Les agents de l’ARC pas toujours fiables

Par La rédaction | 23 novembre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Joindre au téléphone un employé de l’Agence du revenu du Canada (ARC) est de plus en plus difficile et l’information fournie est souvent inexacte, dénonce un rapport publié mardi par le vérificateur général du Canada.

Intitulé Les centres d’appels de l’Agence du revenu du Canada, ce document résume les conclusions d’un audit destiné à « déterminer si les centres d’appels de l’ARC ont fourni aux contribuables canadiens un accès à des renseignements exacts en temps opportun » du 1er avril 2012 au 31 mars dernier.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le constat n’est pas reluisant. « Dans l’ensemble, nous avons constaté que l’Agence avait fourni aux contribuables un accès très limité aux services de ses centres d’appels, que ce soit à son système de libre-service automatisé ou à ses agents », annonce d’emblée le vérificateur général, Michael Ferguson.

PLUS DE LA MOITIÉ DES APPELS BLOQUÉS…

En raison d’un nombre d’appels beaucoup trop élevé, les employés de l’Agence n’ont répondu qu’à environ un tiers d’entre eux, tandis que l’ARC bloquait « plus de la moitié » des appels reçus, soit plus de 29 millions, relève le vérificateur. Celui-ci précise que les appels bloqués sont ceux qui n’ont pas été transférés à un agent ni au système de libre-service automatisé.

En moyenne, chaque appelant a effectué trois ou quatre tentatives d’appel par semaine. Or, même après plusieurs essais, certains n’ont pas réussi à joindre un agent ni le système de libre-service, note le rapport. Un constat important, souligne-t-il, puisque « les contribuables doivent obtenir des renseignements exacts en temps opportun pour pouvoir préparer leurs déclarations fiscales et s’assurer que le montant des prestations auxquelles ils ont droit est exact ». De plus, ajoute le rapport, « pour les appelants qui n’ont pas accès à Internet, les centres d’appels pourraient être le seul moyen d’obtenir des renseignements ».

Entre mars 2016 et mars 2017, l’Agence n’a par exemple répondu qu’à 36 % des appels : 32 % d’entre eux ont été pris par un employé et 4 % ont été traités par son système automatisé et ont duré au moins une minute. Le reste des appels, soit 64 %, sont restés sans réponse : 54 % ont été bloqués, c’est-à-dire qu’ils se sont terminés sur la tonalité d’occupation ou sur un message invitant le contribuable à consulter le site web de l’Agence ou à rappeler plus tard, tandis que 10 % ont été acheminés au système de libre-service automatisé, mais l’appelant a dans ce cas raccroché en moins d’une minute.

ET PRÈS D’UN TIERS DE MAUVAISES RÉPONSES

Le vérificateur général pointe par ailleurs le fait que les contribuables qui parviennent à parler avec un préposé reçoivent souvent de leur part une information de mauvaise qualité. « Les agents des centres d’appels qui ont répondu à nos questions fiscales nous ont donné des renseignements erronés dans près de 30 % des cas », déplore-t-il. Selon lui, ce taux élevé s’expliquerait en partie « par les lacunes dans la formation des agents, et aussi par le fait que ceux-ci doivent consulter un trop grand nombre d’applications différentes pour trouver les réponses ».

Le problème est que cette lacune peut avoir de lourdes conséquences pour les particuliers, insiste le vérificateur. En effet, comme « l’Agence s’est engagée à communiquer des renseignements exacts aux contribuables », les appelants présument que c’est le cas des renseignements qui leur sont fournis. Par conséquent, certains d’entre eux « pourraient être amenés à payer trop ou pas assez d’impôts, et ensuite faire l’objet de nouvelles cotisations ou déposer des oppositions; de plus, certains pourraient ne pas bénéficier des prestations auxquelles ils ont droit ».

Pour corriger le tir, l’ARC aurait besoin de connaître le pourcentage exact de réponses erronées données par ses agents et utiliser cette information pour améliorer leur formation ainsi que les renseignements mis à leur disposition, insiste le rapport. Malheureusement, ajoute-t-il, c’est loin d’être le cas : « Nous avons constaté que le Programme national d’apprentissage de la qualité et de l’exactitude de l’Agence ne testait pas l’exactitude des réponses des agents (…) de manière indépendante ni efficace. Les résultats des tests n’étaient donc pas fiables. Dans la plupart des cas, par exemple, les agents savaient que l’appel en cours était surveillé, ce qui peut les avoir incités à modifier leur comportement pour améliorer leur rendement. » Conclusion du vérificateur : le taux réel d’erreurs est « considérablement plus élevé » que celui admis par la direction de l’ARC.

