L’allégement des règles pour les FinTech inquiète

Par La rédaction | 1 mars 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La récente décision des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) d’alléger le fardeau de la conformité pour les FinTech suscite des interrogations au sein de la profession.

Les ACVM ont récemment lancé un bac à sable réglementaire, soit un environnement d’essai sécurisé pour les logiciels et sites web (sandbox) permettant l’expérimentation de nouvelles technologies. Les Autorités permettront aux FinTech une inscription à durée limitée auprès du régulateur. Elles pourront donc tester leurs produits sans devoir investir tout le temps et l’argent nécessaires à la conformité traditionnelle.

Alors que les conseillers « en chair et en os » déboursent des sommes importantes à ce chapitre, certains d’entre eux redoutent que cette mesure ne fournisse un net avantage à leurs concurrentes, instaurant ainsi une sorte de double standard.

Interrogé par Conseiller, le président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF) estime par exemple que « les entreprises FinTech qui veulent concurrencer la distribution de services financiers exercée par les conseillers doivent donner les mêmes garanties et se soumettre aux mêmes règles que la distribution exercée par nos membres ».

« NOS MEMBRES PAIENT DÉJÀ TRÈS CHER »

« L’amélioration d’un outil de travail, dans ce cas les FinTech, ne doit pas se faire au détriment de l’éthique ni de la responsabilité des individus et des organisations », poursuit Flavio Vani, qui souligne que si « l’APCSF est d’avis que la protection du public est très importante, ses membres paient déjà très cher pour soutenir la structure actuelle ».

« Nous porterons une très grande attention aux lois et règlements qui gèrent la distribution des services financiers et nous veillerons à ce qu’il n’y ait pas d’avantage octroyé aux FinTech, par exemple en leur permettant d’avoir moins d’encadrement et moins de responsabilités », ajoute encore le patron de l’APCSF.

Mais si jamais cela se produit, « notre organisation défendra et agira dans l’intérêt supérieur de ses membres et de leurs clients en utilisant tout l’éventail de ses droits de syndicat professionnel », prévient-il. Également contacté par Conseiller, le Conseil des professionnels en services financiers n’a pas donné suite à nos demandes.

PAS UNE SURPRISE

« L’annonce des ACVM n’est pas une surprise, puisqu’il était dans ses plans de permettre aux banques de traiter leurs affaires directement avec le consommateur, sans l’intervention des conseillers », commente pour sa part Daniel Guillemette, qui relève que « malgré les contradictions évidentes dans le double discours des organismes de réglementation, le train est parti dans cette direction ».

« Un tel projet exige un régime dénué de conformité et de la majorité des exigences réglementaires qui sont imposées aux conseillers, car il est impensable de les faire subir à un client à travers une page web, soutient le président de Diversico, Experts-conseils. Tout le monde se découragerait avant de se rendre à la page d’achat. Sur le terrain, les conseillers prennent des heures à faire la cueillette des données du client, l’analyse de ses besoins financiers, à produire son rapport de recommandations et à le guider dans sa prise de décisions. Et qui plus est, ils sont expérimentés. Comment un client pourra-t-il, en quelques clics de souris, accomplir seul ce qui prend des heures à faire avec un professionnel expérimenté? Poser la question, c’est y répondre! »

Et Daniel Guillemette conclut en lançant une mise en garde : « Il ne faudrait cependant pas croire que les conseillers vont rester les bras croisés pendant que tout le monde essaie de leur enlever leur gagne-pain pour le remettre entre les mains des banques. »

« LES CONSEILLERS AURONT ACCÈS AU BAC À SABLE »

L’aspect qui pose problème à une partie de la profession est notamment l’évaluation des modèles d’entreprises qui auront le droit de bénéficier du fameux bac à sable. Parmi les compagnies admissibles figurent « les plateformes en ligne, notamment les portails de financement participatif, les prêteurs en ligne, les réseaux d’investisseurs providentiels ou toute autre innovation technologique servant aux activités de courtage ou de conseil en valeurs mobilières ».

Ces entreprises ne risquent-elles pas de concurrencer les conseillers, sans leur fardeau réglementaire? Le porte-parole de l’Autorité des marchés financiers (AMF) se veut rassurant.

« Il est effectivement possible que certaines de ces entreprises soient en concurrence avec des conseillers, comme il est possible que des courtiers travaillent dans le secteur des FinTech aussi », admet Sylvain Théberge. Mais il précise que la permission octroyée à ces entreprises le sera « seulement pendant une certaine période et avec certaines conditions, qui seront déterminées au cas par cas ».

« Un déposant qui teste son modèle d’affaires sera donc assujetti au respect de certaines limites par rapport à une entreprise sur le marché […], qui pourrait opérer conformément à la réglementation, sans conditions. […] Toute société, incluant les gestionnaires de portefeuille (ou conseillers), déjà inscrite pourra avoir accès au bac à sable, comme tout autre type de déposant, dans la mesure où il respecte les modalités pour y avoir accès », souligne-t-il.

Sylvain Théberge réfute par ailleurs l’idée que les FinTech bénéficient d’une forme de privilège avec l’instauration du bac à sable réglementaire. « Il n’y a pas de dispense ou d’exemption qui sera accordée d’emblée à des modèles d’affaires FinTech, explique-t-il. Ces dossiers seront examinés au cas par cas, et les entreprises qui en sont au stade de l’inscription ou à qui seront octroyées une dispense seront autorisées ainsi à tester leurs produits et services, de façon limitée dans le temps. Notre objectif est d’accompagner les nouveaux modèles d’affaires qui offrent une percée technologique pour le secteur des valeurs mobilières. »

Le concept de bac à sable « s’inscrit directement dans le plan quinquennal des ACVM, qui prévoit qu’elles examineront et évalueront les répercussions des innovations dans le domaine de la technologie financière », rappelle-t-il.

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