FNB ESG

Par Carole Le Hirez | 28 mars 2023 | Dernière mise à jour le 26 septembre 2023
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Les FNB ESG, qui permettent d’ajouter une touche de durabilité aux investissements, gagnent en popularité. L’arrivée de nouvelles normes, qui rendront l’information sur les critères ESG plus claire, pourrait les rendre encore plus attrayants.

Le marché des fonds négociés en Bourse (FNB) axés sur les thèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) a le vent en poupe, au Canada comme aux États-Unis. Malgré les courants contraires qui ont agité les marchés en 2022, l’investissement ESG est devenu la catégorie la plus importante des FNB thématiques au pays l’an dernier, avec des actifs de 8 G$, soit 4 % du marché des FNB inscrits à la cote au Canada, selon une compilation de Banque Nationale Marchés financiers (BNMF). Cette proportion était de 3,4 % en 2021.

Le niveau record de 10 G$de 2021 n’a pas encore été rattrapé. Cependant, si la tendance se maintient, il pourrait être atteint, voire dépassé en 2023.

En effet, alors que les Américains ont acheté moins de FNB ESG l’an dernier, les Canadiens, eux, n’ont pas ralenti la cadence, avec des créations nettes de 2,8 G$en 2022.

RÉDUIRE LES RISQUES

Pourquoi les FNB ESG séduisent-ils autant les investisseurs canadiens ? «Les FNB sont souvent associés aux ESG, car ils donnent la possibilité aux investisseurs de sélectionner des actions qui répondent à ces critères et d’investir dans des entreprises avec des pratiques de responsabilité sociale et environnementale reconnues», indique Mary Hagerman, gestionnaire de portefeuille chez Raymond James.

Les FNB ESG permettent également de réduire les risques en diversifiant les portefeuilles des investisseurs tout en les aidant à atteindre leurs objectifs d’investissement responsable. Ces placements sont par ailleurs plus faciles à acheter et à vendre qu’un portefeuille d’actions individuelles, ce qui les rend plus accessibles, indique la conseillère.

Mary Hagerman gère des portefeuilles ESG depuis une dizaine d’années, soit bien avant le début de l’engouement pour l’investissement responsable. Elle dit avoir adopté les FNB en raison de leur transparence, des frais réduits, de la gestion de risque et du rendement. «Avec les FNB ESG, on retrouve tout cela à la fois, avec en prime le respect pour les facteurs de responsabilité sociale», indique-t-elle.

Elle ajoute que ces investissements «suivent les règles de l’art de l’industrie, selon une approche basée sur un processus rigoureux de sélection de filtres et des règles constantes qui évitent toute implication émotive de la part du gestionnaire».

« Le travail de standardisation de l’ISSB est attendu par l’industrie, car il amènera plus de clarté et de fiabilité. »

Rosalie Vendette

ÉCLAIRCIR LA JUNGLE DES CRITÈRES

Des règles du jeu claires, transparentes et cohérentes, c’est ce dont a besoin l’industrie des FNB ESG, acquiesce Laurent Boukobza, vice-président et stratège FNB pour l’Est du Canada à Placements Mackenzie. «Les critères de sélection de titres ne sont pas aussi uniformisés et trans-parents que ce que l’on voudrait et cela a pu ralentir l’adoption des FNB ESG», observe le spécialiste.

Les nouvelles normes de divulgations financières environnementales de l’International Sustainability Standards Board (ISSB) arrivent à point nommé pour standardiser la classification des critères ESG. «C’était un manque, et ce développement est très positif pour le secteur et du point de vue de la connaissance du produit», estime Laurent Boukobza.

L’ISSB, chapeauté par la Fondation IFRS, qui a créé les normes comptables IFRS, prévoit adopter deux nouvelles règles de divulgation en 2023, la première pour les normes de développement durable, la deuxième pour les risques climatiques. Avec ces normes, l’organisme espère aider à évaluer les informations ESG de manière plus fiable et comparable.

En effet, les scores ESG peuvent varier considérablement d’une agence de notation à l’autre. Les Européens ont développé leurs propres normes (EFRAG) pour évaluer les critères. Les Nord-Américains utilisent les normes ISSB. De quoi créer une dissonance qui brouille les cartes pour les investisseurs.

Une analyse du secteur des FNB ESG, publiée l’automne dernier par BNMF, indiquait que cette dispersion pouvait «être frustrante pour de nombreux investisseurs, car elle introduit des défis inévitables dans la sélection des FNB ESG». Elle appelait à une plus grande normalisation des rapports ESG pour davantage de transparence.

«L’information sur les ESG est foisonnante. Elle n’est pas toujours comparable et à jour. Le travail de standardisation de l’ISSB est attendu par l’industrie, car il amènera plus de clarté et de fiabilité. Cela peut réduire la confusion et convaincre plus d’investisseurs des mérites de l’investissement ESG», croit Rosalie Vendette, directrice Engagement pour Quinn and Partners.

STOP À L’ÉCOBLANCHIMENT !

