Il emprunte plus de 60 000 $ à sa cliente, les perd…

Par La rédaction | 15 mai 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Cette cliente croyait avoir fait un investissement, mais elle a plutôt consenti un prêt à son conseiller. Mal lui en pris, car ce dernier a presque tout perdu… et a été radié à vie par le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière, a-t-elle annoncé lundi.

Au moment des faits reprochés, qui se sont déroulés en novembre 2008, Guillaume Fernandez exerçait à titre de représentant de courtier en épargne collective (certificat n° 112123, BDNI 1598911). Il a plaidé coupable à l’unique chef d’infraction contenu à la plainte disciplinaire, soit d’avoir manqué d’intégrité en obtenant d’une cliente la somme de 62 849 dollars et en faisant ensuite défaut de lui remettre cet argent.

Tout commence en 2007. Sa cliente vend sa résidence familiale et cela lui rapporte 70 000 dollars, qu’elle place par l’entremise de l’intimé dans un régime non enregistré. Son profil d’investisseuse démontre que ses connaissances financières sont limitées et que son objectif est d’accumuler une épargne retraite, avec une tolérance au risque moyenne.

VERSIONS CONTRADICTOIRES

À partir de juillet 2007, la cliente effectue des retraits mensuels de 400 dollars du compte où l’argent est placé, des opérations qui se poursuivent jusqu’en octobre 2008. C’est à ce moment que la situation financière de Guillaume Fernandez commence à se détériorer, à la suite de problèmes personnels, d’épuisement au travail, d’une séparation et d’une faillite.

Les versions deviennent ici contradictoires, indique le comité de discipline, puisque le représentant prétend que sa cliente lui a offert de lui prêter de l’argent, tandis que celle-ci affirme qu’elle voulait plutôt faire un investissement. Toujours est-il qu’elle signe avec son conseiller une convention de prêt au profit d’une société à numéro constituée en juin 2003 et mise à jour en 2008. Ses activités sont décrites comme celles d’un « bureau de conseiller en gestion » et la liste des administrateurs et des actionnaires comprend Guillaume Fernandez, précise le comité.

« L’intimé a indiqué qu’il a procédé par le biais de sa société à numéro parce qu’il savait qu’il ne pouvait éthiquement obtenir un prêt directement de sa cliente et qu’il voulait ainsi mettre une distance afin que ce ne soit pas le même compte de banque » et, pour cela, il a dû la réactiver, détaille la CSF.

UN PRÊT À 12 % D’INTÉRÊT

La convention de prêt signée en novembre 2008 prévoit que le débiteur reconnaît avoir reçu de la créancière un montant de 63 963 dollars et qu’il s’engage à lui rembourser un montant de 68 000 dollars pour tenir compte des frais de rachat. Les intérêts sur le prêt sont fixés à 12 % l’an et son terme est de cinq ans, avec des versements de 400 dollars mensuels payés à la cliente. Le prêt est fait par l’entremise du rachat par la cliente de titres d’organismes de placement collectif.

Selon la plainte, « bien que le contrat énonce qu’il s’agit d’un prêt sans garantie et non d’un investissement, la cliente [avait] l’impression d’avoir fait un investissement ». Ainsi, les chèques sont libellés à l’ordre de la société à numéro du représentant et l’investisseuse-prêteuse obtient un rendement de 12 %. De plus, « certaines modalités du prêt pouvaient également laisser croire qu’il s’agissait d’un investissement, notamment les clauses de rachat par anticipation et les délais prévus ».

Au total, Guillaume Fernandez rembourse 3 600 dollars, à raison de neuf paiements mensuels de 400 dollars, jusqu’à ce que sa cliente lui demande d’arrêter afin de ne pas gruger son capital. En 2013, au terme de cinq ans, elle lui réclame sa mise. Mais le représentant est incapable de rembourser, ayant utilisé l’argent à des fins personnelles. Pour se couvrir et gagner du temps, il affirme alors que comme cette somme a été placée, elle est « gelée ». Et il fait à la cliente une reconnaissance de remboursement personnelle d’un montant de 66 000 dollars en capital, plus 50 314 dollars pour les intérêts.

PLUSIEURS FACTEURS AGGRAVANTS

Dans la décision du comité de discipline, la procureure de la plaignante souligne l’existence dans cette affaire de plusieurs facteurs aggravants :

  • la gravité de l’infraction reprochée;
  • le manque d’intégrité du représentant, du fait qu’il a emprunté des sommes de sa cliente alors qu’il savait qu’il était en conflit d’intérêts;
  • les sommes versées par la cliente ont servi aux fins personnelles de l’intimé;
  • l’infraction est toujours en cours, car la cliente subit encore une perte.

« Emprunter d’un client et ne pas remettre les sommes sont des gestes inacceptables dans l’industrie », insiste le comité, qui souligne que Guillaume Fernandez a prémédité son acte, puisqu’« il est clair qu’il savait qu’il était en conflit d’intérêts et que sa situation financière était difficile », sans parler du fait que l’opération qu’il a menée l’a été « auprès d’une société qui peut être qualifiée de coquille vide ».

Enfin, lors de la demande de remboursement, il a menti sur le motif de son refus et le préjudice financier de sa cliente est considérable, car celle-ci n’avait que peu d’autres actifs (la somme en jeu, y compris les intérêts, dépasse les 120 000 dollars).

Après avoir noté que le représentant s’est engagé à ne pas revenir dans la profession, le comité de discipline rappelle dans sa décision que « l’intégrité dans la profession financière est une qualité essentielle ». En conséquence, il ordonne sa radiation permanente et le condamne au paiement des débours.

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