Les grands gestionnaires de fonds ont-ils trop de pouvoir?

Par La rédaction | 13 octobre 2016 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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BlackRock, Vanguard, Fidelity et State Street détiennent, par le truchement de leurs fonds de placements, l’essentiel des grands groupes bancaires aux États-Unis, rapporte Le Temps dans un article publié en début de semaine. Cette concentration du pouvoir est-elle inquiétante?

Ces quatre géants de la finance possèdent à eux seuls 19 % du capital de la première banque américaine, JP Morgan Chase, 17 % de Bank of America et 22 % de Citigroup, entre autres.

Or, l’actionnariat horizontal (horizontal shareholding), c’est-à-dire le fait que plusieurs investisseurs détiennent de fortes participations dans des entreprises de la même branche, risque de réduire la concurrence et de pénaliser ainsi le consommateur, soutient Einer Helhauge, professeur à Harvard, dans une récente étude.

PAS SEULEMENT EN FINANCE

Ce phénomène n’affecte pas seulement le domaine de la finance, mais aussi de nombreux autres secteurs, tels la haute technologie, les compagnies aériennes et la distribution pharmaceutique, notamment. À tel point que certains conseillers économiques de l’administration Obama s’en inquiètent, comme le révèle un document qu’ils ont publié au printemps (Benefits of Competition and Indicators of Market Power).

Pour mesurer le risque de concentration dans un secteur, les experts utilisent l’indice Herfindahl-Hirschmann (HHI), explique Le Temps, qui précise que si celui-ci dépasse la barre des 2500, il y a lieu de s’alarmer. « Or, il atteint par exemple 3200 dans les hôpitaux et 3000 dans la téléphonie mobile », souligne le quotidien.

« Les risques d’un phénomène d’actionnariat horizontal ne sont pas minces », poursuit-il, précisant qu’un trop fort niveau de concentration pourrait se traduire par une augmentation des prix pour les consommateurs.

« Les entreprises appartenant aux mêmes actionnaires n’auraient alors guère d’incitations à réduire les prix puisqu’ils risqueraient potentiellement de baisser leurs propres marges. » Citant Einer Helauge, Le Temps illustre la situation par l’exemple d’une petite ville où se trouveraient deux très bons restaurants appartenant à la même personne. « Quel serait son intérêt de se lancer dans une guerre des prix? » demande le quotidien.

Une autre étude publiée cet été par deux chercheurs américains et un chercheur espagnol parvient à la même conclusion. À cause de l’actionnariat horizontal dans les compagnies aériennes, par exemple, le prix des billets serait ainsi de 3 % à 5 % plus élevé que dans une situation de concurrence « normale ».

MOINS D’INVESTISSEMENTS

Selon Einer Helhauge, l’actionnariat horizontal explique également en partie pourquoi les grandes entreprises américaines investissent moins qu’auparavant dans des projets d’expansion (-10 % par rapport à l’an 2000), préférant accumuler les liquidités et procéder à des rachats d’actions, des hausses de dividendes et des versements de généreux bonus. Son élimination permettrait d’augmenter la production de 6 %, soutient l’économiste.

D’après lui, ce phénomène peut disparaître de deux façons : soit les investisseurs institutionnels renoncent à prendre des participations dans des industries où ils sont déjà actionnaires d’un « poids lourd » du secteur (solution qui a sa préférence), soit ils s’abstiennent d’utiliser leur droit de vote. Reprenant le site spécialisé américain TheStreet, Le Temps conclut que « les géants des fonds de placement pourraient être la prochaine cible des autorités de la concurrence ».

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