L’avenir du CDPSF en péril?

17 octobre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les jours du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) sont-ils comptés? Ses plus récents états financiers ne laissent rien présager de bon.

Deloitte, chargée de l’audit des états financiers du Conseil, y relève « l’existence d’une incertitude significative susceptible de jeter un doute important sur la capacité du CDPSF à poursuivre son exploitation ».

Déposés lundi avec plusieurs mois de retard, les états financiers vérifiés du Conseil pour l’exercice terminé le 31 mars 2016, qui seront disponibles sur son site web, montrent des revenus totaux de 1 039 256 $ et des dépenses de 846 634 $, pour un excédent des revenus sur les dépenses de 192 622 $.

Mais la majeure partie des revenus du CDPSF provient de la Chambre de la sécurité financière (CSF), qui lui a versé 750 948 $ en argent et en services en 2016. Les autres revenus sont tirés de la formation (238 043 $), des commandites (38 973 $) et autres (11 292 $).

Les principaux postes de dépenses, quant à eux, sont : la formation (201 553 $), les salaires et charges sociales (152 652 $), le prêt de ressources de la CSF (139 439 $), par exemple le personnel de la Chambre affecté à des tâches pour le compte du CDPSF, et les frais généraux (90 173 $).

De son côté, le salaire du directeur général Mario Grégoire est de 65 000 $ par année, auquel s’ajoute 2 000 $ par mois comme rétribution pour son rôle président du conseil d’administration (CA), pour un total de 89 000 $. Pour l’exercice se terminant le 31 mars 2016, le CDPSF a versé 35 650 $ aux administrateurs de son CA (15 510 $ en 2015).

Interrogé par Conseiller sur ce cumul des rôles, M. Grégoire affirme qu’il est important, dans les premières années d’une organisation, que ces fonctions soient fusionnées pour une meilleure cohérence.

« Les administrateurs du CDPSF sont pleinement conscients qu’éventuellement, lorsque les circonstances le permettront, les deux postes seront scindés », ajoute-t-il.

Le site web du CDPSF a, quant à lui, occasionné des dépenses de 9 525 $ durant le dernier exercice. Au total, il a coûté 42 146 $.

Rappelons que le Conseil est le produit du regroupement des anciennes sections régionales de la CSF. Selon le protocole qui lie les deux parties, la Chambre doit fournir un soutien financier au CDPSF jusqu’en 2017. Au terme de l’entente, elle devra lui avoir versé 1,8 M$.

DES SOMMES MANQUANTES

Mais le Conseil accuse la Chambre de ne pas lui avoir donné toutes les sommes qui lui sont dues, peut-on lire dans les états financiers. Il a déposé un avis d’arbitrage en avril pour obliger la CSF à lui octroyer une somme manquante de 109 017 $ (au 31 mars 2016). Il demande également la résiliation du protocole d’entente et une compensation de 1 M$ en dommages et intérêts, notamment pour les sommes non reçues.

« Depuis le 23 juillet 2015, la Chambre a cessé tout versement monétaire. […] Depuis le 31 mars jusqu’à ce jour, le total [des sommes dues] a grimpé à 218 035 $ », mentionne M. Grégoire.

Selon lui, la raison évoquée par la CSF pour retenir ces sommes serait liée à la reddition de compte que doit effectuer le Conseil auprès de la Chambre. Il affirme avoir pourtant invité maintes fois la CSF à une rencontre à ce sujet, sans qu’elle ne se tienne.

De plus, une reddition de compte implique nécessairement des états financiers vérifiés, qui n’étaient pas disponibles avant aujourd’hui.

« Nos vérificateurs étaient […] encore en attente de la part de la Chambre de certaines précisions, entre autres sur la comptabilisation des TPS/TVQ, précise Mario Grégoire. Maintenant que nos états financiers sont déposés, cette question devrait se régler bientôt. »

En septembre, la Chambre confirmait à Conseiller ne pas avoir versé les montants prévus pour 2016, le protocole le permettant dans certaines circonstances. Elle n’avait pas voulu préciser lesquelles en raison du différend avec le CDPSF.

ET MAINTENANT?

Comment le CDPSF compte-t-il survivre une fois le dernier versement de la Chambre effectué en 2017?

Car des dépenses sont d’ores et déjà engagées, constate-t-on à la lecture des états financiers, notamment pour la location d’un photocopieur, des ententes de solution en ligne et des services de téléphonie, le tout à hauteur de 116 311 $ pour 2017. Quelque 3 161 $ devront également être versés en 2018.

Le Conseil assure travailler sur divers projets pour assurer sa pérennité, sans vouloir les détailler davantage pour le moment.

