FISF : l’AMF propose une coassurance de 15 % pour les consommateurs

Par Ronald McKenzie | 19 septembre 2013 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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L’Autorité des marchés financiers (AMF) souhaite que les consommateurs assument 15 % du montant de leurs réclamations au Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF).

Cette recommandation d’instaurer une coassurance figure dans la Présentation des résultats et des orientations proposées que l’AMF vient de publier à la suite de la consultation relative à l’indemnisation des consommateurs de produits et services financiers au Québec.

Si le projet d’implanter une coassurance se concrétise, les victimes qui font appel au FISF ne toucheront que 85 % de l’indemnité prévue. La différence sera à leurs frais.

L’AMF a écarté la proposition d’imposer une franchise, car elle aurait pour effet de « réduire le nombre de réclamations » et aurait « un impact direct » sur les petites demandes d’indemnisation. Par exemple, si les victimes assument les premiers 1000 $ ou 2000 $ de la perte financière subie, explique l’AMF, elles pourraient être privées de toute indemnité si leur demande est inférieure au montant de la franchise.

Au contraire, une coassurance n’aurait « pas d’impact sur le nombre de réclamations admissibles à une indemnisation », avance le régulateur. De plus, elle permettrait de « responsabiliser les consommateurs » et de réduire le coût des réclamations.

L’AMF propose également de :

* Maintenir à 200 000 $ l’actuel plafond d’indemnisation.

* Exclure les réclamations des consommateurs qui ont fait de fausses déclarations, participé volontairement à la fraude ou investi à des fins d’évasion fiscale ou de blanchiment d’argent.

* Élargir les critères d’accessibilité afin de couvrir la vente de tout produit par un cotisant au FISF.

Parlant d’élargissement, certains observateurs de l’industrie, dans la foulée du scandale Norbourg, ont indiqué que le FISF devrait couvrir les fraudes perpétrées par les gestionnaires de fonds communs. S’il n’en tient qu’à l’AMF, cette idée demeurera lettre morte.

« Le Fonds d’indemnisation a pour mission d’indemniser les consommateurs floués dans le cadre de l’offre de produits, donc dans un contexte de distribution de produits et de services financiers et non pas dans un contexte de ‘manufacture’ de produits », précise l’AMF.

En outre, la décision d’inclure les gestionnaires de fonds dans un régime d’indemnisation coûterait 7,5 millions de dollars et ne viserait que 92 gestionnaires de fonds. L’augmentation des coûts associés à cette nouvelle catégorie d’intermédiaires « risquerait d’être transférée aux consommateurs par le biais de divers frais de gestion ». Elle aurait également un « effet négatif » sur la rentabilité de leurs investissements.

Gouvernance du FISF : l’AMF recommande le statu quo

Pour ce qui est de la gouvernance du FISF, 78 % des intervenants ont dit qu’elle devrait faire l’objet d’une révision. En effet, plusieurs d’entre eux estiment que l’administration du FISF par l’AMF est incompatible avec son rôle de surveillance des marchés.

Ils affirment que celui qui met en place un système d’encadrement des pratiques ne devrait pas avoir à décider de verser une indemnité si son système faillit.

Pour l’essentiel, l’AMF propose de maintenir le statu quo. Le gendarme des marchés financiers signale que la majorité des répondants qui désirent que l’on modifie la gouvernance du FISF suggèrent que l’AMF devrait continuer à le gérer. Cependant, ils croient qu’un conseil d’administration indépendant, ou un comité indépendant avec un pouvoir décisionnel ou de recommandation, devrait être instauré.

L’AMF rappelle que le projet de loi 64, qui prévoyait la création d’un comité de trois personnes ayant le pouvoir de statuer sur l’admissibilité des réclamations, a été sanctionné, mais que la disposition législative instituant ce comité n’est jamais entrée en vigueur!

De toute façon, l’AMF ne semble pas intéressée à revoir le mode de fonctionnement du FISF. « La mise en place d’un comité statuant sur l’admissibilité des réclamations aurait potentiellement des impacts [sur les] coûts de fonctionnement du Fonds et possiblement [sur les] délais de traitement des réclamations», écrit-elle.

Tout au plus, ce comité pourrait examiner les demandes de révision présentées par les consommateurs en fonction de critères précis.

Par conséquent, l’AMF recommande de maintenir le système que l’on connaît actuellement, soit celui d’un fonds d’indemnisation qu’elle administre elle-même. « Les délais de traitement sont minimisés et le régulateur bénéficie d’un savoir-faire significatif lié à la synergie des responsabilités », dit-elle.

Non à l’indemnisation des fautes lourdes

Actuellement, le FISF dédommage les consommateurs victimes de fraude, de détournement de fonds et de manœuvres dolosives de la part de conseillers mal intentionnés.

L’AMF a demandé s’il serait pertinent d’élargir l’éventail des agissements donnant droit à une indemnisation aux fautes lourdes, aux erreurs et omissions, ou tout autre manquement.

Plus des trois quarts (83 %) des intervenants qui se sont prononcés sur cette question sont contre l’idée de couvrir tout manquement. Selon eux, il faut éviter de dupliquer la couverture généralement offerte par l’assurance de responsabilité des intermédiaires. « La faute lourde et la négligence, notamment, devraient demeurer du ressort exclusif de l’assurance », commente l’AMF. Autrement, dit-elle, des chevauchements pourraient se produire, ce qui aurait pour effet de diriger vers le FISF des réclamations qui devraient normalement aboutir chez les assureurs. « Un tel transfert aurait certes des effets significatifs sur les coûts du Fonds », note l’AMF.

Enfin, les participants à cette consultation ont reconnu l’importance de l’éducation financière, des inspections et enquêtes et de l’imposition de sanctions sévères parmi l’ensemble des mesures visant à mieux protéger les consommateurs de produits et services financiers.

Dans le cadre de cette consultation, l’AMF a reçu 34 mémoires en provenance d’intervenants de tous les horizons, dont 31 ont été utilisés aux fins de statistiques. Les documents écartés étaient des offres de service ou des lettres d’appui qui ne répondaient pas aux questions posées.

Pour consulter l’ensemble des mémoires, cliquez ici.

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