Les nouvelles normes ISSB devraient également contribuer à apaiser le débat sur l’écoblanchiment qui fait rage autour de l’ESG, opine Laurent Boukobza. Le « ESGwashing » préoccupe l’industrie, tant du côté des manufacturiers de produits que des gestionnaires de portefeuille, confirme Rosalie Vendette.

«C’est un risque réputationnel et juridique important qui mobilise beaucoup les services de conformité des organisations. La réglementation prend du temps à être étudiée, adoptée et mise en oeuvre, alors que l’écoblanchiment a des répercussions immédiates.»

Les clients, qui se satisfaisaient jusque-là d’une reddition de comptes générale, s’attendent désormais à recevoir de l’information plus quantitative et détaillée, ajoute la spécialiste.

Les conseillers, quant à eux, doivent être en mesure de bien comprendre l’offre de produits afin de répondre à la demande des clients pour des produits ESG de plus en plus nombreux et spécialisés. «Ils ont besoin de s’éduquer», note Rosalie Vendette.

DES PRODUITS SANS HISTOIRE

Lorsqu’un nouveau client souhaite investir dans des produits ESG, Mary Hagerman cherche en premier lieu à savoir comment il a investi par le passé afin de cerner son intérêt. «Est-ce qu’il a déjà des produits ESG dans son portefeuille ? Souhaite-t-il avoir un portefeuille entièrement composé d’ESG ou seulement une partie ?». Ce sont deux des questions qu’elle pose fréquemment.

Pour les conseillers, l’un des principaux défis des FNB ESG réside dans leur court historique de rendement, souvent de trois ans au maximum. «Beaucoup de produits ESG, que ce soit dans les fonds communs de placement ou dans les FNB, existent depuis quelques années seulement. Les conseillers doivent donc s’adapter à cette situation pour répondre aux questions des clients sur la performance de ces produits.»

Pour combler les lacunes en matière d’information sur les ESG, le Comité de normalisation des fonds d’investissement du Canada prépare un cadre d’identification de l’investissement responsable qui vise notamment les FNB, de manière à aider les clients à mieux comprendre ce qu’ils achètent et les conseillers à mieux guider leurs clients.

Par ailleurs, en janvier 2022, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont publié une notice traitant de la catégorisation des FNB ESG dans les fonds d’investissement. Elles y abordent le manque de clarté et l’écoblanchiment qui pourraient s’immiscer dans le processus de placement des investisseurs individuels afin de s’assurer qu’ils aient accès à l’information la plus complète possible sur les fonds.

De plus, en octobre, les régulateurs ont annoncé qu’ils reconsidéreront leur proposition quant à la divulgation des risques climatiques par rapport à la reddition de comptes dans le but de s’aligner sur les règles mondiales de l’ISSB.

8 G $ Actifs détenus dans les FNB ESG canadiens au 31 décembre 2022. Source : Banque Nationale Marchés financiers

lES MANUFACTURIERS S’ACTIVENT

Un ménage dans la réglementation s’impose, car le secteur ESG est de plus en plus couvert par les FNB. Il y a actuellement quelque 130 FNB ESG au Canada, selon BNMF. La gamme de produits s’élargit, avec des fonds de plus en plus spécialisés dans leurs expositions sous-jacentes.

Afin de répondre à la demande croissante pour des FNB ESG spécialisés, les manufacturiers canadiens doivent souvent aller chercher de l’expertise à l’externe. Mackenzie s’est ainsi associé à la firme américaine Impax pour lancer son premier FNB ESG:le FNB mondial de leadership féminin, en décembre 2017.

Les manufacturiers sont également sollicités pour développer ce type de produit pour des fournisseurs. Mackenzie a ainsi lancé en janvier 2022 pour le compte de Wealthsimple un FNB de titres à revenus fixes durables qui vise à reproduire le rendement de l’indice Solactive Green Bond USD.

35 000 G $ Montant que les actifs ESG pourraient atteindre d’ici 2025. Source : Deloitte

COCKTAIL À LA MODE

Le mélange FNB ESG fonctionne bien en raison de la nature même des FNB:des fonds de fonds qui permettent d’obtenir une allocation tactique et stratégique grâce aux titres cotés en Bourse qui le composent. Ces ingrédients les rendent utiles pour faciliter l’équilibrage des portefeuilles et posséder la liquidité sous-jacente, fait valoir Laurent Boukobza.

Pour ces raisons, les FNB ESG sont populaires, notamment dans le secteur de la gestion de patrimoine et aussi auprès du marché institutionnel, en particulier chez les gestionnaires d’actifs et les gestionnaires de régimes de retraite.

De plus, les FNB permettent d’obtenir une exposition à un indice souhaité de manière efficace, rapide et peu chère, en allant chercher une exposition via un FNB qui est intégré dans un autre fonds. BMO, le second manufacturier canadien avec 25,2 % des parts de marché, a d’ailleurs créé un nouveau FNB en remplaçant une exposition à l’indice S&P 500 dans un de ses fonds par une exposition au S&P 500 ESG.

