Les hauts et les bas des droits successoraux américains

10 novembre 2011 | Dernière mise à jour le 10 novembre 2011
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Les Canadiens sont nombreux à avoir profité de la déflation immobilière aux États-Unis et de l’augmentation du dollar canadien des dernières années pour faire l’acquisition d’une résidence secondaire au soleil.

Savaient-ils cependant qu’un résident canadien qui n’est ni résident, ni citoyen américain et qui détient des biens aux États-Unis peut avoir à respecter certaines exigences américaines en matière de déclaration de revenus des particuliers, en plus d’être assujetti à l’impôt américain sur les successions?

Chez nos voisins du Sud, on parle davantage de taxe sur l’héritage, puisque la succession sera imposée sur la valeur brute totale des biens situés sur leur territoire, contrairement à l’impôt au décès canadien qui s’applique seulement sur la plus-value accumulée au jour du décès. Voilà déjà une différence de taille.

Les droits successoraux américains (DSA) se calculent en fonction d’une échelle progressive qui, jusqu’à tout récemment, pouvait aller jusqu’à 45 % (en 2009) de la valeur brute des biens assujettis. Heureusement, la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis accorde au résident canadien qui n’est pas un citoyen américain un crédit proportionnel équivalent à celui dont bénéficient les Américains. De plus, si des droits successoraux sont néanmoins payables, il sera possible de réclamer (au fédéral seulement) un crédit pour impôts étrangers dans la dernière déclaration de revenus d’un Canadien décédé.

Cette convention prévoyait, jusqu’à tout récemment, un crédit égal au plus élevé des montants suivants :

  • un crédit unifié de 13 000 $US, qui permet de soustraire totalement des DSA une succession comportant des biens situés aux États-Unis dont la valeur est inférieure à 60 000 $US

ou

  • un crédit proportionnel équivalent au crédit global prévu par la législation américaine pour un citoyen des États-Unis, pour l’année du décès, multiplié par la proportion (en valeur toujours) des biens américains sur le montant total des biens de la succession. Plus simplement, le montant du crédit global prévu pour 2009 permettait d’obtenir une exemption totale pour une succession dont la valeur mondiale était inférieure à 3 500 000 $US.

Pourquoi faire aujourd’hui un rappel des règles prévues en 2009?

Retournons momentanément à l’année 2001 où, en vertu de l’Economic Growth and Tax Relief Reconciliation Act, le gouvernement américain prévoyait, d’une part, la diminution progressive du taux marginal d’imposition des DSA partant de 55 % en 2001 pour en arriver à 45 % en 2009, et d’autre part, l’augmentation graduelle du crédit global, de manière à exonérer complètement les successions dont la valeur mondiale était inférieure à 3 500 000 $US en 2009.

De plus, cette règlementation prévoyait, aussi surprenant que cela puisse paraître, l’abolition complète de l’application des DSA pour l’année 2010, et le retour aux anciennes règles de 2001 dès janvier 2011, soit une exemption totale pour une succession mondiale de 1 000 000 $US et moins, et un taux d’imposition marginal applicable de 55 %. Voilà pourquoi vous avez peut-être entendu dire qu’un décès survenu en 2010 pouvait, dans certaines situations particulières, apporter des bénéfices fiscaux.

En fait, depuis 2004, les milieux juridique et financier attendaient une réforme en provenance du Congrès américain, qui devait remédier à cette étrange situation, où les contribuables voyaient fluctuer de manière importante la charge des DSA applicables selon une année ou une autre du décès.

Or, ce n’est que le 17 décembre 2010 que de nouvelles mesures ont été adoptées. Elles ne visent toutefois que trois années : 2010 de façon rétroactive, 2011 et 2012. Nous replongeons donc une fois de plus dans une situation temporaire qui se résume principalement comme suit :

– l’application rétroactive des DSA pour les successions ouvertes en 2010, avec possibilité pour le liquidateur de faire le choix, dans les délais prescrits, de se soumettre aux anciennes règles (donc aucuns droits successoraux payables, mais conservation du coût initial des biens pour les héritiers lors d’une imposition future) ou encore de se prévaloir des nouvelles règles applicables pour les années 2011 et 2012, soit :

  • l’augmentation du crédit global, ce qui exempte ainsi complètement de l’application des DSA toutes les successions canadiennes dont la valeur mondiale est de 5 000 000 $US et moins;
  • la réduction du taux marginal d’imposition des DSA à 35 %, à partir de la première tranche de 500 000 $US et plus.

Cela dit, qu’arrivera-t-il après le 31 décembre 2012? Bien malin qui pourra prétendre planifier à long terme. Serait-ce en raison d’une campagne électorale américaine imminente? On nous souffle à l’oreille que les républicains seraient enclins à abolir cette taxe, alors que les démocrates voudraient bien la conserver.

Dans un tel climat d’incertitude, nous vous recommandons fortement de revoir les planifications successorales de vos clients concernés, de manière à vous assurer de leur pertinence et de leur justesse, à la lumière des nouvelles règles.

En attendant, souhaitons-nous la meilleure des chances, la saga se poursuit…

Sophie Ducharme, notaire, Pl. Fin., vice-présidente, Fiducie et service-conseil, Gestion privée 1859, Trust Banque Nationale.

Cet article est tiré de l’édition de mai du magazine Conseiller. Consultez-le en format PDF.