Le modèle d’affaires des banques remis en question

Par Pierre-Luc Trudel | 26 mai 2015 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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Les nouvelles réglementations imposées par les États pour stabiliser le système financier mondial depuis la crise de 2008 forceront les institutions financières à revoir leur modèle d’affaires, soutient Claude Bergeron, premier vice-président et chef de la Direction des risques à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

« Nous sommes à une époque historique pour la réglementation du système financier », a-t-il affirmé lors du Congrès annuel de l’Association des économistes québécois (ASDEQ), vendredi dernier à Montréal.

Au Canada comme à l’étranger, les gouvernements travaillent à l’élaboration de nouvelles législations pour augmenter la résilience des banques et éviter que celles-ci aient à être renflouées par les contribuables lors de crises financières. Mais ce nouveau cadre réglementaire qui vise à mettre fin au « too big to fail » ne sera pas sans conséquence sur les activités des institutions financières, selon M. Bergeron.

Pour être en mesure de mieux faire face à d’éventuels chocs sur les marchés, les banques devront par exemple augmenter leurs fonds propres, ce qui les forcera à faire des choix.

« Elles se concentreront dans les activités qui sont les plus rentables et augmenteront leurs frais. Il y aura aussi un phénomène de concentration des joueurs. C’est tout le modèle d’affaires des banques qui sera remis en question », a expliqué Claude Bergeron. Ce nouveau contexte réglementaire aura aussi pour effet de déplacer les risques vers les chambres de compensation et les investisseurs.

Sur les marchés, l’augmentation des fonds propres détenus par les banques causera une hausse de la demande pour les titres liquides de qualité, particulièrement les obligations. Puisque les institutions financières devront conserver une plus grande proportion de ces titres, il y aura moins de liquidité sur les marchés, selon M. Bergeron, qui ajoute qu’une volatilité accrue de même que des délais plus longs pour exécuter les transactions sont également à prévoir.

Mais selon lui, l’efficacité de toutes ces mesures ne pourra être validée que lors d’un véritable choc financier. « Avons-nous tiré suffisamment de leçons de 2008 pour créer un système financier plus résilient? Seule la prochaine crise nous le dira. »

Les règles strictes, la solution?

Plus tôt dans la journée, Philipe-A. Sarrazin, directeur général du groupe de la législation et des initiatives stratégiques au Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), avait affirmé que la mise en place de règles trop rigides pouvait avoir des effets pervers sur l’efficacité réelle de la législation. « Les règles trop rigides ont pour effet d’éliminer le jugement. Les banques ont tendance à se coller aux limites imposées sans raison. »

C’est pourquoi le BSIF privilégie un cadre réglementaire basé sur des principes, et non sur des règles parfois trop précises. « Plus une règle est claire, plus elle est facile à contourner », a-t-il ajouté.

De son côté, Gilles Leclerc, surintendant des marchés de valeurs à l’Autorité des marchés financiers (AMF), a énuméré quelques enjeux liés à l’implantation de nouvelles réglementations dans le secteur financier. « On doit être capable de générer de la confiance dans les marchés, surtout quand la situation est plus difficile », a-t-il mentionné.

Pour y arriver, les différentes instances réglementaires doivent trouver l’équilibre pour mettre en place un encadrement rigoureux tout en permettant le développement des marchés.

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Pierre-Luc Trudel