Et si les fonds indiciels tuaient les marchés boursiers…

Par La rédaction | 5 septembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Stock exchange market business concept

L’investissement passif a le vent en poupe, en raison de frais plus bas et d’une perception généralement positive de ses rendements. Mais cette approche pourrait-elle tuer les marchés boursiers?

C’est ce que pense le journaliste économique Stephen Gandel qui, sur Bloomberg News, y va d’un réquisitoire acharné contre les fonds indiciels, imaginant comment ces produits pourraient à la longue tuer le marché boursier américain.

Tout d’abord, il rappelle que les fonds gérés par Vanguard, le géant des fonds indiciels, possèdent désormais au moins 5 % de 490 des 500 entreprises composant le S&P 500, selon Bank of America. Il y a sept ans, c’était le cas de seulement 115 entreprises. Environ 37 % des actifs sous gestion sont gérés passivement. Deutsche Bank prédit que d’ici 2021, ce sera le cas de la moitié de tous les actifs sous gestion. À la fin du mois de juillet, selon Morningstar et Gadfly, les fonds indiciels et fonds négociés en Bourse détenaient 19 % de l’ensemble des actions aux États-Unis.

PRESSION À LA HAUSSE SUR LE PRIX DES ACTIONS

Si cette proportion continuait d’augmenter, cela pourrait nuire aux investisseurs, notamment individuels, croit le chroniqueur, en faisant monter le prix de toutes les actions. Une telle situation laisserait peu d’actions abordables pour jouer le rôle de positions de repli ou de protections en cas de perturbations du marché. Les actions détenues par les fonds indiciels et FNB tendent aussi à être plus volatiles que le reste du marché, soutient Bank of America.

L’ÉCART DE REVENU S’ENVOLE

Les fonds indiciels font aussi grimper de manière peu justifiée les salaires des PDG, ce qui pourrait augmenter les écarts entre les salaires des dirigeants et de leurs employés. Ainsi, une étude récente du European Corporate Governance, citée dans Bloomberg, montre que les salaires des cinq dirigeants les mieux payés tendaient à grimper 10 fois plus que ceux d’autres entreprises lorsque la propriété passive augmentait. Les salaires des dirigeants de ces firmes étaient davantage liés aux performances de leur industrie que de leur entreprise.

LA CONCURRENCE EN VOIE D’EXTINCTION

L’investissement passif peut également nuire à la concurrence et à l’innovation. Pour une grande entreprise, les chances que ses actionnaires possèdent aussi des parts d’un concurrent direct ont augmenté à 90 % en 2017, comparativement à 16 % en 2000. Dans l’industrie aérienne, cette situation courante aurait fait bondir les prix des billets de 12 %, selon Jose Azar et Isabel Tacu, deux professeurs d’économie du Michigan, rapporte Bloomberg.

Si la concurrence diminue, la motivation d’innover et d’investir dans la recherche et le développement suivra la même tendance, ce qui aura un impact négatif sur l’économie.

ADIEU LES PAPE?

La domination des fonds indiciels serait aussi une mauvaise nouvelle pour le premiers appels publics à l’épargne (PAPE), en diminution aussi bien au Canada qu’aux États-Unis. Les banquiers d’investissement n’entrent que rarement en contact avec les gestionnaires de fonds indiciels. Si le nombre de gestionnaires actifs diminue largement, les banquiers d’affaires n’auront plus personne avec qui établir la valeur des PAPE.

Si un marché des PAPE dominé par les fonds indiciels faisait son apparition, les prix seraient établis en fonction des montants inclus dans ces fonds et de leurs règles, plutôt qu’en fonction de la valeur individuelle de chaque entreprise. Cela diminuerait grandement l’attrait du marché public pour les entrepreneurs.

Le nombre d’entreprises cotées en Bourse tend déjà à diminuer, notamment parce qu’il y a peu de demandes pour des compagnies qui ne figurent pas dans un indice. La valeur de leurs actions ne représente donc plus ce qu’elle devrait être aux yeux de leurs dirigeants. Même celles qui sont dans un indice peuvent avoir l’impression que le prix de leurs actions reflètent davantage leur industrie que leur entreprise et ainsi préférer sortir de la Bourse.

LA MORT DE LA BOURSE?

En définitive, dans un scénario-catastrophe, le nombre de compagnies cotées en Bourse pourrait devenir minimal, voire disparaître. Et comment, dans un tel cas de figure, soutenir une économie de 17 billions de dollars américains (21 billions de dollars canadiens)? Même sans se rendre à cet extrême, conclut le chroniqueur, la montée des fonds indiciels et de la gestion passive ne sont pas anodins. Ils pourraient métamorphoser le paysage financier très rapidement.

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