« Le plan d’affaires repose sur une période de 36 mois comme le protocole avec la Chambre. […] Les résultats présentés le sont pour une période qui en couvre 18. Le travail se poursuit », indique M. Grégoire, qui compte sur ces 18 mois restants pour atteindre l’autonomie financière vis-à-vis de la Chambre.

Le plan d’affaires du CDPSF, dont le contenu a été réalisé aux trois quarts, repose toutefois sur l’adhésion des 32 000 membres de la Chambre au Conseil, ce qui n’est pas le cas actuellement. Il en compte plutôt 4 414, dont 741 membres privilégiés, les seuls à apparaître sur le site web de l’organisation. Cette visibilité est en effet l’un des avantages à souscrire comme membre privilégié.

« Compte tenu des lois applicables en matière de protection des renseignements personnels, nous n’avons pas accès aux coordonnées des 32 000 membres de la Chambre », explique le DG du Conseil.

En plus de tournées régionales effectuées en 2014 et 2015 (ainsi que sa tournée sur la retraite actuellement en cours), le CDPSF tente donc de développer ses liens avec les organisations de l’industrie (cabinets, fournisseurs de services, etc.) pour qu’ils transmettent à leurs conseillers des informations sur ses activités. Son site web sera également bonifié.

Aux dires de M. Grégoire, personne n’a posé de question sur le conflit avec la CSF, ni n’a semblé inquiet pour l’avenir du CDPSF lors de l’assemblée spéciale de lundi, où les états financiers ont été déposés devant une trentaine de participants.

« Les gens ont confiance envers le plan du Conseil », affirme-t-il.

MISER SUR LA RÉVISION DE LA LOI 188

Le CDPSF craint de perdre sa principale source de financement dans la révision de la Loi sur la distribution de produits et services financiers (loi 188) advenant une abolition de la CSF, indiquent les états financiers. La formation semble au cœur de sa stratégie pour atteindre l’autonomie financière.

« Dans une lettre en août 2016, le Conseil a revendiqué la responsabilité de la formation continue, dans l’esprit de la révision de la Loi 188, peut-on y lire. La Chambre a considéré cette lettre comme un manquement au protocole d’entente, demande la résiliation de son protocole d’entente avec le Conseil et demande la restitution de l’intégralité de sa contribution versée à ce jour, ce qui représente au 31 mars 2016 un montant de 1 127 568 $. »

Malgré que le CDPSF conteste les affirmations de la CSF, toutes ces incertitudes jettent un doute sur sa capacité à poursuivre ses activités, note Deloitte.

« Si la Chambre est appelée à disparaître, le CDPSF revendiquera la formation continue telle que cela se faisait à l’époque de l’AIAPQ [Association des intermédiaires en assurances de personnes du Québec] », explique Mario Grégoire.

« Si elle demeure […] comme organisme réglementaire, il serait difficile pour la Chambre de s’impliquer directement dans des programmes de formation tout en jouant le rôle disciplinaire. C’est justement ce constat de fait qui a amené la migration […], d’où la création du CDPSF. […] Afin d’éviter toute confusion, le développement professionnel devrait être attribué au CDPSF », selon le point de vue du directeur général du CDPSF.

Déjà, les formations du CDPSF couvrent tous les UFC dont les conseillers ont besoin pour la période 2015-2017.

Reste à voir dans 18 mois si tous ces efforts auront porté leurs fruits.

Le chemin parcouru

Malgré le travail qui reste à abattre, plusieurs jalons du plan d’affaires du CDPSF ont déjà été franchis :

  • Mise en place d’un régime d’assurance collective
  • Mise en place d’un programme d’assurance responsabilité professionnelle
  • Mise en place d’un programme d’assurance générale
  • Programme de formation continue dans toutes les régions du Québec :
    • Réalisation d’une tournée provinciale de sensibilisation sur la lutte au blanchiment d’argent en 2015
    • Début d’une tournée avec la formation MRCC2
    • Tournée provinciale en épargne collective
    • Tournée provinciale en assurance de personne et fiscalité
    • Début de tournée avec les formations sur le plan de vérification préventive UNITÉ 10
    • Actuellement en tournée sur la retraite à propos de l’assurance collective et l’épargne collective
    • Une autre tournée débutera avec la Great-West pour offrir des formations en assurance collective.
  • Bureautique et numérique : partenariat avec iGENY, Scan Squad
  • Site web
  • Programme de formation en ligne
  • Capsules vidéo
  • Applications web : développement de l’outil d’indice de santé financière et d’une application « Centrale du Conseiller »
  • Infolettre
  • Présence en kiosque au Congrès de l’assurance et de l’investissement (2015 et 2016)
  • Colloque annuel en mai 2016 (celui prévu en 2014 a été reporté afin de participer à l’assemblée générale de la Chambre)
  • Tournée provinciale de promotion du CDPSF d’octobre 2014 à ce jour.

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