Les taux sont bas, les prix en Bourse sont élevés

Par La rédaction | 30 octobre 2017 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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La Banque du Canada a résisté à l’envie de monter son taux directeur. Les marchés financiers continuent toutefois de l’épier de près, tout comme la Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne.

La Banque du Canada a choisi de laisser son taux directeur à 1 % après l’avoir augmenté à ses deux dernières décisions, rappelle Le Devoir. Elle a indiqué s’attendre à un ralentissement de la croissance de l’inflation en raison de la vigueur récente du dollar canadien. Les tensions géopolitiques et les politiques fiscales et commerciales des Américains, notamment la difficile renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l’incite aussi à la prudence.

La banque centrale évalue maintenant la croissance économique du pays à 3,1 % pour 2017, 2,1 % pour 2018 et 1,5 % pour 2019.

LA BOURSE ATTEINT DES SOMMETS

En entrevue à Radio-Canada, le gestionnaire de portefeuille à la Financière Banque Nationale Cimon Plante a résumé l’importance de l’enjeu des taux d’intérêt pour les investisseurs. Présentement, a-t-il rappelé, les prix des actions sont très élevés en Bourse. À 31,28, le ratio cours/bénéfice Shiller donne le mal de l’air. Ce ratio utilise les bénéfices nets par action en valeur réelle des entreprises sur dix ans pour évaluer les chances de rendement au cours des prochaines années. Plus il est élevé, moins les chances de faire de forts rendements sont présentes.

Or, le seuil identifié pour départager un moment où les bonnes occasions affluent par rapport à un moment où elles se font rares est généralement établi à 16,7, soit presque la moitié de son niveau actuel. C’est le niveau le plus élevé depuis la bulle technologique et le troisième depuis la fin du 19e siècle. Pourtant, selon Cimon Plante, cela ne correspond pas à l’état d’esprit des investisseurs et des analystes, plutôt pessimistes envers l’économie.

LA FAUTE AUX BAS TAUX

Pourquoi donc le marché grimpe-t-il ainsi sans que les perspectives économiques ne le justifient? À cause des bas taux d’intérêt, explique Cimon Plante. Puisque ces taux déprécient les rendements du marché obligataire, les investisseurs achètent plus de titres boursiers et la demande fait grimper leurs prix.

« C’est vraiment l’enjeu, note le gestionnaire de portefeuille. Si l’on a une indication dans le marché, aux États-Unis en particulier, que l’on devrait assister à une séquence de hausse de taux, là c’est une nouvelle réalité. À ce moment-là, on devrait avoir un ajustement où les gens ne seront plus prêts à payer les multiples que l’on voit actuellement. »

Ce qui rassure le marché pour l’instant, c’est la timidité des banques centrales dans la remontée des taux. Un changement à la présidence de la Réserve fédérale américaine pourrait toutefois accélérer leur remontée, notamment si l’économiste John Taylor devait être nommé, comme le rappelait récemment Bloomberg. John Taylor, celui qui est derrière la « règle Taylor», considère que les taux auraient déjà dû être relevés de manière notable.

Y VOIR PLUS CLAIR

Dans un tel contexte, les investisseurs et emprunteurs doivent tenter d’anticiper les prochaines décisions de la Banque du Canada, ce qui crée une grande incertitude, déplorent Steve Ambler et Jeremy Kronick dans The Globe and Mail.

Plutôt que de simplement dire qu’elle se basera sur les indicateurs économiques au fur et à mesure pour prendre ses décisions, la Banque du Canada devrait publier une projection des décisions qu’elle entend prendre au sujet de ses taux. Elle pourrait y ajouter les facteurs qui risquent de venir contrecarrer ses plans, selon eux.

La Banque du Canada pourrait aussi mieux expliquer les modèles de projection servant de base à ses politiques et les données qui y sont inscrites.

Pour justifier son approche actuelle, la banque centrale soutient que l’incertitude est si élevée présentement que la valeur des projections publiées ne seraient pas très élevée. Pourtant, elle publie ses projections quant au moment où l’inflation atteindra la cible de 2 %, malgré les incertitudes qu’une telle prédiction comporte, répondent les auteurs de l’article.

MIEUX QUE RIEN

Quant au risque que les projections de la Banque du Canada soient comprises comme une promesse, un engagement face à ses futures décisions, il pourrait être atténué si la banque centrale communiquait avec transparence les stratégies qu’elle entend prendre si elle doit modifier une décision projetée.

Bref, les projections de la Banque du Canada seraient toujours présentées comme conditionnelles, mais aideraient tout de même les investisseurs et emprunteurs canadiens à mieux évaluer la probabilité d’une remontée des taux et surtout à mieux comprendre les raisonnements de l’institution.

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