Les gagnants de la pandémie vont-ils le rester au-delà?

Par Chase Bethel, CFA | 5 mai 2021 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
4 minutes de lecture
Marché boursier et COVID-19
Photo : wildpixel / iStock

Parmi les nouvelles habitudes de consommation, certaines sont là pour rester et d’autres pas, note Chase Bethel, analyste spécialisé en biens de consommation et en télécommunications à Gestion d’actifs CIBC.

Cliquez ici pour entendre l’entrevue complète en baladodiffusion sur Gestionnaires en direct, de la CIBC

Selon lui, les trois grandes tendances observées chez les consommateurs depuis l’arrivée de la COVID-19 sont :

  • une répartition inégale des dépenses,
  • la priorité au chez-soi,
  • et la transition au commerce électronique.

« La répartition des dépenses a plusieurs dimensions. Il y a d’abord la taille : les grands détaillants s’en sont généralement mieux tirés que les petits, en partie grâce à leur capacité d’investir dans le commerce électronique, et aussi sous l’effet de certaines politiques gouvernementales. Et puis il y a les catégories d’achats : certaines sont devenues moins accessibles », observe Chase Bethel.

Chez nos voisins du Sud, l’expert estime entre 500 et 800 milliards le montant des dépenses qui se sont déplacées de certaines catégories vers d’autres. Ainsi, les chiffres de juin à décembre 2020 indiquent une chute de presque 20 % des ventes de vêtements et d’accessoires, tandis que les ventes en rénovation, jardinage, plein air, sports et loisirs ont connu une explosion inversement proportionnelle. Ce qui nous amène à la tendance de la « priorité au chez-soi ».

« Contrairement aux crises du passé, cette pandémie a eu un effet sur l’importance du chez-soi, qui sert désormais à de multiples usages, entre le télétravail et le soin des enfants ou autres personnes à charge à la maison », dit Chase Bethel.

« Les consommateurs ont notamment été très actifs dans le bricolage, et ont repoussé à plus tard les gros projets de rénovation qui nécessitent la venue de professionnels. Quant au plein air, les gens ont voulu s’échapper dans les sentiers, routes et cours d’eau qui leur sont disponibles, en achetant les équipements nécessaires. Cela inclut des engins motorisés comme les motomarines, véhicules récréatifs et autres véhicules tout terrain. L’enjeu de ces secteurs n’est plus d’avoir de la demande, mais de réussir à y répondre ! », poursuit-il.

Les dépenses en ligne ont augmenté comme chacun sait, mais chez une proportion croissante de détaillants qui n’exploite pas de boutique dans le monde réel. Leur pénétration du marché, déjà bien avancée avant la pandémie, s’est poursuivie deux fois plus rapidement en 2020 relativement aux données historiques.

« Non seulement les consommateurs ont davantage dépensé dans des catégories qui connaissaient déjà une croissance en ligne, mais ils ont commencé à donner la permission aux épiciers et autres boutiques d’alimentation de les approvisionner à distance. À nos yeux, l’épicerie est la dernière frontière du commerce électronique, et la croissance de ses ventes en ligne indique un vent de changement chez les consommateurs », affirme Chase Bethel.

Il cite une étude récente de C.H. Robinson selon laquelle 54 % des Américains ont acheté des aliments frais en ligne pour la première fois depuis le début de la crise, et sept sur dix d’entre eux ont l’intention de continuer à le faire une fois la pandémie passée.

Les campagnes de vaccination vont-elles à nouveau bouleverser les habitudes de consommation ? La question est « très importante », selon Chase Bethel.

« On peut raisonner qu’à mesure que la mobilité des gens s’améliore, leurs dépenses vont revenir chez les petits détaillants et dans les catégories qu’ils avaient délaissées comme les voyages, les restaurants, les salles de cinéma et les salons de coiffure. Mais les marchés, qui sont des machines d’anticipation, reflètent-ils un tel phénomène ? Il y a une grande demande refoulée pour ce type d’activités, mais est-ce que la qualité de leur expérience sera suffisante pour que les consommateurs s’y adonnent autant que par le passé ? », s’interroge l’expert.

Une autre question encore plus importante, d’après lui, est de savoir quels secteurs ont vu leur marché potentiel s’élargir durablement et lesquels ont simplement profité des effets provisoires de la COVID-19. « Autrement dit, subissons-nous cette pandémie depuis assez longtemps pour avoir transformé de façon permanente les habitudes des consommateurs ? »

Il prend l’exemple des sports motorisés, où des noms comme BRP et Polaris ont connu une forte croissance des ventes de motoneiges et motomarines. « Beaucoup de consommateurs n’auraient peut-être pas découvert ce nouvel intérêt sans la pandémie, et à présent qu’ils ont acheté leur jouet à 10000 $, quelle part de leurs prochaines vacances vont-ils passer sur les sentiers et plans d’eaux locaux plutôt que de prendre l’avion pour une destination lointaine ? », illustre Chase Bethel.

« Un autre exemple est Tim Hortons, dont les ventes ont accusé une chute autour des 20 % depuis le passage au télétravail et ont cessé d’emprunter les routes et de se rendre dans les centres urbains. On peut raisonnablement s’attendre à ce que les ventes reprennent avec le retour sur les lieux de travail physiques. Mais combien de jours par semaine allons-nous y retourner ? Allons-nous passer au Tim Hortons ou profiter plutôt d’une cafetière à la maison ? Ces expériences vont-elles prendre plus d’importance dans notre routine ? Et allons-nous plutôt dîner que déjeuner chez Tim Hortons pendant les jours où nous travaillons depuis la maison ? »

Ce texte fait partie du programme Gestionnaires en direct, de la CIBC. Il a été rédigé sans apport du commanditaire.

Chase Bethel, CFA

Analyste des actions, consommation, Gestion de portefeuille et recherche Chase Bethel est membre de l’équipe de recherche sur les actions et est responsable de l’analyse fondamentale du secteur de la consommation en Amérique du Nord. Avant son arrivée à Gestion d’actifs CIBC en 2016, M. Bethel occupait le poste d’analyste de recherche sur les actions à Desjardins Marchés des capitaux et se spécialisait dans les sociétés en situation particulière, y compris certaines sociétés liées au secteur canadien de la consommation. Il a auparavant été analyste en placements institutionnels à Fidelity Investments Canada. M. Bethel est titulaire d’un baccalauréat ès arts, avec spécialisation en administration des affaires de la Richard Ivey School of Business. Il détient également le titre de CFA.