Les femmes doivent déployer plus d’efforts

Par La rédaction | 12 mars 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Échelle où trône un homme, suivi de près par un autre, et une femme bloquée tout au bas.
Photo : sudowoodo / 123RF

Si les effectifs dans le secteur de la finance et du conseil sont aujourd’hui « relativement mixtes » au bas de l’échelle, les femmes disparaissent à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie, constate Le Monde.

Dans son édition de lundi, le quotidien français déplore ce phénomène et se questionne sur son origine. Pour tenter d’avoir une réponse, il interroge notamment une sociologue, Isabel Boni-Le Goff, enseignante-chercheuse à l’Université de Lausanne (Suisse). Selon cette spécialiste du secteur du conseil, grimper les échelons dans cet univers extrêmement concurrentiel est particulièrement difficile pour une femme, contrainte, si elle veut « réussir », à déployer plus d’efforts que ses homologues masculins.

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« Face à une double injonction [être à la fois compétent et capable de construire une relation intime avec le client], les consultantes doivent faire un effort spécifique pour que le cadre de l’interaction soit le plus maîtrisé possible, pour neutraliser le genre. Cela passe par l’apparence physique, vestimentaire, la manière dont elles parlent et se tiennent… », explique la sociologue. Celle-ci juge que, « au bout de cinq ans de carrière », ce type d’attitude engendre une « succession de petites épreuves quotidiennes », qui s’accumulent et constituent « un poison sur la durée ».

« LE FAIT D’ÊTRE UN HOMME REPRÉSENTE UN ATOUT »

Dans l’univers de la finance, le fait d’être un homme représente en outre un atout en termes de légitimité, estime pour sa part Valérie Boussard, professeure de sociologie à l’Université Paris-Nanterre. « Les compétences qui comptent sont celles dites masculines, valorisées par les hommes et un milieu bourgeois : la capacité à manier les chiffres, le calcul, la rapidité d’exécution, la compétitivité, l’agressivité, l’ego, une grande confiance en soi. Je ne veux pas dire que seuls les hommes ont ces traits, mais ils sont socialement construits comme masculins, donc on va considérer que les femmes y sont moins bonnes », analyse la chercheuse.

Cette dernière ajoute que certaines des « épreuves » que subissent les femmes sont également d’ordre organisationnel, puisque les personnes qui travaillent dans les secteurs de la finance et du conseil doivent souvent être disponibles tard et êtres mobiles géographiquement, ce qui pose problème en cas de maternité, par exemple.

Si l’on en croit Le Monde, la cooptation et la réputation constituent un autre frein à la progression des femmes dans la hiérarchie des institutions financières et sociétés de conseil. Interrogée par le journal, une trentenaire qui est analyste en gestion d’actif décrit ce phénomène. « On a l’impression que des juniors ont des relations privilégiées avec des seniors parce qu’ils vont boire un verre après le travail, ou parlent de foot, de rugby, de golf ou de course à pied. Moi, je suis très sportive, j’ai des choses à dire qui pourraient intéresser mes chefs, mais ils en parlent beaucoup plus avec les hommes qu’avec moi. Et ensuite, ils se font monter entre eux, parce qu’ils ont réussi à créer cette relation un peu informelle », déplore-t-elle.

LES DIRIGEANTES N’ONT SOUVENT PAS D’ENFANT

Le Monde relève par ailleurs que lorsqu’une femme parvient à atteindre un poste à la haute direction d’une institution financière, c’est parce qu’elle s’est pliée à certaines normes. « Elle adopte des comportements vus comme masculins, soit une capacité à entrer dans des rapports conflictuels, de bataille, une attitude physique spécifique ou un vocabulaire dur », détaille Valérie Boussard. La sociologue insiste également sur le fait que les femmes installées en haut de la hiérarchie n’ont souvent pas d’enfant ou ont la chance d’avoir un conjoint qui peut s’en occuper.

Aujourd’hui, note cependant le journal, les entreprises du secteur se penchent de plus en plus sur ces questions, à la fois parce qu’elles ont bien compris qu’autrement elles risquaient de se priver de certains talents, mais aussi pour une question d’image. « La parité, c’est un critère pour attirer les jeunes cadres, et nous ne pouvons plus arriver devant nos clients avec des équipes majoritairement composées d’hommes. Nous nous devons de ressembler à la société qui nous entoure », conclut Laure Châtillon, associée et responsable de la diversité à PwC France.

La rédaction