« [Les récentes créations d’actifs dans les FNB ESG pourraient déclencher] un effet boule de neige. »

Laurent Boukobza

INVESTISSEURS INDIVIDUELS

Face à cette foison de produits, il devient de plus en plus complexe pour les investisseurs individuels de faire leur choix dans le vaste éventail de FNB ESG conçus par les manufacturiers.

Cette situation pourrait contribuer à expliquer un certain retard au Canada dans l’adoption des FNB ESG par les investisseurs individuels par rapport aux investisseurs institutionnels, qui représentent la part la plus importante des acheteurs de FNB ESG.

Le portrait est différent de l’autre côté de la frontière. Alors que le marché canadien des FNB ESG affiche des pics, correspondant à des entrées d’actifs importantes provenant d’allocations institutionnelles ponctuelles, les flots d’entrées dans le marché américain sont plus réguliers, ce qui reflète une demande plus soutenue de la part des investisseurs de détail américains, indiquent les analystes de BNMF.

La proportion des FNB ESG dans les actifs des Canadiens pourrait cependant grandir au cours des prochaines années, entre autres en raison de l’intérêt suscité par les enjeux environnementaux et sociétaux chez les investisseurs d’ici.

Les récentes créations d’actifs dans les FNB ESG pourraient même déclencher «un effet boule de neige», selon Laurent Boukobza. La progression du marché ESG vers une certaine maturité pourrait de cette manière contribuer à stimuler la demande chez les investisseurs individuels. «Il y a un marché à développer de ce côté.»

Cette recette gagnante a plusieurs effets positifs. Premièrement, elle contribue à diffuser l’infor-mation sur l’ESG, ce qui a une résonance positive pour promouvoir la finance durable et donner aux manufacturiers l’occasion d’émettre des recommandations susceptibles d’être considérées par les organismes réglementaires. Deuxièmement, elle favorise une plus large adoption des FNB ESG par les investisseurs individuels ainsi que la création d’un marché de masse.

Dans ce marché en croissance, les manufacturiers ont un rôle à jouer pour changer la donne, considère Laurent Boukobza. RBC, avec sa gamme de FNB iShares, encourage par exemple les détenteurs de titres à exercer leur droit de vote pour refléter davantage les standards ESG qu’ils recherchent dans les entreprises dont ils détiennent des actions dans leur portefeuille.

« À terme, tous les investissements pourraient être ESG, car on doit changer les habitudes et les manières dont on produit et dont on investit. »

Laurent Boukobza

«À terme, tous les investissements pourraient être ESG, car on doit changer les habitudes et les manières dont on produit et dont on investit pour migrer vers une économie centrée autour de la durabilité», soutient Laurent Boukobza.

L’année 2023 pourrait être un bon cru pour les FNB ESG. Après une pause en 2022, du fait de l’incertitude qui régnait sur les marchés, de nouvelles stratégies de développement de produits pourraient voir le jour. Plusieurs observateurs de l’industrie s’attendent à une croissance exponentielle et une offre grandissante de solutions ESG pour les investisseurs au cours des prochaines années.

«Tout ce qui peut aider à convaincre les investisseurs de l’importance de porter attention aux effets qu’ont les entreprises sur l’environnement contribue au développement des produits ESG. Quand les investisseurs seront plus rassurés sur la façon dont les critères sont appliqués, ils seront également plus enclins à y investir», juge Rosalie Vendette.

Il y a encore du chemin à parcourir pour établir cette confiance. Plusieurs émetteurs ont dû récemment retirer leurs produits de la catégorie des ESG, car ils n’ont pas rempli les critères de cette catégorie. En Europe, la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), entrée en vigueur en avril 2021, a engendré une vague de ESGwashing en raison de l’absence de directive claire sur ses critères. Conséquence:Morningstar a retiré de sa liste de référence d’investissements durables 1 200 fonds européens qui se prétendaient ESG, signale la directrice.

La prudence s’impose donc. La simple intégration des facteurs ESG dans la panoplie de critères financiers des FNB ne suffit pas. Ils doivent reposer sur du solide.

Malgré des défis, il y a de l’avenir pour les FNB ESG, pense Mary Hagerman. Même si la demande a reculé par rapport à 2021, les preuves des conséquences de l’activité humaine sur l’environnement ne cessent de s’accumuler, souligne la gestionnaire.

«Nos enfants hériteront d’un monde où il y aura beaucoup d’enjeux environnementaux», dit la mère de trois jeunes adultes. Dans cet univers, il y aura de la demande pour des placements ESG, croit-elle, car la sensibilité des investisseurs quant aux risques liés aux entreprises qui ne portent pas assez attention aux facteurs ESG ira en augmentant.

Pourquoi les investisseurs choisissent les FNB ESG

  • Diversifier les portefeuilles
  • Améliorer la performance financière à long terme
  • Réduire les risques en investissant dans des entreprises mieux gérées
  • Investir de manière responsable et selon ses valeurs
  • Plus faciles à acheter et à vendre que les actions
Carole LeHirez

Carole Le Hirez

Carole Le Hirez est journaliste pour Finance et Investissement et Conseiller.ca. Auparavant, elle a notamment écrit pour Les Affaires.