Les promesses économiques de Trump seront-elles respectées?

Par Kevin Carmichael, Canadian Business | 9 novembre 2016 | Dernière mise à jour le 16 août 2023
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En octobre dernier, la Banque du Canada estimait que l’incertitude entourant l’issue des élections présidentielles américaines poussait les entreprises canadiennes à mettre la pédale douce sur les nouveaux investissements. Les patrons qui agissent ainsi, ai-je alors écrit, sont soit mal conseillés soit carrément peureux.

Oui, Donald Trump a promis de faire voler en éclats l’Accord de libre-échange nord-américain, mais les chances qu’il remplace Barack Obama à la Maison-Blanche étaient alors si minces qu’il n’y avait aucune raison qu’un honnête capitaliste modifie ses pratiques en fonction de cette éventualité.

Les patrons « peureux » ont tout à coup l’air bien avisés en ce lendemain d’élection. D’un point de vue purement économique, la victoire de Donald Trump est un désastre. À court terme, du moins. Le Nobel d’économie Paul Krugman, qui tient une tribune dans le New York Times, va même jusqu’à prédire une récession mondiale. On peut penser que ce fervent critique du Parti républicain, qui a maintes fois exprimé son dégoût pour Trump, a fini par se laisser gagner par le désespoir…

En réalité, à moins d’être un des 59 millions d’électeurs qui ont voté pour Trump le 8 novembre, ou d’être Vladimir Poutine ou encore Russ Girling, PDG de TransCanada, le géant du pipeline, il y a en ce moment peu de raisons de se réjouir. Pour ce qu’il reste de 2016 et pour une bonne partie de 2017, il est impossible de prévoir ce que la première puissance économique mondiale réserve au reste de la planète.

Le scénario optimiste tient en peu de mots. Réglons-le tout de suite : l’autorité d’un président est souvent surestimée, mais Trump aura le pouvoir de donner le feu vert au projet d’oléoduc Keystone XL, piloté par TransCanada. Russ Girling pourrait d’ores et déjà lancer les travaux avant les froids mordants de l’hiver.

Les républicains ont également déjoué les experts en conservant leur majorité au Sénat et leur mainmise sur la Chambre des représentants. Cela pourrait se traduire par une meilleure coopération entre la Maison-Blanche et le Congrès. Les deux souhaitent d’ailleurs diminuer le fardeau des contribuables. Rien, désormais, ne les empêche de le faire. Cela pourrait être une bonne chose pour l’économie, à condition de durcir la lutte aux échappatoires fiscales et de réduire les allégements fiscaux.

Cela dit, peut-on s’attendre à ce que les républicains fassent un usage responsable du pouvoir? La présidence d’Obama s’est souvent trouvée dans l’impasse parce qu’il a voulu profiter trop vite, parfois jusqu’à l’abus, de la victoire déterminante des démocrates aux élections de mi-mandat, en 2010. Lui et les leaders démocrates du Congrès ont remanié le système de santé et les règles financières, tout en adoptant des mesures extraordinaires pour juguler la crise financière.

Les républicains seront eux aussi tentés d’imposer leurs idées, surtout qu’il y a moins de démocrates pour les en empêcher. Leur nouvelle hégémonie pourrait mener à une réforme fiscale, et ils pourraient décider de s’attaquer à l’Obamacare, à la loi Dodd-Frank — réforme adoptée en 2010 pour mieux encadrer le secteur bancaire — ainsi qu’à toutes les réalisations les plus significatives signées Obama. Le Parti démocrate est gravement sonné, mais il a encore assez de force pour perturber les plans des républicains. Et soyez assurés que cela se fera dans le chaos…

Et encore, tout cela est fondé sur l’hypothèse que les républicains seront unis et solidaires. On ne peut présumer que ce sera le cas. Trump se perçoit comme étant à la tête d’un mouvement, pas du Parti républicain. Parmi les raisons qui ont mené nombre d’analystes à prédire sa défaite, il y a le fait que Trump a divisé son propre parti : la plupart des ténors républicains l’ont désavoué pendant la campagne. Résultat : Trump ne doit rien aux leaders de son parti au Congrès. Ces dernier ont d’ailleurs toutes les raisons de s’inquiéter de la menace que la misogynie, la xénophobie et le repli sur soi de Trump représentent pour l’avenir même du parti.

Aux petites heures du matin, le 9 novembre, Trump a livré un discours qui se voulait rassembleur. Mais cela n’aura aucune signification tant qu’il ne joindra pas le geste à la parole. Trump a déclaré devant ses partisans qu’ils « devaient avoir de la gratitude envers Hillary Clinton pour tout ce qu’elle a fait pour le pays ». Les jours précédents, il encourageait ces mêmes partisans à scander « Enfermez-la! ».

Trump a aussi affirmé dans son discours que la planète ne devait pas le craindre, qu’il traiterait les alliés et les partenaires commerciaux des États-Unis avec équité. C’est le même Trump qui, pendant toute la campagne, a promis de construire un mur entre les États-Unis et le Mexique, aux frais de ce dernier!

Alors, qui est le vrai Donald Trump? Nul ne le sait. La seule stratégie à adopter pour un patron ou un investisseur lié de près ou de loin au marché américain consiste donc à lever le pied et à tout mettre sur pause. C’est précisément ce pourquoi Paul Krugman a prédit une récession mondiale. Les investissements était déjà faibles en raison des perspectives de croissance anémiques. Ils sont sur le point de s’affaiblir encore davantage.

(Cet article a été adapté de Canadian Business par L’actualité.)

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Kevin Carmichael, Canadian Business