Il faut adopter une solide stratégie en santé mentale

Par Sylvie Lemieux | 21 mai 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Femme âgée assise par terre et se cachant le visage avec les mains.
Photo : lopolo / 123RF

Les problèmes de santé mentale en entreprise sont plus que jamais d’actualité. La détresse psychologique des travailleurs s’est accentuée depuis le début de la pandémie, a soutenu Jacques Goulet, président de Sun Life Canada lors d’une conférence en ligne organisée par le Cercle canadien de Montréal.

En 2020, Sun Life a versé pour près de 10 milliards de dollars (G$) en prestations à ses clients et elle gère actuellement 57 000 cas d’invalidité.

« Une réclamation sur trois en invalidité à long terme découle d’un problème de santé mentale, ce qui est deux fois plus que le cancer », a souligné Jacques Goulet.

La santé mentale est non seulement la première cause d’invalidité, mais c’est aussi celle qui connait la plus forte progression, avec une hausse de 27 % entre 2014 et 2019. « Ce sont des chiffres inquiétants. »

« D’ici la fin de la semaine, plusieurs personnes vont s’absenter du bureau dû à un problème de santé mentale. Ils seront plus de 500 000 à travers le pays dans la même situation. Ces 500 000 personnes sont jeunes ou âgées, elles habitent tous les coins du pays, viennent de toutes les classes sociales et de toutes les cultures. Nous sommes donc face à une crise grave qui affecte les gens, nos entreprises, notre économie et ultimement notre société », a affirmé M. Goulet.

DES PARENTS DE PLUS EN PLUS INQUIETS

Depuis le début de la pandémie, Sun Life sonde régulièrement les Canadiens. Selon les plus récents résultats obtenus, 60 % des répondants disent éprouver actuellement des problèmes de santé mentale alors que 54 % ne reçoivent pas de soutien médical. Le coût des services de professionnels (25 %) et la honte (23 %) sont les deux principaux obstacles qui les empêchent de demander de l’aide.

Si la COVID-19 touche tout le monde, elle affecte davantage les femmes (62 %) et les jeunes de 18 à 34 ans (74 %), a aussi révélé les sondages. « La pandémie a accentué la fusion entre le travail et la maison et il s’avère que cela touche plus fortement les femmes. Heures de travail plus longues, plus de tâches à la maison, fermeture des écoles, soins à donner à des proches, tout cela crée un stress additionnel pour beaucoup d’entre elles. On a même vu des femmes avec de jeunes enfants quitter le marché du travail, ce qui est inquiétant. »

Lors d’un webinaire sur la santé mentale organisé par la Sun Life, Jacques Goulet a été « renversé » par le nombre de parents qui se disaient inquiets de la santé psychologique de leurs enfants. « Même dans nos centres d’appels, on reçoit des demandes de parents qui ont besoin de soutien pour leur enfant en détresse psychologique. C’est du jamais vu. C’est grave et je m’inquiète particulièrement pour nos jeunes. Ils sont à risque alors que ce sont nos leaders de demain. »

LE RÔLE DES ENTREPRISES

Les employeurs ont, selon lui, un grand rôle à jouer pour renverser la vapeur. « Il faut investir et il faut aussi s’investir. Seulement un tiers des entreprises canadiennes ont une stratégie en santé mentale. C’est à nous les dirigeants que revient la responsabilité de faire bouger les choses », a-t-il affirmé.

Sun Life cherche à montrer l’exemple. Le mieux-être de ses employés a toujours été une priorité et cela a pris encore plus d’importance depuis le début de la pandémie.

« On sonde régulièrement nos employés sur leur état psychologique, a expliqué Jacques Goulet. On a mis en place une formation en santé mentale obligatoire pour tous les gestionnaires. On a doublé le nombre de journées de contraintes personnelles de cinq à dix par année. On offre également une couverture de frais de consultation liés à la santé mentale pouvant aller jusqu’à un maximum de 12 500 $ par année. On a récemment lancé un coach personnalisé pour aider nos employés et nos clients dans leur parcours en santé mentale. On est fier du chemin parcouru, mais il reste beaucoup de travail à faire. »

Sun Life veut aussi aider les entreprises à mettre au point leur stratégie en santé mentale. Elle a conçu une trousse d’outils adaptée autant aux PME qu’aux grandes organisations. Celle-ci détaille les cinq phases pour mettre en place un programme de santé mentale.

En 2018, Sun Life a aussi lancé Lumino Santé, un réseau canadien de ressources en santé. « On sait qu’il est difficile de trouver le bon professionnel de la santé [psychologues, travailleurs sociaux, conseillers cliniciens, psychothérapeutes] au moment où on en a besoin. Chaque jour, il y a 3 000 demandes de recherche de fournisseurs sur la plateforme. »

Il est encore difficile de savoir à quoi ressemblera le monde du travail dans l’après-COVID-19. Mais peu importe la forme qu’il prendra, cet avenir devra être guidé par une solide stratégie en santé mentale, a soutenu Jacques Goulet.

« Pour rester compétitif à l’échelle mondiale, le Canada doit agir maintenant. Le Québec a longtemps été précurseur en ce qui a trait aux mesures sociales avec l’assurance médicaments, les congés parentaux et les garderies subventionnées. On peut être tout aussi innovateur en matière de santé mentale. Les gouvernements, les professionnels de la santé, les assureurs ont tous un rôle clé à jouer dans la quête d’une solution globale. Les employeurs peuvent aussi en faire plus pour améliorer leurs pratiques en santé mentale. »

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Sylvie Lemieux

Sylvie Lemieux est journaliste pour Finance et Investissement et Conseiller.ca. Auparavant, elle a notamment écrit pour Les Affaires.