La valeur va-t-elle renverser la croissance?

Par Peter Hardy | 10 février 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La très longue période de surperformance des placements de style croissance touche à sa fin, croit Peter Hardy, gestionnaire principal de portefeuille, actions mondiales de type valeur, American Century Investments à Kansas City (Missouri).

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« Les gens tendent à l’oublier, surtout avec les données que l’on observe à court terme, mais l’investissement de style valeur surperforme historiquement par rapport au style croissance. L’idée de base du style valeur, soit d’acheter des actifs moins chers sur la base de leur productivité financière plutôt que d’acheter des actifs coûteux, n’a pas changé. La valeur est destinée à battre la croissance, sans aucun doute », dit Peter Hardy.

Sauf que depuis plus d’une décennie, les marchés indiquent le contraire.

« Cela s’explique en partie par des politiques monétaires incroyablement accommodantes, qui profitent davantage aux placements de style croissance puisque leurs profits se trouvent plus loin dans l’avenir. En fait, en ce début d’année 2021, le style croissance a surperformé comme jamais auparavant », observe Peter Hardy.

Pour le démontrer, il compare les indices Russel 1000 Growth et Russel 1000 Value : le premier a surperformé de 35 % par rapport à l’autre, un record. En fait, le style croissance surperforme depuis 2009, un record de durée selon lui.

« Tout cela signifie que ce n’est pas le moment de se surcharger d’actions de style valeur, les investisseurs devraient plutôt se protéger des risques. C’est un cycle dont nous ne connaissons pas la fin, mais nous savons que lorsqu’il se renversera, il pourrait le faire violemment », prévient Peter Hardy.

L’écart de performance et de prix entre les deux styles lui rappelle la bulle financière des technologies en 1999-2000. Quand la valeur s’est mise à surperformer au printemps 2000, le renversement s’est fait rapidement et les actions de style croissance sont retombées et ont sous-performé.

Selon lui, plusieurs « catalyseurs » sont actuellement en place pour provoquer un renversement similaire. Le premier est l’amélioration de l’économie.

« Le coronavirus a beaucoup pesé sur la croissance mondiale, mais l’administration Biden a fait de la pandémie et des vaccinations sa plus grande priorité, ce qui va contribuer à surmonter les effets négatifs de la pandémie et à normaliser l’activité économique. Une telle normalisation profite davantage aux actions de style valeur. De plus, l’administration a enclenché un programme de relance de 1,9 billion dont les retombées économiques vont elles aussi profiter au style valeur », explique Peter Hardy.

Second catalyseur d’un renversement : la normalisation de la courbe des rendements, accompagnée de faibles pertes sur créances.

« Les banques forment une partie importante des indices de style valeur, or une reprise économique élargie devrait se traduire par une courbe des rendements plus normale, et c’est là un environnement qui profite aux banques et aux actions de style valeur en général. De plus, avec toutes les aides financières mises en place pour réduire l’impact du coronavirus, les pertes sur créances des banques ont été moins élevées que prévu, ce qui leur a permis de puiser dans les réserves qu’elles avaient constituées en cas de pertes dans le but d’accroître leurs dividendes et rachats d’actions », dit Peter Hardy.

Troisième catalyseur : la force du marché immobilier.

« C’est l’un des effets les plus surprenants de la pandémie. L’offre immobilière aux États-Unis est à un niveau historiquement bas, et le marché devrait donc demeurer fort. Or, l’immobilier profite massivement aux actions de l’économie plus traditionnelle qui composent les indices de style valeur », raisonne Peter Hardy.

Et enfin le quatrième catalyseur, selon l’expert : une modération des attentes vis-à-vis des actions de style croissance.

« Leur surperformance des dernières années était en partie liée à la croissance supérieure de leurs profits. Mais l’élargissement de la croissance économique va mener à un renversement de cette tendance. Les secteurs d’activité de style valeur affichent désormais de meilleures perspectives de profits que ceux de style croissance. Par exemple, le secteur financier devrait voir ses profits croître de 42 % en 2022 contre « seulement » 34% pour les technologies. Je dis « seulement » pour plaisanter, mais il reste que les banques ont de meilleures perspectives de profits et s’échangent à des prix moins élevés. »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Peter Hardy

Peter Hardy est vice-président et gestionnaire de portefeuille clients pour American Century Investments, une firme de gestion de placement de premier ordre située à Kansas City, Missouri. M. Hardy, qui a rejoint la société en 2008, gère le Portefeuille d’actions américaines de valeur tout en communiquant les stratégies de placement ainsi que les résultats aux clients. Avant de joindre American Century Investments, il était directeur du service aux clients institutionnels ainsi que des relations avec les consultants chez Morgan Asset Management, une filiale en gestion de placement de la société Regions Financial. M. Hardy a aussi travaillé comme chef des placements au sein de la société Regions Financial Benefit Plans. Précédemment, il occupait le poste de vice-président et gestionnaire de portefeuille d’actions chez Trusco Capital Management et de gestionnaire de portefeuille chez STI Capital Management. M. Hardy détient un baccalauréat en administration des affaires de l’Université Furman. Il est analyste financier agréé et membre de la CFA Institute.