre n’a déclaré à la firme les liens qui les unissaient au moment de remplir le formulaire d’ouverture de compte.

Au contraire, J. a déclaré que sa conjointe n’était pas employée d’une société membre de l’OCRCVM, ce qui est faux. Son compte n’a donc pas été codé « PRO » par IAVM comme il aurait dû l’être, ce qui lui a épargné les contrôles additionnels que le courtier applique normalement aux opérations menées dans de telles circonstances.

OMISSION VOLONTAIRE

Autre faute : à la disparition de son conjoint, en octobre 2013, Denyse Giroux s’est abstenue d’en informer IAVM, « ce qu’elle aurait dû faire en modifiant le formulaire d’ouverture des comptes et en demandant que ceux-ci soient convertis en comptes de succession », note l’OCRCVM.

« Si une telle divulgation avait été faite à la firme, ses politiques et procédures de contrôle auraient voulu que l’actif du compte […] du défunt soit gelé, et qu’il soit par la suite interdit d’y effectuer des opérations sans l’autorisation du liquidateur de la succession », observe l’organisme.

EXCLUE DU TESTAMENT

Quelques mois plus tard, Denyse Giroux apprenait qu’elle n’hériterait pas de J. car celui-ci avait rédigé 30 ans auparavant un testament, jamais modifié ni révoqué, au profit de sa sœur. C’est alors qu’elle a décidé de s’approprier les actifs de la succession de son conjoint décédé, notamment en complétant l’un de ses chèques signés en blanc dont elle disposait et en le présentant à l’encaissement. Un stratagème qui fut rapidement découvert par la sœur du défunt, qui a porté plainte auprès d’IAVM en exigeant la restitution de l’argent détourné.

Pour sa défense, l’intimée a notamment fait valoir qu’elle s’était longtemps occupée de son client-conjoint et qu’elle avait dépensé « des sommes importantes » afin de l’aider en fin de vie. Elle a argué qu’il souhaitait qu’elle soit compensée pour cela.

Elle a également insisté sur le fait que les membres de la famille de J. ne s’étaient jamais occupés de lui, qu’il lui avait remis un chèque signé en blanc pour qu’elle le complète et puisse encaisser les sommes qu’il voulait lui léguer. Autrement dit, assure Denyse Giroux, elle n’a fait que respecter ses dernières volontés.

DES ARGUMENTS IRRECEVABLES

Ces arguments ne sont pas recevables, selon l’OCRCVM, qui souligne que le fait que « le client ait consenti, voire même activement encouragé l’intimée à procéder de la sorte le moment venu, ne dispensait pas celle-ci de ses engagements de respecter les règles de l’Organisme en qualité de représentante inscrite en valeurs mobilières ».

« Qu’elle ait eu cette conduite à l’instance de son client, pour redresser une situation dont elle nous fait valoir l’iniquité, ou pour se faire justice à elle-même face au non respect des dernières volontés informellement exprimées par son conjoint, cela ne change rien à l’inconvenance des gestes qu’elle a posés après son décès, alors qu’elle ne disposait pas des autorisations requises. »

Compte tenu de ces faits, la formation d’instruction a déclaré Denyse Giroux-Garneau coupable. L’audience pour déterminer quelles sanctions lui seront imposées aura lieu le 29 juin, à Montréal.

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