Investissement immobilier : vers des règles allégées

Par La rédaction | 24 janvier 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Devant la multiplication des projets immobiliers au Québec, l’Autorité des marchés financiers (AMF) envisage d’adapter l’encadrement des investissements dans ce secteur en allégeant sa réglementation.

Après avoir consulté les intervenants du milieu sur le sujet, l’AMF est désormais en train d’analyser les commentaires reçus, indique son porte-parole, Sylvain Théberge.

Interrogé par Conseiller, il précise que cette phase « pourrait prendre encore plusieurs semaines ». Rappelons qu’en novembre dernier, l’Autorité a lancé une consultation concernant son projet de Règlement sur les dispenses de prospectus et d’inscription dans le secteur immobilier et sur l’instruction générale relative à ce projet de règlement.

Le règlement qui en découlera est destiné à « répondre à l’accroissement du nombre de mises en chantier de projets immobiliers au Québec, qui a mis en lumière la nécessité d’un encadrement juridique adapté à ce type de placement », précisait-elle alors.

DISPENSES DE PROSPECTUS

Les futures règles visent notamment « à alléger l’encadrement de certains placements dans le secteur immobilier en proposant, à certaines conditions, une dispense de prospectus pour la vente de contrats d’investissement immobilier ». Elles prévoient également une dispense de prospectus et d’inscription pour le placement d’un titre donnant un droit d’usage exclusif dans un immeuble (c’est-à-dire l’utilisation exclusive d’une partie commune, par exemple le stationnement d’une copropriété).

« La majorité des nouveaux projets de condominiums offrent aux acquéreurs la possibilité de conclure un contrat de gestion locative du condominium acheté [soit mandater une firme pour gérer la location du logement à leur place]. Cette combinaison d’éléments peut, dans certaines circonstances, constituer un contrat d’investissement qui est une forme d’investissement prévue à la Loi sur les valeurs mobilières [LVM]. Il y a donc placement d’une valeur mobilière lors de ce type de transaction, nécessitant soit le dépôt d’un prospectus ou qu’un émetteur se prévale d’une dispense statutaire de déposer un prospectus », explique Sylvain Théberge.

« L’absence actuelle de dispense statutaire disponible applicable aux placements de contrats d’investissement immobilier obligerait donc vraisemblablement les émetteurs à déposer un prospectus, et par conséquent à devenir émetteurs assujettis », poursuit le porte-parole.

La seule dispense existante est celle pour les investisseurs qualifiés, prévue à l’article 2.3 du Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus. Ces investisseurs ont des revenus nettement supérieurs à la moyenne ou des actifs substantiels. Certaines institutions sont aussi considérées comme étant des investisseurs qualifiés, par exemple les banques, les gouvernements, les courtiers ou conseillers inscrits, les compagnies d’assurance et les caisses de retraite.

« CLARIFIER LA SITUATION »

Sylvain Théberge soutient que le projet de règlement de l’AMF « permettra de clarifier la situation » et de déterminer si l’investissement immobilier constitue ou non un placement assujetti à la LVM, surtout quand on sait que « plusieurs participants du marché ignorent qu’il existe des obligations en vertu de cette loi ».

« Même dans les cas où les vendeurs ont le réflexe de considérer la vente d’unités immobilières comme constituant le placement d’une valeur mobilière, poursuit-il, ces unités immobilières sont généralement vendues et revendues sur la base de dispenses de prospectus dont les modalités réglementaires ont changé au cours de la dernière année. »

« Le nouveau Règlement sur les dispenses de prospectus et d‘inscription dans le secteur immobilier offrira des dispenses statutaires, adaptées à la réalité des nouvelles structures d’investissements immobiliers », conclut Sylvain Théberge. Interrogé sur les raisons pour lesquelles l’AMF entend alléger la réglementation dans un secteur d’activité souvent marqué par des problèmes de corruption et de blanchiment d’argent, le porte-parole ne nous a pas répondu.

ENTENTE DE GESTION

L’Autorité considérera vraisemblablement qu’il y a contrat d’investissement visé par son règlement « lorsque l’offre ou la vente d’unités immobilières est assortie d’une entente de gestion locative (qu’elle soit obligatoire ou facultative) en vertu de laquelle des personnes imposées au souscripteur ou à l’acquéreur se chargeront notamment de la gestion et de la coordination de la location des unités », précise de son côté une note technique publiée sur le site web du cabinet d’avocats canadien Blakes.

« L’entente de gestion pourrait également prendre la forme d’une convention permettant aux acquéreurs ou aux souscripteurs de toucher des revenus locatifs individuels ou collectifs », notamment « par l’intermédiaire d’un programme de location d’unités immobilières prévoyant le partage de dépenses ou de revenus entre les participants », précise le cabinet.

PROLIFÉRATION DE PROJETS IMMOBILIERS

Après avoir passé en revue les différents facteurs qui pourraient démontrer l’existence d’un contrat d’investissement couvert par le règlement, Blakes indique que « la revente du contrat d’investissement par le porteur à un tiers acquéreur serait assujettie à une obligation de la part du vendeur de notifier au préalable la personne qui a la direction de l’affaire ». Celle-ci disposerait alors d’un délai de 30 jours pour transmettre au nouvel acquéreur l’information financière requise.

Toutefois, souligne le cabinet d’avocats, « cette dispense de prospectus ne remplacerait pas les autres dispenses dont l’émetteur pourrait se prévaloir », mais viendrait plutôt s’y ajouter, l’émetteur demeurant libre de choisir celle qu’il souhaite invoquer.

D’ailleurs, estime-t-il, « si la réforme mise de l’avant par l’AMF est entre autres motivée par la prolifération des projets immobiliers au Québec, elle l’est également par les récentes modifications apportées au Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus et d’inscription, qui ont eu pour effet de limiter la portée de certaines dispenses autrefois disponibles dans le cadre de placements dans le domaine immobilier ».

PRÉSENTATION MIEUX ENCADRÉE

« Le Règlement limiterait la capacité de l’émetteur à communiquer de l’information prospective uniquement dans les cas où elle repose sur des fondements légitimes et encadrerait rigoureusement la présentation de cette information dans le document d’offre », souligne également Blakes, qui note que même si celui-ci n’est pas soumis à l’approbation de l’AMF, « son dépôt permettra à l’Autorité d’entreprendre plus facilement des actions contre les promoteurs si elle juge que le document est déficient ».

Enfin, le cabinet relève que le futur texte « imposerait des obligations d’information continue en matière financière à l’émetteur, au promoteur et à la personne qui a la direction de l’affaire. Ainsi, l’état du revenu net annuel audité et l’état du revenu net intérimaire de l’affaire devraient être communiqués aux porteurs à l’intérieur de certains délais prescrits ».

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