Le risque avec les marchés émergents… c’est de les ignorer

Par Vikram Barhat | 11 novembre 2011 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
4 minutes de lecture

Investir dans les marchés émergents est intrinsèquement risqué, mais renoncer aux occasions d’investissement qu’ils représentent pourrait s’avérer encore plus risqué, surtout à une époque où la croissance des pays développés patauge, stagne ou plonge.

Des professionnels parmi les plus brillants du monde financier ont récemment plaidé en faveur de l’investissement dans les marchés émergents à la CFA Institute Conference, qui se tenait à Boston.

Intitulée Fixed-income Management 2011 – The Search for Safety and Value (Gestion des revenus fixes 2011 – La recherche de sécurité et de valeur), cette conférence se voulait un lieu d’échange et d’approfondissement sur les marchés actuels – où l’incertitude représente la seule constante.

La crise financière de 2008 a en effet défié toutes les normes et tous les paradigmes du comportement des marchés. Cela a modifié le monde tel que nous le connaissions, a résumé Roberto Rigobon, chargé de cours en économie appliquée au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

« Les capitaux circulent généralement de pays qui n’ont pas de problèmes économiques vers des pays qui en ont, a-t-il dit. Mais la récente crise s’est avérée extraordinaire parce qu’aucun pays n’a été épargné. C’est pourquoi en sortir se fait de façon chaotique. »

Cela a ainsi créé un monde à deux vitesses, où certains pays s’en sont sortis très rapidement – principalement les marchés émergents comme la Chine ou le Brésil. « En fait, la crise au Brésil a duré deux mois. Le temps d’un hoquet. La crise au Danemark, elle, n’a duré qu’une semaine. »

À l’opposé, d’autres pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis ont réussi à récupérer, mais sur la durée. « Sur papier, du moins, les PIB de ces pays semblent avoir repris des forces », précise M. Rigobon.

Ce rétablissement inégal a ses conséquences. « Je les appelle les incohérences internationales; il y a des pays qui ont commencé à augmenter les taux d’intérêt, tandis que d’autres pressent toujours leur économie, en espérant que l’un des secteurs finira par livrer la marchandise », illustre M. Rigobon.

Alors, où se réfugier? « Il n’y a pas de refuge, puisqu’aucun pays n’a été épargné par la crise; tout le monde cherche le moindre petit bénéfice, dit-il. Au lieu de circuler de pays où les taux d’intérêt sont élevés vers des États où les taux sont plus faibles en quête d’occasions d’investir, les capitaux mettent le cap sur les pays en plein essor. »

Ce déséquilibre, explique-t-il, met de la pression sur le système financier international. « L’économie mondiale est comme un ensemble de tuyaux, et les politiques économiques sont les barrières qui régulent le flux des capitaux dans ces tuyaux, illustre-t-il. Certains États tentent de forcer ces barrières, alors que d’autres font le contraire. Cela entraîne une charge sur le système. »

C’est cette disparité de l’économie mondiale qui a causé le découplage des économies émergentes. Les marchés émergents offrent une bonne croissance et les clients devraient y investir, réaffirme Daniel Fuss, vice-président de Loomis, Sayles &Co. « Je pense que les possibilités sont énormes, mais qu’elles viennent avec une part de risque parfois trop et parfois pas assez négligée. »

Qu’on le veuille ou non, les investisseurs ne peuvent profiter de ces occasions sans risque, renchérit Vinay Pande, directeur des placements, recherche sur les marchés mondiaux à la Deutsche Bank.

« Le monde de demain sera un monde où la croissance réelle sera moindre [et cette croissance] proviendra en grande majorité des marchés émergents, estime Vinay Pande. À plus long terme, les actifs à rendement les plus performants que l’on pourra trouver seront sûrement issus des marchés émergents et libellés en devises étrangères. » Il suggère donc aux conseillers « d’aller à la source de ce qui va entraîner une appréciation du taux de change dans les marchés émergents, en particulier l’appréciation réelle, qui se trouvera de plus en plus dans les matières premières au cours des prochaines années».

D’un point de vue historique, M. Pande explique que les marchés émergents sont à se sortir de l’immense fossé creusé ces 300 dernières années. Ils sont partis d’une proportion globale de 50 % à 60 % du PIB mondial pour se retrouver à un maigre 5 %. « Remonter une telle pente comporte des occasions réelles d’investissement. »

La proportion du PIB mondial que représentent les marchés émergents est désormais plus grande que celle des pays développés, affirment les experts. Les portefeuilles d’investissement vont devoir commencer à représenter cette réalité un jour.

Cet article est tiré de l’édition de novembre du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.

Vikram Barhat