La fête est finie pour les actions de style croissance

Par Nicolas Ritoux | 21 mars 2022 | Dernière mise à jour le 11 octobre 2023
4 minutes de lecture

Les six derniers mois ont offert un dur retour à la réalité aux investisseurs un peu trop euphoriques des dernières années, observe Craig Jerusalim, gestionnaire de portefeuille principal, actions canadiennes, Gestion d’actifs CIBC.

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« Les investisseurs de style croissance ont connu une période faste jusqu’à l’arrivée de la COVID-19. Dès lors, beaucoup de gens s’ennuyaient, mais recevaient de l’argent sans travailler et se demandaient comment dépenser celui-ci pour passer le temps. Les entreprises technologiques performaient bien dans la situation et on a assisté à une arrivée massive d’investisseurs autonomes qui ont décidé d’utiliser des applications de placement simples d’emploi comme Robinhood. Ils ont ajouté de l’huile sur le feu du momentum, exacerbés par les forums Reddit et une puissante peur de manquer la dernière mode », analyse Craig Jerusalim.

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« C’était dur pour bien des observateurs de voir des individus moins compétents qu’eux devenir riches rapidement en achetant des actions « memes » hautement spéculatives ou des cryptomonnaies en forte hausse. Les très faibles taux d’intérêt ont incité à emprunter pour faire effet de levier sur les rendements et réduire le coût de détention d’actifs plus sûrs, comme les obligations. Ces taux très faibles ont également fait croître la valeur des flux monétaires de longue durée, permettant à des entreprises qui perdaient de l’argent de paraître attractives à condition de raconter une histoire qui laissait croire à des profits futurs, peu importe le temps que cela prendrait », poursuit-il.

L’expert voit deux dates importantes qui ont conduit au renversement récent de la performance relative des styles croissance et valeur parmi les actions canadiennes. D’abord octobre 2020, lorsque les premiers vaccins efficaces ont été approuvés en Amérique du Nord; puis novembre 2021, quand les investisseurs ont commencé à prendre en compte les hausses de taux d’intérêt imminentes.

Durant les quatre années qui ont précédé la première date, le fonds négocié en Bourse iShares Canada Growth a surperformé de 35 % son rival iShares Canada Value. Mais depuis cela, la valeur s’est mise à surperformer et a dépassé la croissance de plus de 50 %. La majeure partie de cette surperformance s’est produite dans les derniers mois, mais cela a suffi à effacer la domination du style croissance en remontant aussi loin que jusqu’à la crise financière, insiste-t-il.

« Beaucoup de titres de style valeur sont reliés à l’économie générale. Une fois que le monde développé a entamé sa réouverture, une renormalisation s’est opérée. De plus, les services financiers et l’énergie ont une grande influence sur l’indice canadien du style valeur ; la hausse des taux et l’amélioration de l’offre d’énergie ont propulsé ces secteurs cycliques de style valeur », explique Craig Jerusalim.

LE STYLE CROISSANCE A-T-IL CONNU UNE BULLE?

« La différence avec la bulle de 1999 est que bon nombre d’entreprises technologiques parmi les meilleures du monde, comme Microsoft et Apple aux États-Unis ou Shopify au Canada, ont connu une expansion de leurs multiples, mais il y avait trop de titres fantasques d’entreprises de mauvaise qualité qui s’échangeaient à 20 ou 30 fois leurs profits. Leur chute n’était absolument pas inattendue et elle peut même être considérée comme saine », assure l’expert.

« Dans ce contexte, il faut faire un tri dans le carnage du style croissance et ne retenir que les entreprises de haute qualité qui ont été jetées avec l’eau du bain et qui sauront renaître de leurs cendres pour offrir les prochains décuplements. L’ubiquité des fonds spéculatifs a exacerbé la chute de plusieurs de ces entreprises et leurs titres s’échangent au rabais alors qu’elles sont encore attractives », poursuit Craig Jerusalim.

Selon lui, les investisseurs peuvent encore tirer profit de tels titres de deux façons : soit si leurs multiples reprennent de l’expansion, soit s’il existe une confiance envers la qualité de leur modèle d’affaires et leur potentiel à faire croître leurs profits.

« Rappelez-vous qu’une grande société comme Amazon a dû supporter quatre différentes chutes de 50 %, plus une autre de 90 % avant de devenir une entreprise d’un billion de dollars. Alors, bien que l’investissement de style croissance ne soit pas pour les âmes sensibles, il peut être très rentable si on le pratique avec discipline et conviction. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Nicholas Ritoux

Nicolas Ritoux

Nicolas Ritoux est journaliste indépendant. Il collabore à Conseiller.ca depuis 2009.