« DE NOMBREUSES AMÉLIORATIONS EN 2018 »

Saluant les recommandations du vérificateur général, qui « permettront de faire les rajustements nécessaires », la ministre du Revenu national a publié mardi un communiqué dans lequel elle indique avoir élaboré « un plan d’action en trois points afin de moderniser [les] centres d’appels », en mettant l’accent « sur la technologie, la formation des agents et la mise à jour des normes de service ».

« Dès 2018, nos clients constateront de nombreuses améliorations lorsque nous déploierons une nouvelle plateforme téléphonique dans nos centres d’appels. Cette plateforme facilitera la communication avec les agents et informera les appelants des délais d’attente. De plus, une nouvelle équipe nationale de contrôle de la qualité sera mise en place afin d’améliorer la formation et les outils offerts aux agents. Enfin, nous mettrons nos normes de service à jour afin de fournir aux Canadiens des renseignements clairs et transparents sur l’expérience de service que nous nous efforçons de leur offrir dans nos centres d’appels », détaille la ministre, Diane Lebouthillier.

Pour sa part, le Syndicat des employé-e-s de l’Impôt, qui représente quelque 25 000 employés travaillant à l’ARC, affirme lui aussi « accueillir favorablement les résultats du rapport » et « être d’accord avec ses conclusions et ses recommandations ». Dans un communiqué, le SEI rappelle que « depuis un certain nombre d’années, il préconise que l’Agence offre une formation plus complète et de meilleure qualité aux agents de ses centres d’appels afin de fournir des services d’excellente qualité » à l’ensemble des contribuables.

LES RECOMMANDATIONS

Dans son rapport, le vérificateur général estime que l’ARC devrait notamment :

  • « revoir sa gestion des appels entrants afin d’améliorer l’accès en envisageant diverses pratiques, comme augmenter le temps maximum d’attente pour parler à un agent »;
  • « envisager de donner aux appelants de l’information sur les temps d’attente pour joindre un agent afin qu’ils puissent décider s’ils veulent patienter, utiliser les options de libre-service comme le site web ou rappeler plus tard »;
  • « revoir ses pratiques d’assurance qualité pour obtenir des résultats d’une plus grande efficacité en vue d’améliorer l’exactitude des réponses, de recenser les possibilités d’amélioration continue, d’identifier les besoins en matière de formation et de faire un suivi à cet égard ».

Trop d’appels, pas assez de moyens

Le rapport du vérificateur général indique que les appels aux centres téléphoniques de l’ARC ont augmenté de 27% entre 2012 et 2017. Durant cette période, le plus grand nombre d’appels a été enregistré au cours de l’exercice 2015-2016, « probablement en raison des modifications apportées aux lois fiscales, notamment l’Allocation canadienne pour enfants », précise-t-il.

Pour tenter de faire face à cet afflux de demandes, l’Agence a augmenté de 23% le nombre moyen de ses agents en l’espace de cinq ans. Résultat: celui-ci est passé de 2022 en 2012 à 2482 cette année. Malgré ces ressources supplémentaires, le vérificateur dit avoir constaté que 68% des appels n’étaient pas parvenus à un agent au cours de l’exercice 2016-2017.

Le nombre de plaintes est en hausse

Le Bureau de l’ombudsman des contribuables a publié hier son Rapport annuel 2016-2017, dont le thème est « Équité: un droit, pas un privilège ». On y découvre notamment que durant cette période, l’institution a reçu 1490 plaintes individuelles, soit une hausse de 5% par rapport à l’exercice précédent.

Les motifs les plus fréquents concernaient, dans l’ordre: le manque d’uniformité ou l’inexactitude des renseignements fournis par l’Agence (24%); des problèmes liés aux programmes de recouvrement des dettes (14%); des retards dans le traitement des déclarations de revenus et de prestations (10%); des difficultés avec les exigences de l’ARC quant à la présentation de preuves d’admissibilité à l’Allocation canadienne pour enfants (10%); des difficultés à joindre les préposés par téléphone (7%); et des retards dans le traitement des demandes de redressement T1 (6%).

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