Le mandat en cas d’inaptitude gagne en popularité

Par La rédaction | 22 juin 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Plus de 2,8 millions de Québécois, soit environ 40 % de la population adulte, ont préparé leur mandat de protection en cas d’inaptitude, révèle un sondage publié hier par le Curateur public du Québec.

Il s’agit d’une hausse de 6 % par rapport aux précédentes enquêtes d’opinion de 2010 et 2006, précise l’organisme dans un communiqué.

« C’est une bonne nouvelle, y déclare Normand Jutras, curateur public du Québec. Bien que le testament et le mandat de protection soient tous les deux importants, il est troublant d’observer que les Québécois se préoccupent davantage du sort de leurs biens après leur mort que de ce qu’il leur arrivera ainsi qu’à leur patrimoine advenant une période d’inaptitude. »

PRÉVENTION ET SIMPLICITÉ DE GESTION

Le sondage indique que 58 % des répondants ont rédigé un testament, tandis que 42 % détiennent un mandat, qui permet à une personne de préciser ses volontés en cas d’inaptitude et de désigner un ou des proches pour prendre soin d’elle et de ses biens.

Parmi ceux qui possèdent un tel document, environ deux sur 10 ont agi pour des raisons de prévention (23 %) et de simplicité de gestion (21 %). Seule un peu plus d’une personne sur 10 évoque la possibilité de devenir un jour inapte (14 %) ou mentionne le fait qu’elle pourrait être à risque (13 %).

L’enquête montre également que près du quart des répondants (23 %) ont préparé leur mandat depuis deux années ou moins, tandis que 25 % l’ont fait depuis plus de six ans. Une proportion identique le possède depuis plus de 10 ans, des délais que la notaire fiscaliste Me Caroline Marion juge trop importants (voir encadré).

LE CONJOINT OU LES ENFANTS D’ABORD

Seuls 10 % des sondés reconnaissent l’avoir modifié par rapport à sa version initiale, le plus souvent (dans près de 24 % des cas) à la suite d’une séparation ou d’un divorce.

En ce qui concerne le choix du mandataire (ou remplaçant), un peu moins d’un répondant sur deux (43 %) a opté pour son conjoint ou l’un de ses enfants (42 %). Dans presque tous les cas (97 %), les mandataires sont informés de la situation.

La plupart des personnes interrogées (84,5 %) indiquent s’être référées à un notaire pour faire préparer ce document. Seule une minorité (14 %) a décidé de le rédiger elle-même en présence de témoins. À noter que 89 % d’entre elles l’ont fait en même temps que leur testament.

HUIT MYTHES DÉBOULONNÉS

Le sondage déboulonne par ailleurs huit mythes face à l’inaptitude, notamment celui voulant que la société soit de plus en plus individualiste. En effet, pas moins de 87 % des sondés disent qu’ils effectueraient les démarches pour obtenir l’autorisation d’agir au nom d’un de leurs proches s’il devenait inapte.

Enfin, l’enquête recense cinq attitudes types face au mandat, allant de l’indifférence complète au « bon élève » qui a « mis toutes les chances de son côté pour que ses volontés soient respectées » en cas de problème.

Si le Curateur public se félicite « de la prévoyance dont ont fait preuve de nombreux Québécois », il juge néanmoins que « certaines attitudes face au mandat demeurent inquiétantes ».

« L’INAPTITUDE N’A PAS D’ÂGE »

« Un répondant sur quatre affirme qu’il fera son mandat, mais pas dans les 12 prochains mois, déplore Normand Jutras. C’est un risque qu’il ne faut pas courir. Mieux vaut mettre sur papier ses volontés et ses souhaits quand on est jeune et en santé. »

« L’inaptitude n’a pas d’âge, conclut-il. Personne n’est à l’abri d’un accident ou d’un traumatisme crânien. Malheureusement, les plus jeunes semblent ne pas se sentir concernés, puisque seuls 14 % des 18 à 34 ans sont dotés d’un mandat. »

Le sondage a été effectué au téléphone par la firme BIP en décembre dernier auprès d’un échantillon représentatif de la population adulte québécoise de 1 000 personnes. Le taux de réponse a été de 43,5 % et la marge d’erreur de ±3,1 %, 19 fois sur 20. À noter que les résultats ont été pondérés selon le sexe, l’âge, la région administrative et la langue maternelle.

Le Curateur public du Québec en bref

Créé il y a 71 ans, le Curateur public veille sur plus de 42 500 adultes québécois qui bénéficient de mesures de protection, dont 13 495 personnes déclarées inaptes à s’occuper d’elles-mêmes ou de leurs biens et qui sont sous régime public.

Au total, 17 354 personnes sont sous un régime de protection privé et 12 382 mandats ont été homologués.

L’opinion d’une spécialiste

Interrogée par Conseiller, Me Caroline Marion avoue d’emblée être « agréablement surprise du nombre élevé de gens qui consultent un notaire pour la rédaction de leur mandat ».

« C’est très positif, car un acte notarié sera toujours plus détaillé et personnalisé que n’importe quel formulaire en ligne, même si celui du Curateur public est excellent. »

Cette notaire fiscaliste, planificatrice financière et mentor à l’IQPF se dit également satisfaite « du bon niveau de connaissance des répondants québécois, notamment lorsqu’ils sont au courant que seul un tribunal possède l’autorité de le faire entrer en vigueur ».

« Il FAUT PENSER AUX ENFANTS EN BAS ÂGE »

« En revanche, poursuit-elle, je suis surprise par le nombre élevé de parents qui ont des enfants en bas âge et qui n’ont pas fait rédiger ce document. Ils auraient pourtant tout intérêt à le faire, notamment lorsque leurs enfants souffrent de handicaps, par exemple, car dans ce cas, il y a des clauses particulières qui peuvent être insérées. »

Par ailleurs, Me Marion juge trop élevée la proportion de mandats rédigés il y a plus de cinq ans. « Il y a un risque qu’il ne soit plus à jour, notamment par rapport aux remplaçants qui peuvent avoir disparu, surtout s’ils appartiennent à la même génération que l’intéressé », estime-t-elle.

MIEUX VAUT AVOIR PLUSIEURS REMPLAÇANTS

« Souvent, les gens nomment un ami ou un conjoint d’âge similaire sans penser à choisir quelqu’un de plus jeune, qui serait moins à risque de devenir inapte avant eux. Il faut aussi penser à choisir au minimum deux mandataires, et si possible trois, car si le premier n’est plus en mesure d’agir et le deuxième non plus, le mandat perd sa validité. »

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